Le groupe chinois surprend et inquiète. Accusé d’espionnage par les États-Unis, Huawei est depuis quelques semaines boycotté par plusieurs pays occidentaux. Faut-il prendre au sérieux ces accusations ou y voir une tentative de résistance américaine à l’invasion du marché de la téléphonie par les Chinois ?

En 2018, le duopole du marché des smartphones Samsung/Apple est bouleversé par l’arrivée fracassante de Huawei. Les deux constructeurs qui se disputent la première place depuis 2010 ont désormais un nouveau concurrent de taille. En seulement trois ans, Huawei est parvenu à devenir le deuxième fabricant de smartphones au monde avec plus de 200 millions d’unités vendus en 2018. Un chiffre impressionnant qui lui permet de dépasser la marque à la pomme, tout un symbole puisque Apple est le créateur du tout premier smartphone.

Trente ans et une collection de podiums

Fondée à Shenzhen en 1988 par Ren Zhengfei, Huawei Technologies Co. est d’abord une entreprise fournissant des solutions de technologies de l’information et de la communication (TIC). À sa création, elle s’installe sur des marchés délaissés, en zones rurales chinoises, mais aussi en Asie du Sud-Est et en Afrique. En moins de trente ans l’entreprise parvient à s’implanter dans près de 170 pays et devient le premier fournisseur mondial d’équipements télécoms.

En 2007, le groupe de Shenzen atteint les 16 milliards de dollars de commandes et une croissance de 45 % de son chiffre d’affaires. Un an plus tard, la marque se voit attribuer l’IF Awards pour ses innovations et son respect de l’environnement. Cette même année, le fabricant figure parmi les dix entreprises les plus influentes au monde aux côtés de Google et Toyota. La machine est lancée !

Depuis 2003, Huawei s’est diversifiée dans la téléphonie. Les premiers smartphones signés Ren Zhengfei sont mis en vente en 2009. Le groupe commercialise d’abord en Chine et surfe sur l’accélération du marché domestique. La marque de fabrique de Huawei ? Un rapport qualité/prix imbattable et des smartphones technologiquement très sophistiqués. Même lorsque la marque chinoise monte en gamme et augmente ses prix, ses clients restent fidèles à « l’ADN Huawei ». À partir de 2015, Huawei s’appuie sur une communication solide pour améliorer son image et se défaire de l’étiquette « bas-de-gamme » qui lui est attribuée. Une opération réussie puisque, quelques mois plus tard, le mastodonte chinois s’impose comme le troisième constructeur de smartphones au monde derrière Samsung et Apple.

Huawei vs États-Unis : le bras de fer

Si Huawei est parvenu à s’imposer rapidement sur le marché mondial, le profil de son fondateur n’a jamais inspiré confiance aux Américains. Ancien militaire, Ren Zhengfei a travaillé pendant plusieurs années à l’institut de recherche de l’Armée populaire de libération (APL) comme technicien, avant de fonder Huawei. Il figure également parmi les hommes d’affaires chinois les plus discrets. À l’inverse de nombreux de ses confrères, il est très rare que le dirigeant communique publiquement ou s’adresse à la presse. Un profil qui fait de lui le suspect d’espionnage idéal.

AT&T, Verizon et BestBuy ne vendent plus de smartphones Huawei

Les États-Unis, déjà méfiants envers Huawei depuis plusieurs années, soupçonnent l’entreprise chinoise, à l’aube de l’installation de la 5G, de laisser Pékin accéder aux télécommunications de ses utilisateurs. Début 2018, les opérateurs américains AT & T et Verizon ainsi que le distributeur BestBuy ont, sous l’influence du Congrès, cessé de vendre les smartphones de la marque chinoise. Huawei a également été banni des projets d’infrastructures télécoms américains pour des raisons de « sécurité nationale ». En novembre 2018, le Wall Street Journal rapportait que les alliés des États-Unis faisaient l’objet d’une pression de la part des autorités américaines pour prendre des mesures d’exclusion à l’encontre de Huawei. Depuis, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Japon et la République Tchèque ont annoncé ne plus vouloir travailler avec l’entreprise chinoise lors de l’installation de la 5G sur leur territoire.

Pour l’instant, les mesures prises par les États-Unis et l’Australie n’ont eu que peu d’impact sur la croissance insolente de Huawei. Mais celle-ci pourrait bien être fortement ralentie si d’autres gouvernements décident de suivre le mouvement. Le boycott s’avère d’autant plus problématique pour Huawei que les premières installations de la 5G sont en projet. Pour faire taire les rumeurs et éviter que le blocage ne se généralise, le géant chinois a ouvert ses laboratoires aux journalistes en décembre 2018. À cette occasion, le groupe s’est défendu lors d’une conférence de presse. « Il n’y a aucune preuve que Huawei menace la sécurité nationale de quelque pays que ce soit », a déclaré Ken Hu, son vice-président. Le groupe a également tenté de rassurer ses utilisateurs et de potentiels clients en annonçant que vingt-cinq partenaires ont choisi de lui faire confiance pour l’équipement de la 5G.

5G : la course est lancée

La 5G, la nouvelle génération de télécommunications mobiles, est incontestablement la prochaine grande bataille du marché de la téléphonie. Celle-ci devrait engendrer des retombées économiques estimées à 12 000 milliards d’euros dans le monde entre 2020 et 2035, et créer près de 22 millions d’emplois, d’après une étude d’IHS Markit. L’installation du réseau d’infrastructures 5G représente un enjeu géopolitique de taille et fait l’objet d’une guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis. L’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche n’a pas apaisé les tensions. Le président américain a même, un temps, réfléchi à une nationalisation du réseau 5G et ne cache pas sa volonté de confier ce marché à une entreprise américaine.

En parallèle, la Chine conserve son avance technologique sur les États-Unis. Fin février 2018, Huawei a confirmé que ses premiers smartphones 5G seraient commercialisés au quatrième trimestre 2019, quand Apple parle de fin 2020. En bloquant le marché de la téléphonie ainsi que les projets d’installation 5G à Huawei, les Américains s’assurent donc de rester dans la course. Alors que les États-Unis sont déjà dépassés dans le domaine des infrastructures télécoms ainsi que sur le marché de la téléphonie, Donald Trump a de quoi s’inquiéter : la Chine ambitionne de devenir la référence mondiale non seulement dans le secteur de la 5G mais aussi de l’intelligence artificielle.

Laura Breut (@laurabreut)

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