Jean-Charles Mériaux, directeur de la gestion, DNCA Finance, se montre favorable à ce que les entreprises réduisent, voire coupent totalement le versement de dividendes à leurs actionnaires. La priorité de ces sociétés devant être de garder un maximum de capitaux à leur disposition, pour traverser dans les meilleures conditions possibles la crise.

Les entreprises sont en train de publier leurs résultats du premier trimestre. Ces annonces permettent-elles de dessiner une tendance pour les prochains mois ?

Jean-Charles Mériaux. Nous allons entrer dans la phase deux de la crise, phase la plus délicate. C’est une période qui sera longue. Au cours des deux dernières semaines, les entreprises ont publié leurs résultats trimestriels. Les chiffres communiqués ne nous permettent pas d’évaluer précisément l’impact de la crise sur ces sociétés, et la façon dont elles résistent. Les mesures de confinement n’ayant été décrétées qu’à la mi-mars, elles n’ont encore que peu d’impact sur les résultats du premier trimestre. Ces derniers ne traduisent pas encore pleinement les difficultés de l’exercice en cours.

Quel sont les secteurs à privilégier ?

On assiste à une accélération de la transition vers un monde digital. Connectivité et mobilité s’opposent désormais. L’industrie des télécoms prends plus de poids tandis que le secteur des transports et des services associés tels que le tourisme et l’hôtellerie souffrent. Des interrogations légitimes pèsent sur le comportement des consommateurs à la sortie de l’épidémie. Les modes de vie, les comportements changeront-ils ? Il est possible de voir s’affaiblir le monde d’hyperconsommation dans lequel nous vivions au profit de comportements plus sobres. Les secteurs de la consommation répondant à des besoins primaires (se nourrir, se loger, se soigner) en tireront avantage.

"Cela me paraît très indécent de voir des entreprises verser des dividendes élevés dans une situation de crise grave"

Certaines entreprises vont baisser voire supprimer le versement des dividendes aux actionnaires. Leurs décisions vous parait-elles logiques ?

Cela me paraît aujourd’hui très indécent de voir des entreprises verser des dividendes élevés dans une situation de crise grave, où elles mettent à contribution leurs salariés. La moitié des salariés du secteur privé en France a ainsi été touchée par des mesures de chômage partiel. Les entreprises doivent garder un maximum de capitaux à leur disposition. Nous ne sommes pas opposés à ce que les sociétés conservent leurs dividendes pour mieux traverser la crise, bien au contraire. C’est un moyen pour elle de renforcer leurs fonds propres.

Malgré le soutien des banques centrales et des États, les établissements bancaires ont été malmenés par les investisseurs boursiers.  

Ce fut le secteur le plus maltraité durant la crise. Les banques ne représentent que 5 % de la capitalisation boursière du CAC 40, contre 22 % pour les valeurs du luxe. BNP Paribas est aujourd’hui la plus grande banque de la zone euro et pourtant elle ne représente que 20 % de la valeur boursière de LVMH ! Aujourd’hui plus personne ne veut détenir de banques dans son portefeuille. Elles payent toujours leur responsabilité dans la crise de 2008. Or, aujourd’hui les banques ne sont pas à l’origine de la crise. Elles sont, au contraire, la solution pour éviter que l’économie s’effondre. Leurs fonds propres ont été reconstitués tandis que les États leur ont apporté des garanties supplémentaires. Les valeurs bancaires n’ont jamais été aussi bon marché. Certes le cout du risque va s’envoler, mais les banques peuvent profiter de la crise économique pour restaurer leur marge d’intérêt.

"Il est possible de voir s’affaiblir le monde d’hyperconsommation dans lequel nous vivions"

En grande difficulté, Air France vient de bénéficier d’un prêt de 7 milliards d’euros accordé par l’Etat Français et les banques. Est-ce une valeur qu’il peut être intéressant de « jouer » en bourse ?

Air France va survivre avec des dettes étatiques très importantes. En comptant le soutien apporté par l’état néerlandais, ce sont 10 milliards d’euros de dettes supplémentaires qui vont peser sur l’entreprise. La valorisation boursière d’Air France est à peine de 2 milliards d’euros. Le déséquilibre est immense ! L’actionnaire n’a plus aucun pouvoir. Les créanciers sont désormais les maîtres du jeu. Les investisseurs devront, à mon sens se méfier des entreprises qui, comme elle, n’ont plus leur destin entre leur main.

Malgré les sommes injectées par les banques centrales, l’inflation demeure au plus bas. Est-ce durable ?

On ne peut pas nier que le premier impact de la crise soit significativement déflationniste. La baisse du prix du pétrole, la chute de la consommation et la hausse du chômage soutiennent cette tendance. Mais en parallèle, nous remarquons également que les sociétés qui reprennent leur activité doivent face à des coûts de production plus élevés. Une tendance qui s’explique par quelques désorganisations logistiques, des difficultés à s’approvisionner et les dépenses supplémentaires engendrées par les protections sanitaires mises en place. Cette hausse va-t-elle être absorbée par les entreprises ou répercutée sur les prix ? À moyen terme, ces tensions pourraient être génératrices d’inflation.

Propos recueillis par Aurélien Florin (@FlorinAurélien)

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