Pour Jean-Philippe Tasle d'Heliand, président de ODDO BHF Banque Privée France, la chute des marchés actions remet en perspective la rémunération des fonds en euros, certes en baisse, mais qui continue malgré tout d’offrir une garantie en capital.

Décideurs : Quelle place ont les fonds en euros dans les contrats d’assurance vie ? 

Jean-Philippe Taslé D'Héliand : Avec un encours total de 1 700 milliards d’euros, l’assurance vie reste le placement préféré des français. Avant l’écroulement des marchés, l’assurance vie avait perdu de sa superbe, en raison notamment de la baisse de la rémunération des fonds en euros. La fiscalité de l’assurance vie est par ailleurs moins attrayante qu’elle ne le fut sur les revenus et les plus-values. La baisse du rendement sur le fonds euros ont amené les assureurs à rechercher des unités de compte à caractère défensif dont le rendement se rapproche du fonds euros. La crise sanitaire a toutefois rebattu les cartes car les marchés financiers ont connu une baisse historique. Aussi, les contrats d’assurance vie qui perdaient de leurs attraits sont revenus sur le devant de la scène, avec les meilleures performances sur les fonds euros. Dans ce contexte la rémunération offerte retrouve un réel attrait, le tout avec un capital garanti. 

D’autres acteurs comme Corum, ont par exemple lancé des contrats d’assurance vie sans fonds euros, pensez-vous que cela est judicieux pour l’épargnant ? 

À la vue des faibles rendements sur la partie euros, cela peut avoir de l’intérêt. Dès lors que les unités de comptes auxquels ont souscrit les épargnants dans ces contrats offrent un horizon et un spectre d’investissement élargis. Les souscripteurs recherchent désormais des contrats offrant une architecture totalement ouverte et où ils peuvent avoir accès à un grand nombre de placements. Outre les fonds en euro, c’est le rendement et surtout la garantie, la solidité offerte par la compagnie d’assurance que les épargnants recherchaient. Le fait d’avoir sur les contrats euros une garantie du capital est sécurisant. Mais les avantages en matière de fiscalité sur la succession  dans l’assurance-vie en font une enveloppe toujours attrayante même sans le contrat euros.  La capacité des compagnies d’assurance d’intégrer l’immobilier et le private equity maintiennent l’attrait du contrat en l’absence du fonds euros. 

"Toutes les classes d’actifs ont souffert depuis le début de la crise avec des rendements négatifs"

Comment vos clients s’adaptent-ils à la restriction d’accès des fonds en euros ? Quels conseils leur apportez-vous ? Quelles sont les alternatives qui s’offrent à eux ?

Tout d’abord, ce sont les compagnies d’assurance qui imposent un montant maximum par souscription pour les fonds euros. En effet, les compagnies d’assurance assument le risque de garanti du capital et du rendement pour leurs clients. L’alternative est de trouver des solutions d’investissement qui proposent un couple rendement-risque qui s’approche le plus du fonds euros. C’est -à-dire une volatilité très faible avec une recherche de rendement autour de 2 %. Cependant, par le contexte actuel, ce couple rendement-risque est quasiment impossible à trouver. Presque toutes les classes d’actifs ont souffert depuis le début de la crise avec des rendements négatifs, hormis la dette souveraine US, l’or et le dollar. 

Le gouvernement souhaite relancer les fonds euro croissance, pour cela une réforme a été réalisé dans le cadre de la loi pacte. Quel regard portez-vous sur cette disposition ? Pensez-vous que les fonds euro croissance peuvent trouver leurs publics ? 

Le fonds euros croissance peine à trouver son public. Dans un contrat d’assurance vie, le capital de la poche euros est garanti ainsi que le rendement, et ce d’année en année. Les fonds euros croissance  garantissent le capital certes, mais seulement à terme. Maintenant, l’actualité mènera peut-être les investisseurs  à porter un regard différent sur les fonds euros croissance. 

"Toute crise est une opportunité"

L’avenir de l’assurance vie passe-t-il par le private equity ? 

Tout ce qui concerne le non-côté et la dette privée a connu une très forte croissance des encours, notamment sur ces trois dernières années. Le private equity concerne une gamme extrêmement large de stratégies allant sur des start-ups aux sociétés plus matures, et avec des thématiques pouvant inclure l’ISR, les infrastructures, etc. Désormais accessible au grand public, nous vivons une démocratisation du Private equity, qui était, rappelons-le, à l’origine réservé aux grandes fortunes. Le private equity offre une espérance de rendement plus élevé mais avec une moindre liquidité. Mais grâce à la forte diversification patrimoniale qu’il offre, je ne doute pas qu’il continuera à prendre une part de plus en plus importante dans le patrimoine des français.

La crise du coronavirus pourrait-elle amener les épargnants à réaliser des changements à long terme de leur allocation d’actifs et des attentes différentes en matière d’épargne ? 

Sans aucun doute, oui. Toute crise est une opportunité. Cette crise sanitaire a provoqué une chute historique des marchés. Cette situation créée de nouvelles opportunités pour les investisseurs. Nous entrons dans une  récession mondiale, mais le niveau actuel des marchés semble avoir intégré ces moindres perspectives de croissance. Cette récession entrainera également une plus grande recherche de diversification dans les investissements. Notamment, les secteurs du digital, de la santé et de la logistique bénéficient d’un fort potentiel de croissance dans ce nouvel environnement. 

Propos recueillis par Chloé Buewaert 

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