" Mettre en place des réformes structurelles tournées vers l’offre "
Décideurs : Selon l’Insee, en 2012, le pouvoir d’achat s’est contracté de 0,9 % et la consommation a reculé de 0,4 %. Comment expliquez-vous ces phénomènes ?

Christian Noyer : Dans le rapport annuel de la Banque de France, j’ai identifié trois facteurs qui peuvent expliquer que la consommation ait chuté au cours de l’année dernière. Premièrement, le fort taux de chômage que l’on connait actuellement et le peu de création d’emplois nouveaux conduisent les ménages à restreindre leurs dépenses. Deuxièmement, la chute de la consommation se justifie également par le niveau élevé d’épargne. L’arbitrage fait par les ménages entre la consommation et l’épargne souligne un manque de confiance et un souci de sécurité. Le taux d’épargne demeure extrêmement élevé en France et particulièrement chez les générations en fin de carrière ou proche de la retraite. Enfin, la relance de la fiscalité pour consolider les finances publiques a eu un impact sur la consommation et le pouvoir d’achat. En 2012, le gouvernement a choisi d’augmenter les prélèvements obligatoires afin de réduire le déficit public. Ces mesures ont conduit les ménages français à restreindre leurs dépenses et ont entrainé un recul de la consommation. A présent, le retour à l’équilibre budgétaire doit se faire davantage par la réduction des dépenses publiques que par la fiscalité.

Décideurs : Quelles solutions préconisez-vous pour relancer la consommation des ménages et rétablir leur pouvoir d’achat ?

C.N. Pour relancer le pouvoir d’achat, le plus important, c’est de retrouver un chemin de croissance et de création d’emplois. Si on mène une politique qui augmente artificiellement les salaires plus que la productivité, cela va conduire à une baisse effective du pouvoir d’achat. Si on veut dynamiser la croissance, il ne faut pas chercher à doper la demande par des soutiens inadéquats. Une augmentation artificielle des salaires réduira la compétitivité coût des entreprises qui répercuteront ce phénomène sur les prix. Nous assisterons en réalité à une baisse du pouvoir d’achat. Il faut d’abord se concentrer sur la relance de la productivité pour favoriser la relance de la croissance. Il convient en même temps de se concentrer sur l’emploi, utiliser le chômage partiel, former les chômeurs pour qu’ils restent employables. La politique de l’assurance chômage doit être réformée car elle n’est pas assez incitative. Les nombreuses aides à l’emploi compensent des rigidités qu’il serait plus efficace de corriger.

Décideurs : Comment renouer avec la croissance ?

C.N. Le monde a changé et donc il faut changer de modèle de croissance. Jusqu’à présent, nous avons vécu avec un modèle de croissance qui était essentiellement axé sur la consommation et la demande intérieure. Or nous sommes aujourd’hui plongés dans un monde marqué par un phénomène de mondialisation, par une compétition très forte des pays émergents. Si nous continuons à regarder l’activité économique uniquement sous l’angle de la demande, nous ne retrouverons ni de la croissance ni de l’emploi. Ce modèle ancien ne marche plus. La solution à la crise passe donc par les entreprises. Or, elles doivent faire face à des coûts de la main d’œuvre qui figurent parmi les plus élevés d’Europe. Elles n’ont d’autre choix que de rogner sur leurs marges ce qui pèse dramatiquement sur leur compétitivité hors coût. Elles ont réduit leur capacité à investir, à financer la recherche-développement, diminuant peu à peu le contenu en innovation de leurs produits, et affaiblissant donc leur compétitivité hors coût. Il convient de mettre en place des réformes structurelles tournées vers l’offre. En cela, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi constitue un premier pas pour rétablir la compétitivité des entreprises.



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