Alors que l’environnement de marché paraît favorable aux fonds long/short actions, leurs performances ne sont pas encore au rendez-vous. Décryptage d’un mode de gestion dont le but affiché est de profiter de la hausse à long terme des actions tout en maîtrisant la volatilité.

La résurgente de la volatilité sur les marchés bactions couplée à la baisse continue des rendements obligataires poussent les investisseurs à diversifier leurs positions et à rechercher des placements alternatifs. Un besoin d’autant plus fort que de nombreux événements politiques ont obscurci la visibilité sur les marchés financiers. Ce contexte semble donc idoine pour les fonds long/short actions. Mais de la théorie à la pratique, l’écart peut être important.

Des positions à la fois à l’achat et à la vente

La gestion long/short actions consiste à prendre des positions à la fois à l’achat et à la vente. Les positions « long » sont composées par des achats d’actions. Les positions « short » désignent, quant à elles, des ventes d’actions à découvert sur des titres considérés comme « surévalués », où le gérant réalise un bénéfice lorsque leurs cours baissent.

On distingue, à ce titre, deux catégories de fonds : ceux appliquant un biais directionnel et ceux neutres au marché, aussi appelés market neutral. La génération d’alpha se fait alors avec des moteurs distincts. « Un fonds directionnel s’expose aux marchés avec des positions à l’achat et de ventes à découvert. La différence entre ces positions donne une exposition nette au marché », précise Gilles Sitbon, le gérant du fonds Sycomore L/S Opportunities. Concernant les fonds market neutral, la création de valeur se fait via des pair trades, autrement dit des couples d’investissement sur un même secteur. Comme l’explique Gilles Sitbon : « Un gérant pourra, par exemple, prendre une position “long” sur Renault et “short” sur Peugeot dans les mêmes quantités. Il générera alors de la performance lorsque la valeur sur laquelle il va être acheteur surperformera celle sur laquelle il est vendeur. »

La promesse d’une volatilité maîtrisée

L’objectif affiché par un fonds long/ short est de profiter de la hausse à long terme des actions tout en maîtrisant la volatilité. Cette stratégie a vocation à améliorer le couple rendement- risque du portefeuille, son évolution étant en partie décorrélée de celle des marchés. « Ces fonds doivent en théorie prendre une partie de la performance lors des phases de hausse des marchés financiers et assurer une certaine protection lorsque ces derniers baissent. Dans l’idéal, prendre 50 % de la hausse et environ 35 % de la baisse », abonde Édouard Petitdidier, associé fondateur du cabinet de gestion de patrimoine Allure Finance, avant d’ajouter : « Le fonds long/short est une philosophie. Ce sont les gérants qui vont adapter leurs investissements à leurs convictions, en identifiant les valeurs qui leur paraissent les plus intéressantes à l’achat et à la vente. »

Autre atout, le fonds long/short pourrait se montrer plus résilient qu’un fonds flexible en cas de baisse du marché car il n’a pas de partie obligataire. « En cas de forte hausse des taux, il n’aura pas à subir l’enrayement des marchés obligataires », estime ainsi Édouard Petitdidier.

« Le fonds long/short pourrait se montrer plus résilient qu’un fonds flexible. En cas de forte hausse des taux, il n’aura pas à subir l’enrayement des marchés obligataires » Édouard Petitdidier

Des résultats globalement décevants

Le terreau est-il aujourd’hui fertile pour cette stratégie ? Matias Möttölä, associate director chez Morningstar, n’en est pas encore totalement convaincu : « Le contexte de marché n’a jusqu’ici pas été favorable. La sous-performance des titres value face aux valeurs de croissance est une raison. Celle-ci étant très populaire auprès des gérants de fonds long/ short. Les taux d’intérêt très bas en est une autre. » Un constat partagé par Géraldine Métifeux, fondatrice associée du cabinet de gestion de patrimoine Alter Egale : « Ces fonds constituent une façon alternative de générer de l’alpha pour nos clients. Mais nous n’en proposons plus dans nos allocations, car ils sont trop souvent décevants. Nous les avions utilisés pour ne pas être exposés de manière trop importante aux actions, or ces fonds ont souvent un biais directionnel.»

