«La promesse commerciale qu’offre une bonne banque privée doit pouvoir se résumer en trois mots : simplicité, clarté et proximité»
Décideurs. Quel bilan pouvez-vous dresser de l'année 2013 pour la profession de banquier privé ?
Jean-Philippe Taslé d'Héliand.
L'année 2013 a été complexe pour la profession. Tout d’abord, la pression sur les marges est de plus en plus importante. En effet, le contexte réglementaire actuel oblige l'ensemble des banques privées à investir lourdement dans les systèmes d'information et dans le personnel dédié à la gestion des risques. Ensuite, le métier reste extrêmement concurrentiel, le nombre d'acteurs sur le marché français obligeant à innover constamment et donc à investir en R&D. Enfin, l'augmentation de la fiscalité n’incite pas les clients de banques privées à l'épargne.
Cependant 2013 a également été intéressante du point de vue des marchés financiers. Ces derniers ont connu une performance en ligne avec les attentes des investisseurs du point de vue couple rendement-risque. Ceci a permis de redonner aux clients une certaine appétence au risque. La collecte globale a donc été plutôt bonne.

Décideurs. Au vu du nombre d’acteurs sur la place de Paris, pensez-vous qu’une consolidation du secteur se fera d’ici quelques années ?
J.-P.T.d’H.
Il existe dans le marché de la banque privée de grosses disparités. En effet, les banques privées qui s’appuient sur un réseau de banques de détail représentent peut-être 20 % des acteurs mais concentrent 80% des actifs. Cela est dû à leur occupation du territoire et à l’industrialisation des processus de conquête clientèle. A partir d’un certain montant de patrimoine, les clients ont automatiquement droit à des services premium ou haut de gamme. Grâce à une segmentation organisée, les coûts de développement du portefeuille sont réduits. Elles sont sans doute adaptées à la majorité des clients mais les plus fortunés ont besoin de solutions sur mesure que seules des institutions à taille humaine sont capables d’offrir. On constate également le retrait de certains acteurs suisses de la place de Paris, qui préfèrent se tourner vers d’autres marchés, en Asie notamment. La fusion entre de grands groupes est possible mais je vois davantage des rapprochements entre acteurs de taille moyenne dans les prochaines années.

Décideurs. Vous parlez d'innovation, comment peut-on aujourd'hui innover dans un métier traditionnel comme la banque privée ?
J.-P.T.d’H.
L’innovation est clé pour alimenter notre dynamique de croissance, surtout en l’absence d’un réseau d’agence en province. La banque privée possède des atouts qui peuvent être adaptés à l'époque actuelle : la proximité, par exemple, peut aujourd'hui être imaginée par le biais d'outils connectés. C’est la raison pour laquelle nous avons lancé un chantier stratégique sur la digitalisation du métier et venons de lancer la nouvelle application mobile Oddo Banque Privée : le lancement de la nouvelle application sur la tablette iPad est dors et déjà un succès et le lancement sur smartphone est programmé pour la fin mars 2014. Enfin, le lancement du transactionnel sur tablette et smartphone est prévu pour juin 2014. Nous souhaitons également offrir une palette d'expertises plus large à nos clients. Dans cette optique, nous avons créé le cercle Oddo Entreprise et Famille qui permet de mettre à disposition de nos clients entrepreneurs et dirigeants d’entreprise familiale, une offre de service élargie combinant les expertises de la banque privée et de la banque d’affaire. Enfin, nous souhaitons que nos clients privés bénéficient d’une qualité de conseil proche de celle proposée à nos clients institutionnels et pour cela nous disposons d’une salle de marché dédiée au sein de la banque privée. Nos clients privés peuvent ainsi accéder à la recherche de nos analystes financiers, qui couvrent 275 sociétés européennes, dont 110 valeurs Small et Mid Cap.

Décideurs. Peut-on aujourd’hui penser à une banque privée 100% numérique ?
J.-P.T.d’H.
Non je ne le pense pas. Le numérique est un outil que chaque banque privée doit pouvoir offrir à ses clients. Cependant, il est impossible d’avoir des relations 100% dématérialisées. La promesse commerciale qu’offre une bonne banque privée doit pouvoir se résumer en trois mots : simplicité, clarté et proximité. La relation personnelle banquier-client est fondamentale et peut s’apparenter à la proximité médecin-patient. Pour bien réaliser le métier de banquier privé, il faut être conscient que la performance attendue n’est pas relative mais absolue et spécifique au projet de vie de chacun de nos clients. En effet, pour un client particulier, gagner de l’argent c’est commencer par ne pas en perdre. Je pense cependant que la digitalisation peut renforcer la proximité que l’on doit avoir avec nos clients en offrant un nouveau canal d’écoute et une disponibilité plus importante.

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