TABLE-RONDE. Le marché des télécoms oscille entre mega-deals et mouvements stratégiques. L’émergence annoncée de la 5G, la convergence des réseaux, l’implication des autorités de régulation peuvent rebattre les cartes d’un secteur où les leaders d’aujourd’hui ne seront pas forcément les gagnants de demain. Retour sur les enjeux et problématiques d’un secteur vital dans un monde toujours plus connecté.

Décideurs. Le marché des télécoms est en plein bouleversement. Quelles ont été les grandes opérations de M&A de ces derniers mois dans le monde ?

Vincent Le Stradic. Avoir une vision globale du marché au cours de l’année écoulée, c’est se rendre compte que la France était impliquée sur plusieurs des grandes transactions du secteur, y compris dans les opérations d’infrastructure. Tout d’abord avec trois deals majeurs d’Altice dans ce secteur: la vente de 49,99 % de ses tours télécoms en France à KKR, celle de ses tours au Portugal à Morgan Stanley Infrastructure Partners et Horizon Equity Partners, ainsi que la vente d’environ 50 % de sa fibre en France à des fonds de pension. Ensuite, Iliad a réalisé la cession d’actifs de tours en Italie et en France à Cellnex, et Salt (opérateur suisse contrôlé par NJJ, le holding personnel de Xavier Niel) a cédé de manière indépendante ses tours à Cellnex également. Ces transactions mettent en exergue la nouvelle problématique à laquelle sont confrontés les opérateurs télécoms en Europe : construire un réseau implique des investissements colossaux; or, les multiples de ces infrastructures sont bien supérieurs à ceux des groupes eux-mêmes. Les céder a dès lors un double intérêt, se financer mais aussi permettre de les mutualiser. C’est exactement ce qu’a fait Axian il y a déjà plusieurs années en Afrique.

Hassanein Hiridjee. En effet, les multiples de valorisation dans les business d’infrastructure sont bien supérieurs car ils sont mutualisables. Il est ainsi possible d’accueillir aisément deux ou trois autres opérateurs et d’en partager les charges. De quel ordre de grandeur parle-t-on pour les multiples de valorisation des infrastructures ? V. L. S. De manière générale, en Europe, ces actifs de tours affichent un multiple de 18 fois l’Ebitda quand celui d’opérateurs télécoms comme Orange ou Iliad se situe autour de 6,5. Le différentiel est donc loin d’être négligeable. Pour les actifs de fibre, l’ordre de grandeur est plutôt de 15 fois l’Ebitda, du fait de la mutualisation qui permet d’avoir plusieurs clients sur le même contrat. L’intervention de plus en plus fréquente de fonds dans ce secteur peut-elle conduire à la création d’acteurs cotés ? H. H. C’est déjà le cas dans les géographies africaines où des actifs, soutenus par des fonds, sont cotés.

V. L. S. Tous les deals que nous évoquons, nous n’aurions pas pu les faire il y a cinq ans puisque les fonds infrastructure n’avaient pas une taille suffisante pour soutenir des opérations de cette envergure. Les success stories ne manquent pas, à l’image de l’émergence et du développement du fonds Antin Infrastructure Partners. D’ailleurs, si ces investisseurs ont commencé par l’énergie et le transport, ils n’ont découvert les télécoms qu’assez tard. Cependant, leur courbe d’apprentissage a été particulièrement rapide et atteint un fort niveau de sophistication. C’est aujourd’hui une bonne chose pour les propriétaires d’actifs télécoms qui élargissent leur palette de solutions.

H. H. Dans le cas d’Axian, la vente n’est pas encore intervenue mais le carve out nécessaire a déjà eu lieu il y a sept ou huit ans. La cession servira principalement à financer la croissance du groupe avec des investissements très importants à prévoir pour la fibre et la 5G.

" Pourtant très récente, l’industrie des télécoms est d’ores et déjà confrontée à de profonds bouleversements. Le statu quo est impossible. "

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Vincent Le Stradic, managing director, Lazard

La concentration du secteur des télécoms est-elle achevée ou peut-on s’attendre à de nouveaux rapprochements entre opérateurs ?

