Encore balbutiante en France, l’expérience patient, c’est-à-dire le vécu du patient au long d’un parcours de soins, n’est pas encore prise en considération comme elle peut l’être en Amérique du nord. Elle souffre d’un déficit de notoriété et de la pudeur, voire du tabou, qui entoure les questions de santé dans l’Hexagone.
« L’expérience patient est tout ce que traverse une personne à l’occasion d’un problème de santé, qu’il soit ponctuel ou chronique. Il s’agit de recueillir l’ensemble du ressenti des situations vécues et l’interaction avec le système de santé dans le cadre d’une hospitalisation mais également avant ou après », définit Amah Kouevi, cofondateur et directeur de l’Institut français de l’expérience patient.  Cette organisation à but non lucratif a pour objectif de former les praticiens à recueillir les ressentis des patients en vue de leur analyse et dont l’exploitation est destinée à améliorer notre système de santé.  « Notre parti-pris est de considérer que le vécu à cause d’un problème de santé est l’opportunité pour les professionnels d’avoir une réflexion sur leur pratique pour améliorer la qualité des services de soins », poursuit-il.

Dans notre pays, l’expérience patient n’est pas la priorité du système de soins. Si tout semble pensé et conçu pour assurer la sécurité des patients, ce que vit le malade semble mis de côté en comparaison. Même si le vécu du patient n’est pas absent du système de soins français. La Haute autorité de la santé a mis en place un questionnaire de 53 questions fermées. Pour y répondre, les patients attribuent une note. Le traitement des données est uniquement quantitatif et analysé au niveau national. Avec l’expérience patient, il s’agit de recueillir d’une manière plus qualitative ces informations, sous forme de témoignages captés par les soignants.

Cela devrait aller de soi, mais pour des raisons aussi bien philosophiques que culturelles, les professionnels de santé entreprennent rarement cette démarche, se concentrant sur leur mission première de réussite et de qualité des soins.

Si Amah Kouevi confirme que les mentalités évoluent, il faudra encore du temps pour que l’expérience patient devienne une étape automatique dans le parcours de santé : « Il y a une différence culturelle incontestable avec les anglo-saxons qui sont plus imprégnés d’une logique de service, d’une relation de client à prestataire. En France, la santé a longtemps été un « sanctuaire » mais les choses sont en train de changer. Il faut avoir une vision optimiste. La recherche de la mesure de satisfaction est indispensable pour exercer les professions de soignants dans les meilleures conditions. C’est l’expérience vécue qui est le déterminant de la satisfaction. Il est intéressant, quand on veut changer ou améliorer la prise en charge, de se préoccuper de ce déterminant. »

Ainsi, en amont de la prise en charge et jusqu’après le retour au domicile, il s’agit désormais de comprendre tous les ressentis et la perception du patient lors de son parcours dans cette épreuve. Au-delà du malade, il faut également prendre en considération ce que vit l’entourage.  « On parle d’expérience patient mais le terme est restrictif car elle doit être extrapolée à ses proches dont les témoignages, interrogations, besoins, peuvent être essentiels », confirme le directeur de l’organisation.

Quelles que soient les raisons, la durée ou la gravité de la prise en charge médicale. La perception des patients en soins palliatifs ou en fin de vie, ainsi que celle de leur famille, est même fondamentale.  « Dans ces circonstances aiguës, à la charge émotionnelle forte, il est indispensable d’apporter du soutien aux équipes soignantes que rien dans leur formation ne prépare à vivre ces moments-là. La prise en compte de l’expérience patient est dès lors primordiale pour mieux comprendre ces situations et, de fait, mieux les accompagner. L’objectif est d’avoir la capacité de se mettre dans la situation de toutes les personnes concernées. C’est l’enjeu même de l’expérience patient. Il faut les encourager à partager ce qu’ils vivent pour permettre d’enseigner au personnel soignant ce qu’il ne peut pas découvrir par lui-même.  C’est une démarche altruiste par excellence », confirme Amah Kouevi.

Une démarche globale et vertueuse

L’expérience patient, pour l’heure, essentiellement focalisée autour des personnes hospitalisées, s’élargit également à d’autre profils comme les seniors résidant dans des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ou les personnes en situation de handicap suivies dans des établissements médico-sociaux. Capter leurs ressentis et ceux de leur entourage pour permettre à ces infrastructures de veiller et d’améliorer la qualité des services rendus est indispensable, a fortiori lorsqu’elles sont parfois blâmées pour des manquements.

Loin de vouloir faire du parcours santé une expérience comparable à celle d’un client dans une démarche commerciale, il parait opportun de mesurer la satisfaction de ceux qui traversent ces épreuves. Mais il est nécessaire de veiller à ce que cela ne devienne pas un Trip Advisor des établissements ou des personnels de santé mais, bien au contraire, le moyen d’accéder, dans une démarche globale, aux retours d’expériences. L’objectif étant d’améliorer les services autour de la prise en charge et de la qualité des soins. Un enjeu stratégique pour répondre aux besoins des patients et orienter les priorités des professionnels. 

Philippe Labrunie (@PhilippeLabrun1)

Pour en savoir plus sur l’Institut français de l’expérience patient, ses activités et, en particulier, sur le baromètre annuel auprès des professionnels de santé ou « Faites confiance au patient » un concours d’idées d’amélioration de la prise en charge destiné aux citoyens qui va être mis en place dans les prochaines semaines, rendez-vous sur leur site

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