Sylvestre Dhombres crée la fonction juridique au sein de la société dédiée à la création d’objets de décoration Pylones à son arrivée en janvier 2012 et apporte une solution à tous les litiges alors en cours. Fort de sa double casquette de directeur juridique et des ressources humaines, il revient pour Décideurs sur sa pratique du contentieux ainsi que sur sa vision du recours à la médiation.

Décideurs. De quelle nature sont les contentieux que vous rencontrez ?

Sylvestre Dhombres. Je couvre tous ceux allant du commercial international et de la propriété intellectuelle, aux litiges sociaux, administratifs et pénaux. Mais aujourd’hui, nous nous heurtons principalement à des litiges qui concernent la propriété intellectuelle, parfois face à de grandes enseignes. Nous déposons également nous-mêmes nos dessins et modèles en Europe. Il est important de noter qu’on retrouve dans chaque magasin plus de 1 600 références produits !

Comment appréhendez-vous le contentieux ?

S’il y a bien un domaine de prédilection dans lequel le juriste d’entreprise est compétent (et doit l’être), c’est le contentieux ! C’est là où nous apportons à la société une vision à 360 degrés, puisque nous connaissons bien l’entreprise, son historique, le contexte commercial et les enjeux psychologiques, entre autres, ce qui nous permet d’appréhender un dossier dans son intégralité et d’apporter des points venant appuyer ce qu’on y avance. La valeur ajoutée du juriste est également de prendre les sujets le plus en amont possible. Il est désormais facile d’avoir accès à des données statistiques lesquelles nous aide à mieux connaître la pratique contentieuse de la partie adverse, à mieux apprécier la situation statistique associée à son dossier, les montants qui leur sont habituellement alloués, etc.

Si vous voulez faire aboutir une procédure, vous devez ouvrir votre cœur, livrer votre « vérité »

Mais l’approche contentieuse est très spécifique et reste du cas par cas. Il est préférable de résoudre un litige rapidement et dans de bonnes conditions puisqu’on est souvent amené à retrouver la partie adverse dans de nouveaux projets. Vous devez également être prêts à livrer bataille et mettre toutes les chances de votre côté. En interne, l’exposition de la direction juridique est à son comble dans une procédure judiciaire.

Avez-vous recours aux modes alternatifs de règlement des litiges ?

J’ai suivi une formation à la médiation qui me donne le réflexe de recourir à ce mode de règlement des litiges, et ce, dans toutes sortes de contentieux, aussi bien commerciaux que sociaux par exemple. « La passion de la justice m’a fait comprendre la beauté du compromis », disait Gandhi. La médiation nous met devant notre responsabilité et notre volonté de trouver une issue au conflit. Cette médiation permet aux parties de construire la meilleure résolution de leur litige en faisant appel à des options inaccessibles à la justice. Il arrive cependant que la partie adverse refuse de recourir à la médiation, mais cela dépend des circonstances et du dossier. Lors de la procédure, si vous voulez aboutir, vous devez ouvrir votre cœur, livrer votre « vérité », être authentique, écouter l’autre, ce qui n’est pas naturel pour tout le monde ! Il faut une certaine ouverture d’esprit puisqu’on peut s’exposer à certaines critiques. Et j’ai l’impression que cela constitue un frein pour certaines personnes.

À quelles problématiques juridiques devez-vous faire face avec le développement du groupe à l’international ?

Là est la partie la plus délicate de mon activité puisque nous intervenons sur des marchés principalement européens, avec des problématiques très différentes. Je pense notamment aux baux commerciaux et à la réglementation sur les promotions des ventes qui ne bénéficient pas d’une harmonisation au niveau européen. La plus grande difficulté réside aussi dans la compréhension de notre environnement juridique dans ces pays, en sachant qu’il existe des systèmes juridiques différents, à savoir ceux de common law et ceux de droit civil. Cela a un impact important dans notre manière d’intervenir. Chaque pays gère certains sujets de façon dissemblable, avec une approche, une philosophie et des concepts différents, sans mentionner la question de la langue locale. Nous sommes toutefois de plus en plus dans une logique de gestion opérationnelle de nos filiales en interne. Nous gérons par exemple nous-mêmes nos baux au Royaume-Uni.

Le Brexit aura-t-il un effet sur votre activité ?

Il s’agit d’une problématique qui se pose en effet. Non pas en matière de tarifs douaniers, mais en ce qui concerne la conformité des produits. Le gouvernement britannique semble vouloir disposer de ses propres règles environnementales et sécuritaires, entre autres, distinctes de celles de l’Union européenne. Il existe clairement une volonté de divergence, ce qui ajoute un nouvel élément de complexité puisque nous avons plusieurs boutiques outre-Manche.

Quels sont vos prochains défis ?

Concernant l’aspect juridique, je dirais la manière de bien anticiper les problématiques de conformité en France et en Europe, de prévenir et d’identifier les sujets sensibles pour Pylones. Il est fondamental de ne pas se perdre parmi les nombreuses lois existantes et les nouvelles obligations qui apparaissent, ce qui peut être compliqué pour une petite structure. Je veille donc à ce que nous soyons toujours respectueux des règles en vigueur et prends les sujets le plus en amont possible. Nous avons par ailleurs plusieurs projets de transformations digitales dans l’entreprise. Avec ma casquette RH, j’ai notamment mis en place la signature électronique de tous les contrats de travail pour les boutiques et un logiciel SIRH (Octime) qui intègre toute la partie gestion de temps et planning des boutiques, ce qui représente un changement majeur.

Propos reccueillis par Margaux Savarit-Cornali

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