V. L. S. La consolidation « in market », c’est-à-dire la fusion des opérateurs fixe et/ou mobile, obéit à la fois à une force centrifuge et une force centripète. La force d’attraction correspond aux synergies, notamment en mutualisant les réseaux, alors que la force de répulsion est incarnée par l’antitrust dont les décisions sont relativement imprévisibles en Europe. Il y a ainsi eu le blocage d’une tentative de consolidation du marché danois alors que le marché néerlandais est passé de quatre à trois opérateurs avec le rachat de Tele2 par Deutsche Telekom. Pourquoi l’une et pas l’autre ? En France, toutes les tentatives de consolidation des dix dernières années ont échoué. Est-ce d’ailleurs la panacée au regard des exemples italien ou allemand ? La fusion de Wind et Hutchison en Italie a finalement permis l’entrée d’Iliad sur ce marché… Il n’est pas certain que les opérateurs locaux en aient été ravis! Attention donc aux fusions qui peuvent distordre le marché et conduire, paradoxalement, à des prix finalement plus bas.

Arash Attar-Rezvani. Parmi les autres tendances que l’on observe, surtout en France, il y a les opérations « B2B », c’està-dire les services télécoms, hébergement, cloud, etc. aux entreprises. Bouygues Telecom a notamment réalisé deux acquisitions récentes dans ce domaine. Iliad a pour sa part racheté Jaguar Network. Un marché largement occupé par Orange à l’origine est aujourd’hui en train de se redessiner grâce aux opérations réalisées par SFR, Bouygues Telecom ou encore Iliad qui rachètent une multiplicité de petits acteurs et participent donc à la consolidation de ce secteur.

Jean-Charles Lezeau. Effectivement, au-delà des grandes opérations visibles, nous assistons à une consolidation du marché français avec des rapprochements ou des absorptions de petits opérateurs régionaux qui font du B2B. Adresser le marché des entreprises avec la 5G est l’un des principaux défis du moment. L’une des difficultés pour y parvenir va consister à trouver le financement correspondant et les bruits qui courent sur le montant des enchères en cours pour les licences 5G sont impressionnants, même s’il faut distinguer les différents types de bandes (de 3,2 à 3,8 Ghz ou 28 Ghz) de 5G.

A. A.-R. Certains pays ont déjà attribué le marché de la 5G. En Italie, par exemple, l’État a instauré un price point très élevé lors des enchères, lui permettant de récolter 6,5 milliards d’euros. Même chose en Allemagne. En Irlande, en revanche, les prix étaient beaucoup plus bas. En France, les autorités ont indiqué un prix de départ autour de 1,5 milliard d’euros. Quelle sera la tendance finale en Europe? Quoi qu’il en soit, tous les opérateurs mettent en avant le fait que les fonds mobilisés pour acheter les fréquences ne seront par définition pas investis dans le déploiement du réseau. Il sera intéressant de voir avec le recul si les montants d’enchères pratiqués auront une corrélation directe avec la généralisation de la 5G dans les pays donnés, ou si nous aurons une Europe à plusieurs vitesses à cet égard.

Et au niveau mondial ?

H. H. À l’échelle mondiale, il faut relever deux points à propos des pays émergents. L’Inde est passée dans un premier temps de vingt à onze opérateurs. Aujourd’hui, ils ne sont plus que trois pour un marché d’un milliard et demi d’habitants. Cette consolidation, qui a débuté il y a dix ans, s’est considérablement accélérée avec l’émergence d’un nouvel acteur plus agressif commercialement : l’opérateur Jio. En Afrique, la consolidation in market bat son plein comme au Kenya ou au Ghana. La stratégie est claire : face à l’écrasement des marges, soit on cède ses tours et/ou ses actifs, soit il convient de racheter son concurrent pour créer de la valeur.

Existe-t-il un nombre idéal d’opérateurs pour un marché donné ?

H. H. Comment définir le nombre idéal d’opérateurs sur un marché ? Tout dépend de sa taille, de sa dynamique et de la population concernée. Le marché indien n’a par exemple pas permis la survie économique de cinq opérateurs.

A. A.-R. Cela dépend aussi de quel point de vue nous nous situons. Le « bon » nombre d’opérateurs n’est sûrement pas le même selon que l’on soit opérateur ou consommateur.

J.-C. L. On compare toujours le marché US et le marché européen. Aux États-Unis, il y a trois opérateurs pour 300 millions d’habitants. En Europe, pour la même population, il y a trois opérateurs par pays.

