Par Xavier Sotillos, directeur, et Philippe Debry, avocat associé. FIDAL
Prix de transfert et actifs incorporels
L’importance croissante des actifs incorporels dans la gestion des opérations des groupes multinationaux amène à prendre en compte les notions de propriété économique ainsi que juridique.
Dans le contexte d’une économie fragilisée et d’une concurrence accrue des prix, les actifs incorporels jouent un rôle croissant pour les groupes internationaux dans leur stratégie de différenciation et leur capacité à générer des profits. Le contexte de mondialisation conduit à ce qu’au sein des groupes les incorporels puissent être développés dans un pays et exploités (ou transférés) dans d’autres. Depuis les premières tentatives de ces groupes de gestion de la répartition de leurs marges avec les prix de transfert, l’actif incorporel a été considéré comme un outil stratégique, étant souvent l’un des constituants de la chaîne de valeur justifiant l’attribution de profits résiduels. Les travaux de l’OCDE viennent renforcer l’importance croissante des actifs incorporels, avec le projet de révision et d’amélioration des recommandations en matière de prix de transfert concernant le développement transfrontalier, la licence et le transfert de ces actifs. Bien que les options relatives aux incorporels en matière de prix de transfert aient un effet indéniable sur la planification et la gestion du risque fiscal, toute mise en place doit tenir compte de l’environnement juridique et opérationnel des groupes, afin d'assurer que le choix pris pour optimiser un de ces axes ne soit pas compromettant pour l'un des deux autres. Un des aspects essentiels inhérent à la notion d’actif incorporel est le double concept de propriété économique et juridique, lequel est nécessaire pour déterminer quelles entités du groupe possèdent le droit à l'exploitation économique des actifs incorporels, ces entités pouvant être différentes des titulaires juridiques de ces actifs.
La propriété économique
L'OCDE définit la propriété économique des actifs incorporels comme : «?le droit au revenu découlant de la propriété de l‘actif, notamment les redevances ; le droit d‘amortir un bien amortissable ; et la possibilité de réaliser des gains ou de subir des pertes en raison de la plus-value ou de la dévaluation de l‘actif?». L’identification des actifs incorporels et de leurs propriétaires économiques est essentielle pour permettre l'attribution des bénéfices parmi les différents acteurs du groupe, selon leur contribution dans la chaîne de valeur. Selon l’OCDE, la détermination de la propriété économique des actifs incorporels conditionne la vocation à exploiter économiquement ces actifs (pouvoir de transférer ou de concéder). Le fait que le propriétaire économique soit également le propriétaire juridique (c’est-à-dire l’entité ayant enregistré les actifs incorporels) ne revêt pas d’importance du point de vue des prix de transfert. Le propriétaire économique est l’entité qui a supporté les investissements relatifs au développement de l’actif. Ces investissements comprennent non seulement le financement du développement, mais aussi l’utilisation des capacités opérationnelles de l’entité pour le développement de l’actif incorporel (salariés, décisions stratégiques, opérations quotidiennes). Par exemple, le fait pour une entité de rembourser les dépenses encourues par le développeur d’un brevet ne peut lui conférer la propriété économique du brevet concerné.
La propriété juridique
Le droit de la propriété intellectuelle définit les critères de protection
d’un actif par un titre opposable aux tiers à la fois défendable et exploitable. D’un point de vue prix de transfert, la propriété juridique a une
pertinence plus limitée car elle ne définit pas l'entité qui a le droit
d'exploiter économiquement l'incorporel. Néanmoins, l’intérêt réside dans les cas où les propriétés juridiques et économiques sont détenues par des entités distinctes : le propriétaire économique doit rémunérer
le propriétaire légal afin que ce dernier s'assure que les demandes d'enregistrement, les renouvellements ainsi que les infractions relatifs aux actifs incorporels sont traités de façon appropriée. Cependant, la notion de propriété juridique ne doit pas être éludée car l’administration fiscale française tend à la faire prévaloir sur la propriété économique. Ainsi, afin d’éviter l’éventuelle remise en cause d’un projet de prix de transfert, celui-ci doit reposer
sur une base juridique solide en évitant le recours à des concepts de droit inappropriés. C’est pourquoi il est impératif de définir et de valoriser les différents actifs incorporels détenus par l’entreprise en s’appuyant sur des catégories juridiques reconnues. Cela peut se faire :
Soit par la création de titres de propriété opposables aux tiers
Le droit de la propriété industrielle permet par l’attribution d’un titre de propriété opposable aux tiers de protéger les inventions, les marques de fabrique, de commerce ou de service et les dessins et modèles développés par les entreprises. Reste encore à déterminer avec certitude qui en est le propriétaire juridique, car seul ce propriétaire pourra, d’un point de vue juridique, valablement en transférer l’utilisation.
Soit par la reconnaissance d’un droit privatif renforcé par la mise en place de dispositifs contractuels robustes
D’autres mécanismes juridiques permettent de protéger la valeur économique des incorporels développés par l’entreprise en conférant à leurs créateurs un droit privatif sur ces biens sans pour autant être titulaire d’un titre (par exemple protection offerte par le droit d’auteur applicable aux logiciels). Dans les groupes, les projets de R&D sont souvent développés par plusieurs entités juridiques distinctes rendant difficile l’identification de ses auteurs/concepteurs et donc des propriétaires du résultat. Dans les cas où la propriété juridique est moins claire, les engagements contractuels viennent régler le partage de propriété intellectuelle entre les entités participantes et leurs modalités d’exploitation future. En France, l’administration se base en priorité, en cas de contrôle fiscal, sur les conventions intragroupe pour déterminer quelles entreprises détiennent le droit d’exploitation économique. Une gestion efficace des actifs incorporels est un outil d’optimisation fiscale et de simplification juridique pour les groupes, et implique une vision globale du schéma envisagé intégrant dès l’origine une complémentarité des expertises juridiques et fiscales.
