J.C Lamoureux (Sopra Steria Next) : "Pour l'heure, les dirigeants colmatent les brèches"
Décideurs. La crise sanitaire et économique que nous traversons a ébranlé les sociétés et mis à rude épreuve les valeurs des entreprises. Comment leurs dirigeants arbitrent-ils, selon vous, entre les questionnements sur la résilience de leur structure et le nouveau plan d’action stratégique à déployer ?
Jean-Claude Lamoureux : Pour l’heure, les dirigeants s’attellent davantage à ajuster la fin de l’année et à colmater les difficultés, nous avons tous pris conscience que cette crise sanitaire et économique allait perdurer. Nous avons réalisé en juillet dernier un baromètre de la perception des décideurs de la crise et post-crise en partenariat avec Les Échos et Via Voice. Selon ce baromètre, leurs principales préoccupations sont le renforcement des actions commerciales et la conquête de nouveaux clients d’une part, et la confiance et la motivation des équipes d’autre part.
Autre enseignement, devant l’entreprise efficiente qui résiste mal aux chocs imprévus, c’est vers une entreprise résiliente que s’orientent les transformations des entreprises, qu’elles soient organisationnelles (équipes plus autonomes, plus agiles) ou digitales. Concernant l’accélération de leur transformation digitale, les entreprises privilégient le déploiement du numérique pour entretenir la relation commerciale avec leurs clients ainsi que la mise en place d’outils collaboratifs performants pour faciliter le télétravail et renforcer le lien entre les collaborateurs et leur management.
Quels process métiers ont été particulièrement touchés selon vous ?
Ce sont les process RH. Beaucoup d’entreprises exigeaient encore des justificatifs sous format papier pour rembourser les frais des salariés et n’avaient pas encore instauré la signature électronique pour les contrats de travail, par exemple. Pour ces entreprises, il ne s’agit pas seulement de transposer le processus actuel en mode digital mais de repenser le parcours pour le collaborateur, le manager et les RH, en réduisant les contrôles pour plus de fluidité par exemple.
Sur quels types de projets avez-vous été consulté en plein cœur de la crise ?
Nous avons accompagné des entreprises dans le lancement de projets ponctuels leur permettant de s’ajuster aux conséquences de la crise sanitaire telles que la virtualisation de files d’attente, notamment dans les secteurs publics et dans le retail. Nous avons mis en place également des actions d’amélioration de la performance des inter-processus, via des outils d’automatisation, par exemple dans le domaine de la réclamation clients, pour faire face à la fois aux volumes exponentiels des demandes et à l’absence plus importante de collaborateurs en période de Covid
La crise a permis aux entreprises de faire un bond de géant en matière de transformation digitale. Celles qui n’étaient pas prêtes ont dû rattraper leur retard et les autres ont ajusté leurs outils aux nouveaux besoins. Un mal nécessaire selon vous compte tenu du retard français en la matière ?
Dans un contexte où le télétravail va s’inscrire dans la durée, la simplification et l’ergonomie des outils ainsi que la facilité d’accès à ces outils sont une préoccupation immédiate des entreprises. En 2021, nous allons être dans un mouvement de dé-productivité et les entreprises s’attacheront à conserver leurs talents. Les investissements digitaux de productivité risquent donc d’être mis en stand-by. En revanche, les investissements nécessaires pour améliorer leur résilience seront engagés. Il s’agit d’investissements permettant de renforcer la confiance des clients, des collaborateurs et des partenaires. Pour cela, les entreprises vont devoir conjuguer résilience et éthique numérique, confiance et responsabilité d’entreprise.
Propos recueillis par Anne-Sophie David