L’avenir se dessine-t-il du côté de la convergence des réseaux (de la création de contenus à sa transmission) ?

A. A.-R. Aux États-Unis, on peut observer une claire tendance à la convergence entre contenus et contenants – à l’image d’AT&T qui a racheté le catalogue de Warner. Aux États-Unis mais en France également, Altice a été le champion de ce modèle ces dernières années, même si le groupe semble en revenir quelque peu en cédant un certain nombre de ses actifs dans la presse.

V. L. S. En Europe, la convergence fixe/ mobile est établie. Seuls quelques opérateurs défendent une position de pure player mais 80 % des opérateurs ont ou vont basculer dans une stratégie fixe et mobile comme Liberty Global qui a commencé comme un groupe quasiment « pur câble » puis qui a vendu son actif en Allemagne et Europe centrale à Vodafone pour s’ouvrir massivement au mobile. L’autre convergence dont il est beaucoup question en ce moment est d’offrir à la fois des contenants (fixe ou mobile) et des contenus comme les droits de diffusion de certains championnats de football. Ce trend stratégique est suivi par plusieurs acteurs en Europe tels Sky, PTV Telecom, Orange ou Altice. C’est pour l’instant une tendance beaucoup moins établie en raison du cash qu’elle mobilise alors que les opérateurs doivent faire face, dans le même temps, aux dépenses pour la 5G, la fibre… Les niveaux de Capex sont tels que seuls les plus gros peuvent encore se permettre de payer des contenus média. Pourtant, offrir des contenus à ses clients est un excellent moyen de se différencier de ses concurrents et de fidéliser sa base clients.

" La stratégie est claire : face à l’écrasement des marges, soit on cède ses tours et/ou ses actifs, soit il convient de racheter son concurrent pour créer de la valeur. "

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Hassanein Hiridjee, PDG, Axian

H. H. Le cas de Sky a servi d’exemple à Vivendi qui s’en est inspiré en rachetant un actif au Brésil, GVA, avant de s’installer sur le marché africain pour faire de l’infrastructure en y montant un opérateur de fixe. Altice a emprunté le même chemin en se diversifiant en achetant du contenu puis a amorcé un début de revirement de stratégie.

A. A.-R. Le bouleversement est double. Pour ce qui touche aux contenus, les budgets de production de films et de séries de Netflix ou d’Amazon dépassent aujourd’hui ceux des studios californiens. Cette évolution du contenu se conjugue avec l’évolution du contenant, où les opérateurs souhaitent se différencier. D’ailleurs, Altice a dû revoir sa copie après avoir acquis les droits du football sans parvenir à imposer durablement une augmentation unilatérale du prix de ses abonnements. Le défi pour se différencier consiste à identifier le bon contenu, en adéquation avec les besoins des clients, et à le rentabiliser.

J.-C. L. La convergence est un éternel recommencement. Pour le déploiement de la 2G puis de la 3G et de la 4G, les problématiques étaient sensiblement les mêmes que celles qui occupent les opérateurs aujourd’hui pour la 5G. Chez Alcatel-Lucent, vers 2004-2005, nous avions déjà créé un groupe convergence fixe/mobile. Pour la 5G, l’architecture est différente mais des sujets plus anciens reviennent avec le coût des fréquences, les contenus, les services, la gestion de la big data… Face à tous ces défis, les opérateurs vont devoir faire des choix.

V. L. S. Se risquer à ne pas faire de choix peut conduire à des situations très compliquées. En Allemagne, le coût d’installation de la fibre appelée FTTH (« fiber to the home ») est de l’ordre de mille euros par habitant, contre moins de deux cents euros au Portugal. Aujourd’hui, moins de 10 % de la population allemande bénéficie du FTTH. Deutsche Telekom aurait donc 40 milliards d’euros de dépenses à prévoir. Mais, faut-il vraiment connecter tout le monde tout de suite, le planifier sur plusieurs années ou opter pour un mélange de FTTH et de 5G? Le statu quo est impossible. Pourtant très récente, l’industrie des télécoms est d’ores et déjà confrontée à de profonds bouleversements.

H. H. Il n’y a pas de solution miracle, ni d’approche stratégique type. Chaque acteur devra étudier les choix qui s’offrent à lui en matière de convergence et surtout penser à la manière de le financer: se séparer d’un certain nombre d’actifs, en racheter d’autres ou les mutualiser.

