Vice-président de l'université de Poitiers chargé du patrimoine et du développement durable, Laurent Brizzi dresse un constat plus que positif de sept ans de dévolution, qui a permis de de mettre en place une véritable stratégie immobilière.

Décideurs. Quels intérêts ont les universités à devenir maîtres de leur patrimoine immobilier ?

Laurent Brizzi. En 2011, la présidence précédente a obtenu la dévolution de notre patrimoine immobilier. Dès l'année suivante, l'équipe présidentielle s'est posée la question de savoir quelle devait être la stratégie immobilière de l'université. En effet, la dévolution a imposé un certain nombre de règles, nous obligeant à mettre en place un plan pluriannuel immobilier, nous donnant une vision sur vingt-cinq ans. Il a ensuite fallu planifier la totalité des travaux qu'on souhaitait mettre en place à l'université.

Quelles sont les grandes lignes de votre stratégie immobilière ?

Rapidement s'est posée la question de la stratégie immobilière de l'université. Nous ne voulions pas qu'il y ait d'enjeux politiques de court terme, nous avons donc fait voter la stratégie au niveau du conseil d'administration afin de la pérenniser. L'axe principal qui guide notre stratégie est celui du développement durable, que nous mettons en avant depuis 2014. Aujourd'hui, toutes nos actions se déclinent selon cet axe.

Comment, et avec quels outils peut-on évaluer la valeur du patrimoine d'une université ?

Le département immobilier de l'Etat nous a exigé d'avoir une vision très claire des enjeux relatifs à notre patrimoine, à la fois en termes de mètres carrés, de classification énergétique... tout en lui en présentant les axes de développement et de valorisation. Pour cela, nous avons mis en place un programme de requalification des espaces, le but du jeu étant de réduire au minimum les coûts d'infrastructures et d'assainir le plus possible notre parc.

Comment avez-vous structuré votre direction immobilière ?

La dévolution s'est accompagnée d'une restructuration complète, avec la création d'une DLPI (ndlr : direction logistique et patrimoine immobilier). La dévolution nous a obligé à disposer d'une direction centrale qui pilote toutes les opérations immobilières, de maintenance et de logistique.

Quels profils avez-vous dû intégrer ?

La maîtrise d'ouvrage étant désormais dans notre giron, il a fallu recruter des profils qui n'existaient pas à l'université. Pour recruter, nous sommes passés par des concours classiques de l'administration, les fiches de poste ont été créées au niveau national. Plusieurs personnels sont venus d'autres administrations : le directeur adjoint de la DLPI vient de la DRAC (ndlr : direction régionale des affaires culturelles).

Y a-t-il une taille critique du parc immobilier que vous souhaitez atteindre ?

La taille optimale a été plus ou moins fixée au moment de la dévolution : nous possédions alors un parc d'un peu plus de 40 000 mètres carrés et avions l'objectif de redescendre à 35 000, le delta 5 000 mètres carrés étant inutilisable ou de très mauvaise qualité. Nous avons pu rationaliser le parc en mettant la main dessus.

Nous avons mis en place une identité immobilière bien visible

Comment concilier gestion vertueuse de son immobilier tout en ne s'éloignant pas de sa mission d'intérêt public ?

Cette mission est dans l'essence même des programmes que l'on met en place. Ces trois missions régaliennes, à savoir la formation, la recherche, et la vie étudiante, sont au centre de tous nos projets. La dévolution nous a permis de restructurer les laboratoires et la totalité des pôles de recherche, avec une identité immobilière bien visible, ce qui a permis un regroupement administratif, nous permettant d'offrir aux étudiants un service plus homogène.

Combien vous a-t-il fallu pour opérer votre dévolution ?

Deux années ont été nécessaires pour l'établissement du dossier (ndlr : initiation en 2009, signature en 2011). Il a fallu beaucoup de commissions pour vérifier que le dossier de dévolution était bien viable et que le projet tienne la route avant que le ministère ne nous donne son feu vert.

Quelles sont les prochaines étapes ?

En 2017, nous avons a voté le schéma directeur de développement durable, afin que nos campus répondent aux exigences environnementales et sociétales, notamment en procédant changement de chaufferies, un investissement lourd permis par le financement de l'Ademe. Progressivement, nos campus deviendront des éco-campus !

Que faîtes-vous des bâtiments obsolètes ?

Le problème que nous rencontrons est celui de la diversité de nos bâtiments : notre parc mélange des bâtisses du XVIe siècle et des immeubles des années 2000 ! Ceux qui ne présentaient plus d'intérêt ont été supprimés, idem avec les bâtiments préfabriqués.

Comment comptez-vous valoriser le foncier non bâti ?

La question s'est posée, mais nous préférons les garder, quitte à trouver d'autres fonctionnalités à ces terrains. Nous travaillons également sur la possibilité de louer des bâtiments à des tiers.

Au final, quel bilan dressez-vous de cette dévolution ?

La dévolution a surtout permis de changer le regard sur l'université : nous avons dorénavant notre mot à dire dans les discussions locales. Ce poids nous a permis de mettre en place, dans le cadre de nos marchés immobiliers, une clause de développement durable dans le choix de nos prestataires, qui doivent rester locaux. Les retours à l'échelle locale sont considérables, puisque nous dépensons plus de 10 millions d'euros en travaux chaque année. Nous investissons ainsi dans le tissus local ! Nos relations avec les agglomérations et avec nos partenaires ont changé, nous sommes désormais partie prenante des discussions et participons aux projets de mobilités douces, par exemple avec la mise en place pistes cyclables sur le campus.

Propos recueillis par Boris Beltran

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