En 2018, les fonds long/short Actions Europe ont en moyenne perdu 7,4 %, contre 10,6 % pour le MSCI Europe en 2018. Sur cinq ans, les performances moyennes sont de - 9 % alors que le niveau de risque affiché est de 3 sur 7 (DICI). « Il y a donc de vraies déceptions ; pour autant, il y a encore de la place pour eux. Le fonds Carmignac long/short dont la performance sur cinq ans est + 22,56 % en est la preuve », nuance cependant Géraldine Métifeux. Édouard Petitdidier veut également croire à des lendemains meilleurs : « Si un épargnant se positionne sur un fonds long/ short pour ajouter une protection supplémentaire à son portefeuille, il aura davantage d’intérêt à investir après une longue période de hausse des marchés. C’est aujourd’hui, dans un marché plus tendu, que l’investissement sur un fonds long/short doit prendre tout son sens. »

Comment les sélectionner ?

En raison de la forte hétérogénéité des performances de ces fonds, les épargnants doivent faire le tri entre les différents véhicules proposés. Cinq critères sont à regarder de près : la qualité de la société de gestion, le track record du gérant, la taille et la composition de l’équipe de gestion, la structure des frais (commission de performance, frais de gestion…) et enfin la stratégie mise en place. « Un fonds long/short investi uniquement en Europe n’a pas beaucoup de sens aujourd’hui car la cote européenne s’appauvrit. Les nouvelles entreprises à fort potentiel se trouvent essentiellement en Asie et aux États-Unis », étaye Édouard Petitdidier. « L’historique des performances est un critère important car il permet de voir la qualité de la gestion sur le long terme. Je privilégierais également un fonds avec un biais directionnel, plus lisible », ajoute Géraldine Métifeux.

Des fonds peu accessibles ?

Si les souscripteurs de contrats d’assurance vie ont accès à une offre importante en matière de fonds flexibles et patrimoniaux ou de fonds actions européennes, celle-ci est encore très restreinte en ce qui concerne les fonds long/ short. Il en est de même pour le plan d’épargne en actions (PEA). Or, « l’intérêt de cette catégorie de fonds dans un plan d’épargne en actions (PEA) est réel, car il permet de diversifier autrement son portefeuille qu’avec un fonds monétaire », souligne la fondatrice associée d’Alter Egale. Une conviction partagée par Édouard Petitdidier : « Sur un PEA, les fonds long/short présentent un intérêt encore plus important qu’en assurance vie, lorsque l’on souhaite réduire son exposition aux risques. Un PEA étant par nature positionné en actions européennes ou en liquidité. En assurance vie, les investisseurs disposent d’une plus grande liberté et peuvent donc plus facilement gérer leur risque, en réalisant des arbitrages vers un fonds en euros par exemple. »

« L’historique des performances est un critère important car il permet de voir la qualité de la gestion sur le long terme » Géraldine Métifeux

Quelles alternatives ?

Existe-t-il des alternatives aux fonds long/short actions ? Édouard Petitdidier estime que les produits structurés peuvent être l’une des alternatives crédibles et dresse une liste de leurs atouts : « Ces produits permettent aux investisseurs de réaliser de bonnes performances même lorsque le marché est stable, grâce à la distribution de coupons potentiellement intéressants. Ils vont aussi offrir une protection partielle au capital, en cas de baisse des marchés. » Géraldine Métifeux voit également dans ce placement une solution pertinente pour les épargnants en recherche de diversification : « Avec eux, nous savons exactement ce que l’épargnant peut gagner ou perdre, et à quel moment. Le pari est fixe. » Une question qui nous amène également à imaginer le portefeuille idéal d’un investisseur. Pour la fondatrice d’Alter Egale, il serait « investi en partie en actions, en partie en produits structurés, en gestion alternative (H20, JPM Global Macro) et idéalement un fonds long/short performant ».

Pour aller plus loin sur le sujet, retrouvez les interviews de :

Matias Möttölä, associate director chez Morningstar

Gilles Sitbon, gérant du fonds Sycomore L/S Opportunities chez Sycomore AM

Aurélien Florin

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