Les marchés obligataires sont largement influencés par les politiques menées par les banques centrales. Et avec des taux historiquement bas, il est aujourd’hui difficile pour les gérants de créer de la valeur. Comment les investisseurs institutionnels gèrent-ils leur poche obligataire ? Le moment est-il encore opportun pour prendre des risques ? Christophe Cattoir, responsable de la gestion d'actifs chez M comme Mutuelle, nous présente sa stratégie de gestion.

Décideurs. Si les indicateurs macroéconomiques sont plutôt bons aux yeux des investisseurs, les risques politiques et monétaires semblent peser sur leur confiance. Qu’en est-il pour vous ?

Christophe Cattoir. Depuis quelques mois, les indicateurs macro et micro-économiques marquent un ralentissement mais ils demeurent encore sur des niveaux corrects. Le problème actuel pour un investisseur de long terme réside dans la guerre commerciale créée et attisée par les USA dont les impacts réels demeurent inconnus et est alimenté par la réaction potentielle des grandes banques centrales. À cela, nous pouvons ajouter les nombreuses incertitudes en termes géopolitiques. Ces grandes inconnues pourraient se neutraliser mais aussi exacerber des mouvements de marchés aussi bien à la hausse qu’à la baisse que cela soit au niveau des taux d’intérêt que des indices boursiers.

Faut-il, à votre avis, maintenir une position risquée sur les marchés obligataires ?

Le niveau extrêmement bas voire négatif des taux de base constitue une force de soutien aux actifs risqués de type actions ou high yield du fait de la recherche obligée de rendement de la part des investisseurs de long terme notamment pour ceux de type assurantiel. Toutefois, ce soutien n’exclut pas un regain de volatilité et un retour de l’aversion aux risques qui pourront provoquer une baisse des marchés. Dans ce contexte, les investissements en actifs risqués conservent totalement leur place dans une allocation stratégique d’actifs mais vont nécessiter d’y adjoindre une gestion tactique de plus en plus flexible.

Les investissements en actifs risqués conservent leur place dans une allocation stratégique" 

Quelle est votre stratégie d’investissement ? Êtes-vous positionné sur de la dette non cotée ?

Nous continuons de privilégier les actifs de rendement mais en étant de plus en plus sélectifs et diversifiés d’un point de vue stratégique. Concernant le high yield, nous privilégions toujours le bond picking et le buy and hold sur des émetteurs pour lesquels nous pouvons aisément estimer leur capacité à rembourser leur dette. Nous investissons aussi sur des fonds développant des stratégies de type absolute return et aussi sur des fonds de dettes non cotées (loans). Ces derniers sont particulièrement attractifs en ce qui concerne le couple rendement/risque à partir du moment où ils sont gérés par des sociétés de gestion légitimes en la matière, en particulier pour ce qui est du sourcing et de l’analyse juridique.

Concernant les investissements en actions, nous favorisons les stratégies de type low vol (ex foncières cotées ou high quality) ou long/short de manière à pouvoir amortir tant que possible les chutes de marchés.

Enfin, nous poursuivons le déploiement de nos politiques d’investissements en matière d’actifs réels (immobilier, private equity ou infrastructures) tout en étant conscients que ce type d’investissements nécessitent d’accepter un risque de liquidité élevé. 

La diversification internationale des investissements est-elle la voie à suivre pour les investisseurs obligataires ? Comment réussir ces investissements ?

En effet, nous investissons sur des fonds d’obligations internationales mais selon deux angles différents : d’une part, dans une logique d’absolute return avec des fonds d’obligations internationales qui couvrent systématiquement leur risque de change et, d’autre part, sur des fonds qui ne le couvrent pas et qui permettent de viser des niveaux élevés de performance, mais avec un risque bien plus élevé. Pour cette deuxième catégorie, nous veillons à ce que les paris en matière de forex soient flexibles et correspondent à nos visions en termes global macro.

"Nous tâchons de réduire tant que possible notre poche monétaire"

Certains gérants obligataires avaient montré un appétit très important pour certaines subordonnées bancaires. Partagez-vous cet attrait ?

Les dettes subordonnées bancaires ou assurantielles offrent actuellement des primes de risque qui paraissent intéressantes surtout vis-à-vis des spreads high yield corporates. Il convient toutefois d’être prudent et sélectif par rapport à ce type d’investissement car l’évolution des réglementations (type Bale 3/4 ou S2) et la complexité des covenants de ces obligations rendent l’analyse financière très difficile. C’est pourquoi nous n’investissons pas en direct sur ce type d’obligations ; comme pour les fonds de loans, nous préférons sélectionner des gérants qui ont acquis l’expérience suffisante et nécessaire pour cela. De plus, le fait d’investir ce type de supports via des fonds nous permet de leur déléguer la gestion de la liquidité qui peut s’avérer très difficile dans certains contextes de marchés.

Il est d’ailleurs à noter que ce type d’investissement fait souvent partie des moteurs de performance de nos fonds obligataires diversifiés de type absolute return.

Faut-il conserver des liquidités ?

Compte tenu du niveau des taux court terme, nous tâchons de réduire tant que possible notre poche monétaire. Concernant nos liquidités, nous tâchons de les investir sur des stratégies très défensives permettant de bonifier les rendements monétaires traditionnels (short duration high yield, loans…). En dehors de cela, nous gérons le poids de nos liquidités afin de pouvoir être capables de saisir des opportunités de marchés sans avoir à créer des effets de frottement voire des moins-values.   

Propos recueillis par Aurélien Florin

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