Petit guide pour protéger et donner de la valeur aux bases de données. Comment créer intelligemment de la valeur avec les bases de données ? Le processus est simple et peu coûteux mais nécessite de la réflexion stratégique. Quelles sont les bonnes questions à se poser ? Quelle organisation mettre en place ?

Les entreprises sont parfaitement conscientes que les données représentent une valeur inestimable. Un grand nombre d’entreprises disposent ou collectent des données, notamment pour alimenter des moteurs d’intelligence artificielle et faire des prédictions. Pour autant, créer un actif valorisable à partir des données est un savoir-faire, décrypté ci-dessous.

Rappelons l’objectif, celui de créer des actifs valorisables avec les bases de données.  Les moyens d’action sont de deux ordres :

1. Sourcer, qualifier, comprendre et organiser les données dans une approche stratégique.

2. Créer (au moins) un actif de Propriété Industrielle : droit des bases de données, droit d’auteur, copyright, dessins et modèles

1 - Sourcer, qualifier, structurer, segmenter

Prenons un exemple : une entreprise en santé numérique souhaite créer une offre pour proposer un meilleur service d’accès à la vaccination qui soit fluide et parfaitement coordonné avec les populations à vacciner, les ressources disponibles en vaccin et la disponibilité des personnels capables de l’administrer.

Cette entreprise sait que les bases de données ont plusieurs attributs :

• les données sont transparentes ;

• les données sont stratégiques pour leurs utilisateurs ;

• les bases de données sont organisées, structurées, architecturées, segmentées de manière à être facilement utilisables ;

• l’investissement nécessaire à la création de ces bases de données est tracé.

Transparentes : les données sont un capital. Comme tout capital, leur origine doit être tracée minutieusement. Les sources des données doivent passer par un processus géré, qualitatif et organisé. L’objectif est de permettre aux utilisateurs d’être en confiance vis-à-vis de ces données, et de pouvoir apprécier qu’elles proviennent de sources fiables et précises.

Stratégiques : dans notre exemple, les données font partie intégrante de la stratégie d’entreprise, et le lien entre les données et la stratégie d’entreprise est clairement établi. Cette relation forte, interactive, est un point de départ à partir duquel l’entreprise va " penser les données " comme différents ensembles qui peuvent être utilisés, partagés, déplacés d’un système à un autre.

Organisées, structurées, architecturées : les données sources sont souvent cachées au milieu d’un serveur extensif, qui contient des millions et des millions de données. Ces serveurs sont comme une ressource minière profonde : les diamants sont là, mais ils y sont bien cachés, et il n’est pas facile de les extraire, sans compter qu’il faudra encore les tailler pour révéler leur beauté. Quelles données extraire, comment les organiser ?

" Créer des actifs de Propriété Intellectuelle sur les bases de données est une démarche organisationnelle peu coûteuse, qui génère de la confiance et permet la valorisation "

Segmentées : Focaliser une base de données vers une typologie d’utilisateurs permet de générer des bases de données réellement utiles. Dans notre exemple, l’offre est claire, mais les utilisateurs peuvent être nombreux. Imaginons que l’utilisateur soit le Directeur d’une flotte de centres de vaccination. À partir d’une interface graphique (protégée par le droit des Dessins et Modèles), il entre quelques informations et hop ! Un planning lui est proposé, avec heures d’ouverture des centres, nombre de personnels sur chaque tranche horaire dans chaque centre, communiqué de presse destiné à la population dépendant de chaque centre. Merveilleux ou au moins confortable. Simple. Utile. Fiable. Reproductible.

Venons-en maintenant à la question centrale : comment protéger ce travail, et en faire un actif propriétaire ?

2 - Protéger, Inspirer confiance, Créer de la valeur

Une base de données se définit comme un recueil de données disposées de manière systématique ou méthodique, et individuellement accessibles (article L112-3 du Code de la Propriété Intellectuelle). Plusieurs actifs immatériels protègent la base de données.

Sur le contenu : Protection par le droit sui generis des Bases de données : il suffit de constituer un dossier interne montrant que l’entreprise a engagé un investissement financier, matériel et/ou humain substantiel. La Cour d’Appel de Paris, pôle 5, ch. 1, 2 février 2021, n° 17/17688, met en avant la nécessité d’apporter un dossier complet sur les investissements réalisés : investissements liés à la constitution du contenu de la base, aux frais d’infrastructure informatique, à la vérification et à la présentation des données. Le droit permet d’interdire l’extraction de la totalité ou d’une partie substantielle du contenu d’une base de données, ainsi que l’extraction répétée et systématique de contenu, lorsque ces opérations excèdent manifestement les conditions d’utilisation normale de la base de données. Ces droits peuvent être transmis ou cédés ou faire l’objet d’une licence.

La durée de la protection est de quinze ans à compter de l’achèvement, de la mise à disposition publique ou de tout nouvel investissement : une base de données sur laquelle on peut prouver régulièrement de nouveaux investissements a une protection de quinze ans à compter du 1er janvier qui suit chaque nouvel investissement. La protection peut donc durer longtemps !

Sur l’architecture : Protection par le droit d’auteur : les éléments protégeables par le droit d’auteur d’une base de données sont ceux liés à la structure de la base de données. La Cour d’Appel de Lyon l’a rappelé dans un arrêt récent (Cour d’appel, Lyon, 1re chambre civile A, 16 décembre 2021 – n° 16/05564) " la protection fondée sur le droit d’auteur porte essentiellement sur la structure de la base de données, c’est-à-dire sur la manière dont celle-ci a été concrètement créée par son auteur, à travers le choix des matières à inclure ou les modalités de leur disposition ".

La Cour a jugé que la sélection des données constituait une création intellectuelle, portait l’empreinte de la personnalité de son auteur et n’avait pas été dictée par des considérations purement techniques.

Ici aussi, il convient de constituer en interne un dossier qui montre que le choix et la disposition des matières sont originaux, c’est-à-dire qu’ils portent l’empreinte de la personnalité de leur auteur, et organiser la cession de ces droits d’auteur vers l’entreprise.

Finalement, on peut dire que créer de la valeur avec les bases de données est un travail qui peut faire partie de la démarche qualité : sourcer les données, être capable d’utiliser plusieurs sources différentes pour un objectif particulier, tenir un fichier sur les sources, le personnel impliqué, le temps passé sur le projet, les ressources informatiques allouées, tout cela entre dans une logique de gestion de projet habituelle à l’entreprise. Anticiper la création de valeur en début de projet est une démarche saine et susceptible d’aider le projet à devenir un succès commercial. Créer les premiers dossiers nécessite un accompagnement, mais il est léger. Si en plus, on peut être protégé contre la contrefaçon ou l’utilisation abusive de la base de données, c’est parfait, on n’en demandait pas davantage !

Sur les auteurs. Caroline de Mareüil-Villette et Claire Verschelde ont créé Icosa en 2009. Icosa, cabinet de conseil en propriété industrielle agile, est spécialisé dans les domaines de la santé, de l’agroalimentaire et de l’environnement. Depuis 2014, Icosa a créé une filiale, Icosa Medtech, qui travaille sur les dispositifs médicaux, avec un pôle Software & Artificial Intelligence qui se spécialise en santé numérique. Concernant plus particulièrement les bases de données, Icosa a développé une expertise approfondie qu’elle met au service de ses clients.

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