La notion de risque pays est importante pour toutes les entreprises ayant ou souhaitant développer une activité commerciale à l’étranger.

« Lorsqu’on parle de stratégie de développement, on pense forcément au risque pays » a déclaré à Décideurs Fabrice Morgaut, directeur risques, assurances et gestion de crise, au sein de la Compagnie des Alpes. Apparu dans les années 1960 aux États-Unis, le concept de risque pays est aujourd’hui au cœur de la politique des entreprises qui souhaitent s’implanter dans un pays ou y poursuivre leur développement. Elles doivent pour ce faire prendre en compte un environnement géopolitique souvent instable qui rend complexe l’évaluation du risque pays. C’est dans ce cadre que les agences de notation financière telles que Standard & Poor’s et Moody’s, les sociétés d’assurance-crédit comme Coface ou Euler Hermes, ainsi que les grandes banques d’investissement publient régulièrement leur évaluation des risques pays afin que les entreprises puissent estimer les risques d’impayés des sociétés d’un pays et la qualité globale de l’environnement des affaires du pays où elles souhaitent réaliser des échanges.

L’évaluation du risque

Le risque pays regroupe des facteurs toujours plus nombreux qui s’ajoutent les uns aux autres au fil des années, parmi lesquels les risques économiques, politiques, sociaux et même environnementaux. Les résultats varient selon les instituts qui utilisent chacun des méthodologies différentes, même si leurs piliers sont sensiblement identiques. Ils se basent notamment sur l’analyse des déséquilibres macroéconomiques, de l’environnement des affaires, des données microéconomiques et de la stabilité du système politique du pays concerné. « Les indicateurs quantitatifs ou qualitatifs que nous retenons pour évaluer le risque pays sont très variés », signale Julien Marcilly, chef économique au sein de Coface. « Nous utilisons également une grande quantité de facteurs macroéconomiques et macro-financiers. »

Le risque pays est constitué de deux composantes principales, à savoir l’évaluation de l’environnement des affaires et celle du risque politique. La première consiste à mesurer la qualité de la gouvernance privée d’un pays, c’est-à-dire la transparence financière des entreprises et l’efficacité des tribunaux en matière de règlement de dettes, comme l’explique la société d’assurance-crédit Coface sur son site internet. « Lorsqu'une économie majeure est en recul, cela a un impact sur le plan mondial, signale Xavier Mallez, directeur commercial crédit de Marsh France. On constate par exemple qu’après la phase de globalisation des échanges internationaux, la Chine augmente ses mesures de protectionnisme. » Enfin, le risque politique est évalué en tenant compte d’événements internes (degré de mécontentement social dans le pays) ou externes (nombre de conflits passés et présents ainsi que de leur intensité) et du risque terroriste, dont l’indice est apparu plus récemment. Lorsqu’une entreprise prévoit de développer son activité dans un pays, elle doit prendre en considération une multitude d’autres facteurs parmi lesquels les évolutions réglementaires, les risques de confiscation ou encore les contrôles et dévaluations des devises.

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Des points d’attention

« La cristallisation des incertitudes et les problèmes dans le monde rejoignent aujourd'hui des niveaux jamais atteints », révèle Xavier Mallez. Les entreprises doivent ainsi rester attentives aux événements se produisant à l’échelle internationale et aux risques que cela comporte. On pense dans un premier temps aux conséquences toujours incertaines du Brexit*, aux divers scrutins nationaux ainsi qu’à la longue campagne électorale américaine qui aura nécessairement des répercussions dans le monde entier. « Sur le plan géopolitique, il ne faut pas mettre de côté le conflit stratégique de long terme entre les deux grandes puissances que sont les États-Unis et la Chine », ajoute Julien Marcilly. En effet, les conflits régionaux sont toujours très présents. Il est donc indispensable de surveiller de près les différends en Amérique latine, au Moyen-Orient, dans la péninsule coréenne ainsi que ceux entre la Russie et l’Europe de l’Ouest.

*La période de transition après le Brexit s’étend normalement jusqu’au 31 décembre 2020. En raison de la pandémie de Covid-19, les négociations ont cependant été suspendues. Un nouveau report de la fin de la période de transition devrait donc être annoncé avant la fin de l’été.

Une assurabilité compliquée

L’assurance-crédit a pour objectif de faciliter l’investissement direct étranger ainsi que le commerce mondial. Il permet de couvrir de nombreuses typologies de risques. C’est la raison pour laquelle il est fondamental d’évaluer les risques politiques, économiques et sociaux pour chaque pays. Ainsi, les assureurs-crédit et les agences de notation financière publient tous les ans leurs études sur le sujet.

Néanmoins, « l’assurance du risque pays s’avère compliquée car il s’agit en quelque sorte d’un « pari » à chaque opération », nous explique Brigitte Bouquot, présidente de l’Amrae. En effet, la stabilité du monde ne tient souvent qu’à un fil : les gendarmes du monde, autrement dit les États-Unis, ont le pouvoir de faire la pluie et le beau temps dans aux quatre coins du globe, instaurant par exemple des embargos ou des sanctions internationales envers un pays. « On ne peut plus assurer ses opérations dans certains pays comme la Russie et l’Iran avec des partenaires occidentaux, alors qu’il y a un potentiel de développement économique dans ces pays », complète Brigitte Bouquot. « À partir du moment où les zones sanctionnées par les États-Unis sont étendues, il faut trouver d’autres façons de traiter le problème, mais le plus souvent, c’est restreindre son activité. »

Margaux Savarit-Cornali

 

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