Avec une collecte de 2,085 Md€ au premier trimestre 2019, les SCPI ont le vent en poupe. Faut-il s'en inquiéter ? Comment les sociétés de gestion s'adaptent-elles à cet afflux de capitaux ? Eric Cosserat, le président de Perial, dresse un état des lieux du marché et expose sa stratégie pour continuer à créer de la valeur sur le marché de l'immobilier.

Décideurs. Nous assistons de nouveau à une accélération importante de la collecte des SCPI. Selon les chiffres de l’Aspim, les SCPI ont collecté 2,085 Md€ au premier trimestre 2019, en progression de 79 % par rapport au premier trimestre 2018. Comment l’expliquez-vous ? Faut-il s’en inquiéter ?

Eric Cosserat. Pourquoi s’en inquiéter ? Nous ne pouvons au contraire que nous réjouir de l‘attractivité des SCPI. Le marché des SCPI a plus de 50 ans, nos produits sont robustes et les acteurs de notre marché évoluent dans un cadre réglementaire mature.

Les SCPI ont également pu bénéficier d’un transfert de capitaux lié à une année 2018 plutôt mauvaise sur les marchés boursiers, avec une performance du CAC40 en recul de 11%. Comme souvent dans ce type de conjoncture, les investisseurs ont arbitré leurs placements en faveur de l'immobilier. La forte baisse des taux d'intérêt, en particulier en Europe, peut également expliquer cet engouement : L’OAT 10 ans est ainsi passé sous les 0,20% au mois de juin. Avec des rendements affichés à plus de 4,5%, la prime de risque est historiquement favorable aux SCPI.

Pour gérer cet afflux de collecte, vous avez également pris le parti d’étendre le délai de jouissance. Le délai de jouissance correspondant au délai nécessaire pour investir dans des immeubles l’argent collecté auprès des associés.

Il y a quelques années, constatant que le délai pour investir l’argent s’allongeait, nous avons en effet été les premiers à faire passer le délai de jouissance de nos SCPI de 4 à 6 mois. C’est-à-dire que les associés qui investissent dans une SCPI Perial commencent à toucher leurs dividendes 6 mois après leur achat. Cette décision a été prise à l’époque pour protéger les associés des SCPI et garantir la bonne adéquation entre la collecte de capitaux et les investissements réalisés par les SCPI. Cet équilibre est primordial pour préserver la performance de nos fonds. Nous reviendrons à nos délais de jouissance initiaux lorsque les conditions qui le permettent seront réunies.

« La prime de risque est historiquement favorable aux SCPI »

Comment s’est comportée la gamme des trois SCPI – PFO, PFO₂ et PF Grand Paris – proposée par Perial ?

Au premier trimestre 2019, Perial est la cinquième société de gestion en termes de collecte, et la première société de gestion indépendante. L’orientation de nos investissements vers de nouveaux marchés européens profonds et bien structurés comme l’Allemagne, les Pays-Bas et l’Italie nous a permis d’élargir notre prospection et faire face à cet afflux de collecte en restant extrêmement exigeants sur les actifs que nous achetons. Pour la compléter, nous avons également eu recours au crédit, avec un ratio prudentiel de 20 %. Et les performances sont au rendez-vous : les dividendes de nos trois SCPI ont augmenté en 2018 et au premier trimestre 2019. Les fondamentaux de nos fonds sont bons. Les stratégies de chacune de nos SCPI sont parfaitement définies, et bien comprises par les investisseurs.

Vous avez rebaptisé il y a deux ans votre SCPI PF1 en PF Grand Paris. Comment se distingue-t-elle des autres SCPI investies sur la thématique du Grand Paris ?

Nous avons été les premiers à lancer une SCPI investie sur le Grand Paris. PF Grand Paris est issue de la transformation de PF1, la plus ancienne SCPI du marché créé en 1966. Celle-ci avait un patrimoine constitué à 75% de biens franciliens et son capital était fermé depuis 1993. Nous l’avons réouverte et transformée en SCPI à capital variable à la fin de l’année 2017 pour la positionner sur la dynamique du Grand Paris, un chantier majeur en Europe. Ce nouveau réseau de transport va permettre de rééquilibrer l’économie de la région parisienne, où les entreprises privilégiaient jusqu’à présent le croissant ouest parisien pour y installer leurs bureaux. Le Grand Paris sera donc créateur de valeur. Le chantier sera long et toutes les zones du Grands Paris ne se développeront pas de façons uniformes. Notre expérience d’investisseur sur ce marché nous permet aujourd’hui de bien y investir : nous avons défini des zones sur lesquelles il est opportun de se positionner, comme le secteur de la future gare Chatillon-Montrouge, de la gare Saint-Denis Pleyel ou plus généralement à proximité des sites des 68 gares qui sortiront dans le cadre du projet.

L’immobilier tertiaire et les grands projets d’aménagement du territoire sont traditionnellement réservés aux grands investisseurs institutionnels, disposants d’énormes moyens. Au travers des SCPI que nous gérons, nous rendons ces investissements accessibles aux investisseurs particuliers, aux épargnants.

Dans le cadre du Plan Climat Perial 2030, votre groupe a pour objectif de réduire de 60 % les émissions de gaz à effet de serre de tous ses immeubles sous gestion. Est-ce un objectif réaliste ?