L’arrivée des fonds dans les enchères 5G est-elle une bonne nouvelle ?

H. H. Les fonds ne peuvent pas participer directement aux enchères en France. Mais leur arrivée est salutaire car les opérateurs seuls ne pourront pas financer la montagne de capex. Les prix sont incroyables pour les fréquences. L’équation ne peut pas être résolue avec le seul cash-flow des opérateurs.

A. A.-R. Dans le cadre de la 5G, la question de la multiplicité des acteurs s’est posée. En Allemagne, les enchères étaient ouvertes aux industriels à la différence de l’Hexagone où elles sont réservées aux opérateurs téléphoniques. C’est une décision stratégique importante. En autorisant les industriels à se positionner sur la 5G, cela aurait pu créer une autre forme de convergence. L’Arcep a déjà annoncé vouloir éviter une escalade des prix, contrairement à ce qui se passe en Italie ou en Allemagne. Le président d’Ericsson expliquait récemment que si les États-Unis et la Chine étaient tellement en avance sur la 5G, c’est parce qu’ils n’avaient pas connu des enchères aussi hautes que celles européennes pour la 4G et qu’ils avaient ainsi pu investir bien plus tôt et massivement dans la 5G.

H. H. La position de l’Arcep traduit une volonté de rééquilibrage. Longtemps, les opérateurs ont alimenté les comptes de l’État. Aujourd’hui, si on veut qu’ils puissent investir et améliorer la zone de couverture en 5G et en fibre, il faut leur en laisser les moyens financiers.

" Le défi pour se différencier consiste à identifier le bon contenu, en adéquation avec les besoins des clients, et à le rentabiliser. "

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Arash Attar-Rezvani, associé, Skadden

Où en sommes-nous en termes d’infrastructures et d’équipement pour la 5G ?

J.-C. L. Chez Nokia, nous avons signé quarante-deux deals commerciaux concernant la 5G. Sa mise en place va se faire par étapes, depuis le fixed wireless access à la mobilité traditionnelle, sans oublier le network slicing qui permet aux opérateurs d’implémenter plusieurs réseaux en fonction des objectifs poursuivis par les clients. On peut tout à fait imaginer, à l’horizon 2020-2021, avoir des réseaux 5G dédiés aux particuliers, aux médias, aux industriels ou autres, le tout dans un contexte de gestion des IoT. Le slicing est un service très différenciant. Toutes ces applications vont nécessiter des investissements dans les réseaux. En revanche, l’investissement dans le transport a déjà été effectué par un certain nombre d’acteurs. L’autre grand sujet dans le cadre du développement de la 5G est la cybersécurité. Le récent rachat de SecureLink par Orange en atteste. L’architecture de la 5G fait qu’elle est plus exposée aux attaques car elle comporte plus de points d’entrée, ce qui augmente les risques.

Des opérations de M&A sont-elles à prévoir sur le segment des équipementiers ?

V. L. S. C’est tout à fait possible. Peutêtre pas pour les très gros acteurs pour lesquels on arrive à la limite des possibilités de consolidation. Il y a bien sûr des rapprochements éventuels dont on parle depuis des années comme le rachat de Juniper par Ericsson ou celui d’Ericsson par Cisco. Pour l’instant rien n’est fait, même s’il existe une littérature abondante sur ces sujets! Mais au-delà de ces super-deals, la 5G et la fibre créent des opportunités de M&A chez les équipementiers de plus petite taille, notamment sur les entreprises de sécurité. L’exemple d’Orange est parlant, tout comme celui du rachat d’une technologie brésilienne par le français Ekinops.

A. A.-R. Je suis tout à fait d’accord avec cette analyse. En dehors du B2B que nous avons déjà mentionné, il reste encore de la place pour des opérations de rapprochement dans le secteur des câbles sous-marins. Concernant les mega-deals possibles, on constate aujourd’hui deux secteurs particulièrement bouleversés par la digitalisation : les télécoms bien sûr et le secteur automobile qui est quasiment en train de sortir de l’industriel pur pour rentrer dans la tech. Si le premier est confronté à un mur d’investissement sur la 5G et la fibre, le second doit affronter des dépenses colossales pour développer la voiture autonome et les équipements embarqués connectés. Les fusions ou des acquisitions sont un moyen de faire face aux défis technologiques et financiers à venir.