Dans le contexte d’une économie fragilisée et d’une concurrence accrue des prix, les actifs incorporels jouent un rôle croissant pour les groupes internationaux dans leur stratégie de différenciation et leur capacité à générer des profits. Le contexte de mondialisation conduit à ce qu’au sein des groupes les incorporels puissent être développés dans un pays et exploités (ou transférés) dans d’autres. Depuis les premières tentatives de ces groupes de gestion de la répartition de leurs marges avec les prix de transfert, l’actif incorporel a été considéré comme un outil stratégique, étant souvent l’un des constituants de la chaîne de valeur justifiant l’attribution de profits résiduels. Les travaux de l’OCDE viennent renforcer l’importance croissante des actifs incorporels, avec le projet de révision et d’amélioration des recommandations en matière de prix de transfert concernant le développement transfrontalier, la licence et le transfert de ces actifs. Bien que les options relatives aux incorporels en matière de prix de transfert aient un effet indéniable sur la planification et la gestion du risque fiscal, toute mise en place doit tenir compte de l’environnement juridique et opérationnel des groupes, afin d'assurer que le choix pris pour optimiser un de ces axes ne soit pas compromettant pour l'un des deux autres. Un des aspects essentiels inhérent à la notion d’actif incorporel est le double concept de propriété économique et juridique, lequel est nécessaire pour déterminer quelles entités du groupe possèdent le droit à l'exploitation économique des actifs incorporels, ces entités pouvant être différentes des titulaires juridiques de ces actifs.
La propriété économique
L'OCDE définit la propriété économique des actifs incorporels comme : «?le droit au revenu découlant de la propriété de l‘actif, notamment les redevances ; le droit d‘amortir un bien amortissable ; et la possibilité de réaliser des gains ou de subir des pertes en raison de la plus-value ou de la dévaluation de l‘actif?». L’identification des actifs incorporels et de leurs propriétaires économiques est essentielle pour permettre l'attribution des bénéfices parmi les différents acteurs du groupe, selon leur contribution dans la chaîne de valeur. Selon l’OCDE, la détermination de la propriété économique des actifs incorporels conditionne la vocation à exploiter économiquement ces actifs (pouvoir de transférer ou de concéder). Le fait que le propriétaire économique soit également le propriétaire juridique (c’est-à-dire l’entité ayant enregistré les actifs incorporels) ne revêt pas d’importance du point de vue des prix de transfert. Le propriétaire économique est l’entité qui a supporté les investissements relatifs au développement de l’actif. Ces investissements comprennent non seulement le financement du développement, mais aussi l’utilisation des capacités opérationnelles de l’entité pour le développement de l’actif incorporel (salariés, décisions stratégiques, opérations quotidiennes). Par exemple, le fait pour une entité de rembourser les dépenses encourues par le développeur d’un brevet ne peut lui conférer la propriété économique du brevet concerné.
La propriété juridique
Le droit de la propriété intellectuelle définit les critères de protection
d’un actif par un titre opposable aux tiers à la fois défendable et exploitable. D’un point de vue prix de transfert, la propriété juridique a une
pertinence plus limitée car elle ne définit pas l'entité qui a le droit
d'exploiter économiquement l'incorporel. Néanmoins, l’intérêt réside dans les cas où les propriétés juridiques et économiques sont détenues par des entités distinctes : le propriétaire économique doit rémunérer
le propriétaire légal afin que ce dernier s'assure que les demandes d'enregistrement, les renouvellements ainsi que les infractions relatifs aux actifs incorporels sont traités de façon appropriée. Cependant, la notion de propriété juridique ne doit pas être éludée car l’administration fiscale française tend à la faire prévaloir sur la propriété économique. Ainsi, afin d’éviter l’éventuelle remise en cause d’un projet de prix de transfert, celui-ci doit reposer
sur une base juridique solide en évitant le recours à des concepts de droit inappropriés. C’est pourquoi il est impératif de définir et de valoriser les différents actifs incorporels détenus par l’entreprise en s’appuyant sur des catégories juridiques reconnues. Cela peut se faire :
Soit par la création de titres de propriété opposables aux tiers
Le droit de la propriété industrielle permet par l’attribution d’un titre de propriété opposable aux tiers de protéger les inventions, les marques de fabrique, de commerce ou de service et les dessins et modèles développés par les entreprises. Reste encore à déterminer avec certitude qui en est le propriétaire juridique, car seul ce propriétaire pourra, d’un point de vue juridique, valablement en transférer l’utilisation.
Soit par la reconnaissance d’un droit privatif renforcé par la mise en place de dispositifs contractuels robustes
D’autres mécanismes juridiques permettent de protéger la valeur économique des incorporels développés par l’entreprise en conférant à leurs créateurs un droit privatif sur ces biens sans pour autant être titulaire d’un titre (par exemple protection offerte par le droit d’auteur applicable aux logiciels). Dans les groupes, les projets de R&D sont souvent développés par plusieurs entités juridiques distinctes rendant difficile l’identification de ses auteurs/concepteurs et donc des propriétaires du résultat. Dans les cas où la propriété juridique est moins claire, les engagements contractuels viennent régler le partage de propriété intellectuelle entre les entités participantes et leurs modalités d’exploitation future. En France, l’administration se base en priorité, en cas de contrôle fiscal, sur les conventions intragroupe pour déterminer quelles entreprises détiennent le droit d’exploitation économique. Une gestion efficace des actifs incorporels est un outil d’optimisation fiscale et de simplification juridique pour les groupes, et implique une vision globale du schéma envisagé intégrant dès l’origine une complémentarité des expertises juridiques et fiscales.