Nous sommes convaincus qu’il est réalisable. C’est un enjeu très important pour nous. Dès 2009, nous avons intégré la dimension environnementale et les questions de réduction des consommations énergétiques de nos immeubles dans le cadre de la stratégie de gestion de PFO₂, la première SCPI « verte » du marché. Pour simplifier, sur cette SCPI, notre objectif consiste à acheter des immeubles et à en réduire la consommation d’énergie de 40 % en 8 ans. Et nous tenons nos promesses !

Nous avons éprouvé nos méthodologies, mis en place d’exigeants processus de suivi et prouvé notre expertise. Dans le cadre du Plan Climat, nous passons un nouveau cap et l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 60% par rapport à l’année 2015 sur l’ensemble de notre patrimoine est ambitieux. Nous sommes confiants dans sa réalisation. Nous nous appuyons pour cela sur notre expertise immobilière et sur le savoir-faire d’une équipe technique intégrée au Groupe PERIAL spécialisée dans le développement durable. 

« Nous privilégions aujourd’hui les « pure produits » immobilier »

Pour quelles raisons avez-vous exclu le lancement d’un OPPCI grand public ?

Les clients d’OPPCI sont avant tout les assureurs. Or, un OPPCI grand public répond à une stratégie de gestion différente, avec un produit beaucoup plus diversifié et aux performances plus volatiles. En tant que « pure playeurs » immobiliers, nous privilégions aujourd’hui les « pure produits » immobilier.

Pour les 50 ans de Perial, vous aviez évoqué votre envie de développer davantage des investissements sur des actifs alternatifs acycliques tels que les crèches ou les résidences seniors. Ces investissements représentent aujourd’hui près de 10 % des actifs de la SCPI PFO. Votre objectif est-il atteint ?

Nous accompagnons les évolutions du marché de l’immobilier en nous intéressant aux nouvelles classes d’actifs. Pour PFO, nous avions la volonté de proposer une SCPI diversifiée, avec une poche significative investie sur les actifs acycliques, c’est-à-dire des immeubles dont la gestion est décorrélée des cycles économiques traditionnels. L’exploitation des résidences gérées par exemple, dépend surtout de facteurs démographiques. Nous avons investi en 2017 dans une résidence Senior en Allemagne et avons réalisé nos premiers investissements dans l’hôtellerie en 2018, en Allemagne à nouveau et aux Pays-Bas. Nous poursuivons donc dans la voie de la diversification typologique et géographique, qui permet une meilleure mutualisation du risque pour les associés.

En France, nous avons créé un produit institutionnel, l’OPPCI Résidial, positionné uniquement sur des Ehpad (Etablissement d'Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes) et des crèches. Nous lançons aujourd’hui Résidial 2, un fonds constitué de résidences séniors qui sera positionné sur les marchés Français et Allemand.

Quelles seront les principaux projets de développement de Perial ?

Nous souhaitons conforter la qualité des services que nous offrons aux associés de nos SCPI, et notamment leur offrir un environnement parfaitement digitalisé.

Au travers de notre organisation professionnelle, l’Aspim, Perial a par ailleurs travaillé à la création d’un Label « ISR immobilier » qui devrait voir le jour d’ici la fin de l’année. Notre souhait est de labéliser nos fonds existants, et de créer d’autres types de fonds qui intégreront cette dimension. Elle est inscrite dans l’ADN du groupe Perial. Nous sommes des créateurs de performance durable. Nous continuerons à améliorer nos performances en termes de rendement et de valorisation, et notre développement sera de plus en plus intimement lié à la prise en compte de critères ESG (environnemental, sociétal et de gouvernance) en France comme en Europe.

Nous souhaitons enfin renforcer notre offre institutionnelle, lancée il y a 10 ans et qui présente un bilan attractif pour les investisseurs puisque notre premier OPPCI vient de délivrer un TRI de 17% à nos investisseurs.

« L’existence de sociétés de gestion indépendantes est un gage de sécurité »

Vous êtes désormais l’une des seules sociétés de gestion de SCPI indépendante en France. Ce modèle est-il encore adapté ?

Cela fait 50 ans que notre modèle existe et il pourra continuer à exister pendant les 50 prochaines années. La coexistence de différents types de structures est bénéfique pour l’écosystème des SCPI et pour le marché. Face à de solides acteurs adossés à de grandes institutions bancaires, l’existence de sociétés de gestion indépendantes est un gage de sécurité. Nous devons mettre en place des stratégies de gestion basées sur nos convictions d’experts. Les investisseurs institutionnels et les épargnants sont sensibles à notre engagement.

Chez Perial Asset de Management, tous les process de gestion sont ainsi consacrés à l’intérêt premier du client, qu’il soit associé ou locataire. Nous n’avons pas de réseaux de distribution captifs. Nous devons donc viser l’excellence en permanence.

Vous échangez régulièrement avec des investisseurs institutionnels internationaux venus d’Europe ou du Moyen-Orient. Quel regard portent-ils sur le marché français ?

La vision du marché par les investisseurs internationaux est positive. Le marché attire les investisseurs institutionnels, essentiellement à Paris et dans sa couronne. Premier marché européen en immobilier tertiaire, la région Ile-de-France redessine avec le projet du Grand Paris son offre immobilière. Londres attirait des capitaux mais les incertitudes liées au Brexit redistribuent aujourd’hui les cartes. Il y a enfin un effet politique : la France est redevenue plus crédible et représente désormais un pôle attractif pour les investisseurs internationaux, ce qui est d’ailleurs le cas pour l’immobilier d’entreprise depuis de nombreuses années.

Propos recueillis par Aurélien Florin

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