Quelles sont les principales barrières à la réalisation d’opérations de M&A dans les télécoms aujourd’hui ?

J.-C. L. La régulation constitue à n’en pas douter une barrière, qui peut ralentir, voire bloquer un deal. Ce type de contrainte surgit bien entendu dès la phase de préparation mais également en aval de l’opération puisqu’il peut en découler des obligations de désinvestissement.

A. A.-R. Les régulateurs prennent de plus en plus de place, c’est une réelle tendance de fond. Qu’il s’agisse du contrôle de la concurrence ou de celui des investissements étrangers, on ne conçoit plus une opération sans examiner très en amont les obstacles réglementaires possibles. Il y a une forte actualité internationale du fait du décret adopté en mai dernier par l’administration Trump, qui restreint ou interdit aux sociétés américaines de se fournir auprès de certains fournisseurs et, inversement, interdit aux fournisseurs américains toute vente de produits et services à ces entités. Il a été dit que ces mesures ont pour objet d’asphyxier Huawei, même si les évolutions récentes laissent à penser qu’il pourrait s’agir pour partie d’un levier de négociation des Américains dans leurs négociations commerciales difficiles avec la Chine. Deux constatations: d’abord, cette affaire a mis en lumière l’interdépendance des Américains et des Chinois entre eux ou vis-à-vis de fournisseurs tiers. Certes, Google a annoncé ne plus pouvoir vendre son système d’exploitation Android à Huawei, mais le coup mortel pour le groupe chinois pourrait davantage provenir de la rupture de relations commerciales avec ARM, une société de fabrication de micro-processeurs basée à Cambridge, qui fournit 80 % ou 90 % des opérateurs dans le monde. Ensuite, sur le plan des opérations de M&A, cette situation réglementaire complexe génère des opportunités pour les entreprises européennes qui souhaitent investir aux États-Unis (dès lors qu’elles ne sont pas trop exposées au Chinese supply chain  risk). En France, notre code pénal prévoit déjà un dispositif d’autorisation administrative préalable pour le cœur de réseau, motivé à l’origine par la protection du secret des correspondances électroniques et de la vie privée. La question se pose pour le « edge » (les antennes, la radio, etc.) avec diverses tentatives législatives ou réglementaires de limiter ou d’interdire les antennes de fabrication chinoise, sans que cela n’ait encore abouti. La France vient d’emboîter le pas aux américains en adoptant en juillet dernier une loi en ce sens. Il est intéressant de noter que l’opposition aux diverses initiatives législatives ou règlementaires vient au premier chef des acteurs économiques qui ont massivement investi pour s’équiper auprès de fournisseurs chinois (s’agissant des opérateurs) ou tirent des revenus substantiels de leurs clients chinois.

"Le grand sujet dans le cadre du développement de la 5G est la cybersécurité. Son architecture fait qu’elle est plus exposée aux attaques."

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Jean-Charles Lezeau, responsable M&A, Alcatel-Lucent Nokia

V. L. S. Les États-Unis sont aussi le seul pays qui peut prendre de manière efficace et aussi rapide ce genre de mesures. L’Europe ne pourrait pas faire de même ! Elle n’en aurait même pas l’idée. De ce point de vue, le Vieux Continent nourrit une sorte de complexe d’infériorité visà-vis des États-Unis. En revanche, là où l’Union européenne a montré sa force c’est en antitrust, en montrant sa capacité à infliger des amendes records.

J.-C. L. Cette situation est vécue comme une opportunité chez Nokia. Ces derniers mois, on note une certaine agressivité des Chinois qui multiplient les tentatives de décrédibilisation des équipements de leurs concurrents auprès de leurs clients.

A. A.-R. Reste à savoir ce que le décret Huawei de Donald Trump, s’il demeure, aura provoqué dans un horizon de cinq à dix ans. Aura-t-il réussi à signer la fin de l’hégémonie chinoise dans les télécoms ou, au contraire, aura-t-il favorisé une autonomie chinoise (voire une autarcie sur leur marché domestique considérable) sur toute la chaîne de production ?

Propos recueillis par Alexis Valero et Sybille Vié

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