"Atypique" est l'un des mots qui revient le plus régulièrement dans la description du Sars-Cov-2 et de la maladie qu'il provoque, la Covid-19. Le virus, qui s'est répandu à travers le monde à une vitesse étonnante, n'est pas encore bien connu. Tout comme ses symptômes, qui surprennent par leur variété. Le point sur ce que l'on sait aujourd'hui, et les surprises qu'il peut encore réserver.

Les coronavirus, des virus qui touchent d'abord les animaux

Les coronavirus, qui doivent leur nom à leur couronne de protéines, observable en microscopie électronique, sont bien connus des chercheurs. Il en existe des millions, peut-être davantage, qui touchent plusieurs espèces animales, notamment les oiseaux. Seulement sept sont connus pour infecter les êtres humains. Parmi eux, quatre ne provoquent, en hiver, que de simples rhumes. Un autre, le Sars-Cov, à l'origine de l'épidémie de Sras de 2002/2003, a coûté la vie à 774 personnes, avant de disparaître définitivement en plein été. Le sixième, le MERS-CoV, est particulièrement tenace. Identifié pour la première fois en 2012, il circule aujourd'hui encore au Moyen-Orient. Sa létalité importante – 35 % des personnes diagnostiquées en meurent – est compensée par une transmission interhumaine limitée : son principal réservoir est le dromadaire.

Seulement sept sont connus pour infecter les êtres humains. Parmi eux, quatre ne provoquent, en hiver, que de simples rhumes.

Le dernier, le Sars-Cov-2 (pour coronavirus 2, un syndrome respiratoire aigu sévère), pourrait avoir comme réceptacle naturel la chauve-souris, le pangolin, peut-être le serpent, mais aucune de ces pistes n'est validée avec certitude. Surtout, son évolution chez l'animal l'a rendu particulièrement dangereux pour l'homme. Ses "pics" de protéines (en couronne), qui permettent son ancrage au sein des cellules, sont différents de ceux des autres coronavirus. Selon des chercheurs américains, ils offrent au virus une capacité d'ancrage au moins dix fois supérieure à celle du Sras. Si la chaleur et l'humidité semblent bien ralentir sa propagation, cette contagiosité interhumaine a fait de l'homme son principal hôte. Il pourrait donc résister à l'été et devenir endémique.

Une maladie masquée…

La Covid-19 ne ressemble à aucune autre maladie. Les symptômes les plus courants sont ceux des coronavirus – fièvre, toux sèche ou grasse –, mais l'infection pulmonaire se présente cliniquement de façon très hétérogène selon les patients. Elle entraîne globalement une baisse du taux d’oxygénation sanguine. Mais cette hypoxémie, même très prononcée, ne provoque parfois aucune gêne respiratoire. L'état de santé de certains patients a priori bien portants peut donc se détériorer rapidement, sans prévenir. D'où l'importance pour les médecins de réaliser certains examens, dont des scanners thoraciques, même en l'absence de symptômes apparents.

L'état de santé de certains patients a priori bien portants peut se détériorer rapidement, sans prévenir.

Chez les enfants aussi, la Covid-19 serait, dans de rares cas, à l'origine de symptômes graves apparentés à la maladie de Kawasaki, une maladie inflammatoire aigüe. Là aussi, le délai d'apparition du syndrome interroge. Les recherches montrent en effet qu'une grande partie des petits patients avaient été porteurs asymptomatiques du coronavirus plusieurs semaines auparavant, laissant ainsi supposer une réaction inflammatoire sous-jacente.

…différente d'un patient à l'autre

La Covid-19 ne se déclare pas de la même façon selon les patients. Les antécédents médicaux, l'âge, le sexe, le poids en font varier les formes. Chez les sujets âgés, au-delà des signes respiratoires, la maladie provoque des troubles digestifs (notamment des diarrhées), un état confusionnel ou des chutes. Les populations seraient également touchées de façon différente. Ainsi, la perte de l'odorat (anosmie) et du goût (agueusie), parmi les symptômes les plus fréquents chez les patients européens, n'ont pas été rapportés en Asie. Les populations européennes pourraient aussi souffrir davantage du coronavirus, en raison d'un niveau plus important d'enzyme de conversion de l'angiotensine 2, ou ACE2, qui agirait comme un récepteur du coronavirus.

La perte de l'odorat (anosmie) et du goût (agueusie), parmi les symptômes les plus fréquents chez les patients européens, n'ont pas été rapportés en Asie.

Les chercheurs s'interrogent aussi sur des facteurs génétiques, qui pourraient expliquer l'apparition de complications chez certains patients, sans fragilité particulière. Des marqueurs biologiques ont été identifiés dans le sang de personnes touchées par les formes les plus graves de Covid-19, mais les études manquent encore sur le sujet.

Des personnes protégées ?

Le risque d'infection au coronavirus n'est pas non plus le même pour tous. Ainsi, contrairement à d’autres virus respiratoires, les moins de 15 ans sont très peu touchés. Dans les clusters familiaux, les enfants sont deux à cinq fois moins porteurs du virus que les adultes. De plus, la population d’enfants est moins contaminante que celle des adultes.

Par ailleurs, des chercheurs émettent l'hypothèse d'une immunité croisée, qui protégerait certaines personnes. En ayant contracté un virus différent, probablement un coronavirus bénin, certaines personnes pourraient avoir développé des anticorps capables de lutter contre le Sars-Cov-2. À l'hôpital, le nombre d'infections des médecins et infirmiers a en effet explosé les premières semaines de l'épidémie, avant de se stabiliser rapidement. Environ 70 % de ces personnes, pourtant en contact étroit avec les patients, n'ont pas été contaminés.

