Différentes possibilités s’offrent à un entrepreneur lors de la transmission de son entreprise. Xavier Rollet, Co-Managing Partner du cabinet Racine revient sur les outils à disposition des dirigeants afin d’alléger leur assiette fiscale.

Décideurs : Comment s’organise une transmission d’entreprise ?

Xavier Rollet : Globalement, cela dépend du profil de l’entreprise. Les deux points clés sont la transmission du management et de l’opérationnel. Le mode de transmission sera influé par l’âge de l’entrepreneur ainsi que sa volonté de sécuriser une partie de son patrimoine. Si vous transmettez à vos enfants, cela pourrait avoir des incidences sur l’équilibre successoral et la part du patrimoine revenant à chaque héritier. Quant à l’aspect opérationnel, il repose sur ceux qui créent de la valeur au sein de l’entreprise, le dirigeant, le management et les salariés. La transmission a pour vocation première de pérenniser l’entreprise. Aujourd’hui, nous constatons que la transmission intergénérationnelle n’est plus le saint graal. De nombreux entrepreneurs ont réalisé que les futurs managers les plus performants, les mieux préparés à conduire les rênes de la société, ne sont pas forcément au sein de leur famille. Afin de pérenniser ce qu’ils ont créé, ils doivent faire appel à des professionnels extérieurs. Par ailleurs, l’aspect financier est primordial dans une transmission. En cristallisant ainsi la valeur de son entreprise, elle se transforme en monnaie sonnante et trébuchante. Ce qui veut dire que la transmission d’entreprise est systématiquement guidée d’un accompagnement financier, par un établissement bancaire ou un fonds de private equity. Les accompagnements peuvent être différents si l’entreprise est transmise progressivement. C’est pour cela que la transmission d’entreprise doit s’anticiper très tôt, mais aussi s’organiser autour du management opérationnel.

Comment sont calculés les droits de donation lorsqu’un entrepreneur souhaite transmettre son bien professionnel à ses enfants ?

La transmission est un coût, qui peut être fatal à une entreprise. Deux solutions s’offrent aux entrepreneurs dans la transmission de leur entreprise à leurs enfants. Dans le premier cas, le calcul du coût fiscal dépend du barème des droits de donation dont le taux d’imposition peut aller de 0 à 45 % et si l’entrepreneur cède la pleine propriété ou la nue-propriété. Lorsque la transmission est bien anticipée, cela permet à l’entrepreneur de garder les fruits de l’entreprise et de donner sur des valeurs qui sont plus faibles. Le second cas est l’application du pacte Dutreil. L’anticipation et l’utilisation de cet outil ont vocation à aider les générations à se transmettre l’entreprise sans remettre en cause sa pérennité. Le Dutreil accorde un abattement important de 75 %. Son application va permettre de réduire les taux de droit de donation de 5 à 7 %. La philosophie de ce texte est de garder la société et le management au sein de la famille. Son application dépend cependant de la structure de détention du capital. Le texte s’applique uniquement dans le cadre de sociétés opérationnelles. Les droits de donation se calculent aussi en fonction de la nature juridique de la propriété (en pleine propriété ou en nue-propriété). Autre avantage du pacte Dutreil, la possibilité de bénéficier d’un paiement fractionné et différé des droits. Une solution permettant à l’entrepreneur d’étaler dans le temps les droits de donation. L’idée est de sauvegarder la trésorerie de la société pour payer les droits de transmission.

"Aujourd’hui, nous constatons que la transmission intergénérationnelle n’est plus le saint graal"

Quelles sont les spécificités d’une transmission à ses salariés ?

L’entrepreneur peut transmettre à ses salariés dans un cadre dit onéreux, c’est-à-dire qu’il vend à ses salariés. Toutefois, il peut aussi décider de donner l’entreprise à ses salariés. Dans ce cas, le pacte Dutreil peut s’appliquer. Nous ne nous basons pas sur les droits de donation en ligne direct de 45 %, mais sur ceux entre tiers à 60 %. La philosophie du pacte Dutreil est d’appliquer les droits au donataire, ce qui veut dire que celui qui reçoit les titres paie les droits de donation. Le problème dans ce cas, c’est que si le salarié quitte la société, l’entrepreneur n’a pas forcément envie de lui laisser les titres. Dans le cadre de la transmission intergénérationnelle, la conservation des titres dans la famille ne pose pas de problème. Pour des salariés, nous sommes soumis aux aléas du contrat de travail. C’est la difficulté de l’exercice. Un abattement de 300 000 euros est prévu pour l’application des droits de mutation à titre onéreux en cas d’achat d’une entreprise par ses salariés. Un abattement qui s’applique sur la valeur du fonds de commerce hors trésorerie. Globalement la transmission aux salariés est difficile à gérer sur le long terme. Aujourd’hui, il y a peu de système incitatif. Si l’entrepreneur donne à ses salariés une quote-part du capital, vous avez une vraie incitation fiscale. Mais les gens diraient que vous donnez du capital pour ne pas rémunérer vos salariés et donc faire de l’évasion fiscale. Il faudrait des systèmes incitatifs qui permettraient aux actionnaires de donner davantage d’actions à leurs salariés. D’autre part, transmettre le management à ses salariés ne garantit pas que la société va être gérée de manière efficace et stratégique.

Peut-on combiner la donation avant cession avec le pacte Dutreil ?

Cette combinaison est impossible. En effet, le pacte Dutreil nécessite de garder les titres pendant 6 ans. En revanche, le capital peut être séparé en deux. Il serait donc possible d’appliquer le pacte Dutreil sur une partie du capital puis la donation avant cession sur l’autre partie. De plus, les entrepreneurs ne sont pas obligés de céder leur capital en même temps.

Comment définissez-vous une transmission d’entreprise réussie ?

Une transmission d’entreprise réussie doit être préparée en amont. Les entrepreneurs doivent penser à organiser et assurer un management cohérent. Selon moi, une transmission réussie n’est pas forcément une question de fiscalité ou de passage intergénérationnel. La pérennisation de celle-ci est le but principal. Par ailleurs, nous pouvons voir une opportunité sur les transmissions dans le contexte actuel. Les valeurs des entreprises se font au moment précis de la transmission. Il est donc impossible de revenir sur la transmission réalisée sur le plan fiscal. Compte tenu de la dégradation des valeurs actuelles, il peut être intéressant de penser à une transmission.

Propos recueillis par Chloé Buewaert

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