Les entreprises, qui ont intégré les problématiques du risque financier ou social depuis longtemps, tardent à réagir face à la menace environnementale.

Du tremblement de terre en Haïti en 2010 aux typhons Faxai et Hagibis au Japon en 2019, les catastrophes naturelles n’ont cessé de défrayer la chronique au cours de ces dix dernières années. Et les dommages financiers qu’elles ont causés (évalués à 2,98 billions de dollars contre 1,79 billion de 2000 à 2009) désignent la dernière décennie comme la plus coûteuse de l’histoire moderne pour les entreprises et leurs assureurs, selon le courtier britannique Aon.  Au-delà de l’aspect économique, un sinistre naturel peut également avoir des conséquences néfastes sur le capital humain et bloquer les activités d’une entreprise au point de la fragiliser sur le long terme. Malgré l’ampleur de la menace qu’il peut faire peser sur les entreprises, le risque environnemental reste aujourd'hui encore peu considéré par les entrepreneurs, même si ce constat tend à s’inverser, comme en atteste le baromètre d’Allianz des principales préoccupations des sociétés en 2020 : les catastrophes naturelles figurent désormais en 4e position derrière les changements réglementaires, l’interruption d’activité et les incidents cyber.

Un défi de taille

Face à la fréquence et à l’intensité des sinistres naturels, les prémices d’une prise de conscience des enjeux environnementaux se profilent à l’horizon du côté des dirigeants. Ces derniers l’identifient d’ailleurs comme la problématique majeure de la prochaine décennie, comme l’indique le rapport sur les risques d’entreprise publié en 2020 par le Forum économique mondial. Néanmoins, l’engagement des acteurs économiques, en particulier les petites et moyennes entreprises, tarde à se concrétiser « alors que les défis qui se posent à nous exigent une action collective immédiate », précise le rapport. D’après une enquête réalisée en 2018 par Bpifrance auprès de 1 154 dirigeants de PME et ETI, 75 % d’entre elles apprécient la démarche RSE (définie par la Commission européenne comme « l’intégration volontaire par les entreprises de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et leurs relations avec leurs parties prenantes »), mais reconnaissent qu’une taille critique et une bonne santé financière constituent des prérequis pour mettre en valeur ce concept. Pour autant, ces entreprises n'adoptent pas systématiquement une réelle politique de gestion des risques liés à l’environnement, à l'inverse des grands groupes. Même si elles savent qu'il est important de s'impliquer en tant qu'organisation dans le domaine du développement durable, le risque environnemental auquel elles sont personnellement exposées est perçu à un degré moindre.

Définir une stratégie de résilience

Les risques liés à l’environnement concernent les dommages d’origine naturelle (inondation, tempête, foudre) que l’entreprise peut subir et ceux qu’elle peut causer à l’environnement par ses activités. De ce fait, toute société, qu’elle utilise ou non des substances dangereuses, peut être sujette aux coûts et aux risques liés à l’exposition environnementale. Anticiper ces aléas constitue ainsi un enjeu primordial pour la survie des entreprises car, si elles sont victimes de sinistre naturel, elles sont généralement contraintes d’interrompre leurs activités. Elles peuvent voir leur responsabilité engagée en cas d’atteinte grave à l’environnement. Pour assurer la résilience de leur organisation face à cette menace, les dirigeants doivent définir une politique de maîtrise des risques, y compris environnementaux, qui va de l’identification des menaces à la mise en œuvre des moyens pour les combattre en passant par leur évaluation. Cela implique, entre autres, la sensibilisation du personnel, des audits internes ou encore la souscription d’une assurance aux catastrophes naturelles, par exemple, pour transférer les risques liés aux pertes d’exploitation et aux dégâts matériels. Certaines sociétés n’hésitent pas non plus à souscrire une garantie responsabilité environnementale pour prévenir les dommages d’un préjudice écologique. Si l'objectif principal de la gestion du risque environnemental consiste à réduire l’impact d'une catastrophe, certains dirigeants, en particulier ceux des petites entreprises, en pèsent le coût et les bénéfices par manque de moyens. En effet, moins d’une PME sur deux (47 %) se préoccupe de la gestion des questions environnementales, comme le baromètre QBE de la gestion des risques des PME et ETI françaises (cf. rapport QBE).

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© trendobjects

Le coût de l’indemnisation

Si les entreprises restent les premières victimes du préjudice économique occasionné par le risque environnemental, les compagnies d’assurance, elles, en tant que partenaires financiers, en font également les frais. En France, depuis quelques années, les assureurs ont bien pris la mesure des enjeux liés au coût des indemnisations des sinistres naturels. Dans son étude publiée en 2015 sur le changement climatique et assurance à l'horizon 2040, la Fédération française des assurances (FFA) évalue à 48,3 millions d’euros le montant des indemnisations versées entre 1988 et 2013. L’institution prévoit d’ailleurs une augmentation de 90 % de ce montant entre 2014 et 2039, pour atteindre les 92 milliards d’euros. Dans ce contexte, assureurs comme assurés doivent se montrer proactifs : les en développant des solutions de prévention, les autres évitant les comportements à risque et adoptant des mesures de prévention. Telles sont les recommandations formulées par la profession dans son livre blanc de la prévention et de la protection des aléas naturels publié en 2016. Toutefois, « l’efficacité de cette politique de prévention passe nécessairement par l’implication concrète des pouvoirs publics », conclut la FFA.

Vers une réforme du régime des catastrophes naturelles ?

Instauré par la loi du 13 juillet 1982, le régime des catastrophes naturelles prévoit que tout contrat d'assurance-dommages ouvre droit à la garantie contre les catastrophes naturelles. Mais pour bénéficier de cette couverture, une commission interministérielle doit préalablement constater l’état de catastrophe naturelle. Ce dispositif hybride, fondé sur le principe de solidarité nationale, fait intervenir les sociétés d’assurance, la caisse centrale de réassurance (CCR) ainsi que l’État pour les indemnisations au-delà d’un certain montant. S’il a permis de corriger les carences de couvertures des risques naturels majeurs, le modèle est remis en cause par les assureurs depuis plusieurs années en raison notamment de son manque de transparence et de sa complexité. La profession réclame, entre autres, la généralisation des frais de relogement des sinistrés ou encore la possibilité de fixer librement la franchise de la garantie de catastrophes naturelles pour les grandes entreprises et les collectivités territoriales. Sans succès. Cependant, c’était sans compter sur la détermination du Sénat qui a remis le sujet dans le débat public à l’été 2019. Après de nombreuses tentatives et promesses de réformes restées vaines, le Sénat a adopté le 15 janvier 2020 le projet de modernisation du régime des catastrophes naturelles. Une lueur d’espoir pour les assureurs même si la bataille est encore loin d’être terminée.  

Yannick Tayoro

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