Des chercheurs émettent l'hypothèse d'une immunité croisée, qui protégerait certaines personnes.

Un chiffre à rapprocher d'une étude californienne publiée dans la revue scientifique américaine Cell. Elle montre que 100 % des patients infectés par le Sars-CoV-2 possèdent des cellules CD4, dont la mission est de coordonner le système immunitaire, réagissant au virus. Tout comme 50 % des personnes qui ne l’ont jamais rencontré. Dans ce scénario, la moitié des personnes serait donc déjà protégée contre le Sars-CoV-2. Il suffirait alors que 20 à 30 % de la population attrape le virus pour atteindre l'immunité collective. Mais dès 10 %, la circulation du Sars-CoV-2 serait fortement réduite.

Radiographie du patient type

Le premier facteur de risques de décès en lien avec la Covid-19 est clairement l’âge : à l’hôpital, les moins de 50 ans ne représentent ainsi que 9 % des personnes décédées. À l’inverse, 58 % des morts en France avaient plus de 80 ans. Les statistiques montrent aussi que 77 % des personnes admises en réanimation ont fini par guérir. En l’absence de traitement médicamenteux réellement efficace contre les cas graves de Covid-19, l’amélioration des chances de survie à l’hôpital reflète surtout les progrès de la prise en charge des malades, notamment en matière de techniques d’oxygénation. Les hommes représentent par ailleurs 58% du total des décès rapportés dans les hôpitaux.

Le premier facteur de risques de décès en lien avec la Covid-19 est clairement l’âge.

La présence de pathologies antérieures augmente également le risque de complications. Parmi les personnes décédées, 90 % présentaient au moins une comorbidité. Les plus fréquemment rapportées impliquaient une pathologie cardiaque (51 %), un diabète (37 %) ou une pathologie pulmonaire (24 %).

Enfin, dans la plupart des pays, l'épidémie est marquée socialement. Au Royaume-Uni, les travailleurs moins qualifiés, surtout les hommes, voient le risque de mortalité augmenter. Selon le Bureau des statistiques (ONS), le taux de décès chez les agents de sécurité (de 45,7 pour 100 000) est par exemple bien plus élevé que dans l’ensemble de la population masculine (9,9). De même, les chauffeurs de taxi ou de bus, les cuisiniers et vendeurs figurent parmi les autres professions à risque. Des disparités également documentées aux États-Unis ou en France.

Mutation : une chance ou un risque ?

Depuis son apparition fin 2019 à Wuhan, le nouveau coronavirus a déjà muté des centaines, voire des milliers de fois. Sans surprise : pour se diffuser, un virus doit se répliquer et chaque nouvelle copie présente un risque d'erreurs et de modifications. La plupart n'ont aucune incidence sur sa structure ou la façon dont il se comporte. Toutefois, lorsqu'une ou plusieurs mutations influent sur la fonction même du virus, ils créent alors une nouvelle souche.

La recherche sur le sujet demeure toutefois très complexe. Les échantillons de Sars-CoV-2 sont encore insuffisants dans les laboratoires pour dresser une cartographie complète des différentes souches qui circulent à travers le monde. De plus, ces analyses bio-informatiques sont particulièrement délicates. Même si, plusieurs équipes à travers le monde ont bien identifié différentes souches, l'interprétation de leur variation n'est pas encore certaine. Pour des chercheurs chinois, les mutations dominantes aboutiraient à des virus jusqu’à 270 fois plus virulents que les autres. Des chercheurs américains affirment au contraire qu'elles affaibliraient le virus, avec la disparition de 81 bases du génome.

Les échantillons de Sars-CoV-2 sont encore insuffisants dans les laboratoires pour dresser une cartographie complète des différentes souches qui circulent à travers le monde.

Impossible de conclure aujourd'hui ni de prédire le risque d'une nouvelle mutation du coronavirus à l'hiver prochain par exemple. Mais cette possibilité doit rester présente à l’esprit, comme nous le rappelle l'exemple de la grippe. De plus, de nombreuses variations ont déjà été identifiées sur la protéine Spike (S), la fameuse clé qui permet au Sars-CoV-2 de pénétrer les cellules humaines. Or, il s'agit d'une cible pour la plupart des stratégies vaccinales et des thérapies puisqu’elle produit des anticorps après l’infection. Une mutation de cette protéine pourrait mettre subitement fin à des travaux prometteurs. 

D'où l'importance de freiner autant que possible sa propagation : moins le virus circule, plus ses chances de muter en une version plus agressive seront limitées. Le plus grand risque serait, une fois un vaccin développé, de voir le coronavirus résister aux anticorps créés par l'injection, limitant ainsi son efficacité.

Une maladie chronique ?

La convalescence des patients atteints d'une forme grave de Covid-19 est longue et pénible. Chez certains, les symptômes persistent plusieurs semaines. Ils reviennent même parfois après la guérison, notamment sous la forme d’une fatigue chronique et de douleurs musculaires. Ce phénomène, inquiétant, n'est pas encore assez bien documenté aujourd'hui pour en tirer des conclusions. D'ailleurs, les examens cliniques de ces patients peinent souvent à expliquer ces symptômes. Des observations à long terme seront nécessaires, mais il n'est pas exclu que le coronavirus puisse entraîner d'importants changements immunologiques dans le corps et des symptômes tardifs, comme on peut le voir dans d'autres maladies virales agressives. Plusieurs études sont lancées, notamment en France, où ces symptômes persistants touchent de 10 à 15 % des patients.

Fabien Nizon

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