Marc Riez (Vega IM) : « Si les banques ne sont pas chères, c'est qu'il y a une raison ! »
Décideurs. La normalisation de la courbe des taux est-elle un mal nécessaire ?
Marc Riez. Le sujet du rythme de remontée des taux aux États-Unis prévaut en ce moment sur toute autre question. En effet, les incidences d’une accélération du calendrier de la Fed (qui aujourd’hui se garde bien de se précipiter malgré plus de sept ans de croissance) iraient bien au-delà de l’économie américaine et affecteraient jusqu’aux pays émergents. Il apparaît évident que la normalisation de la politique monétaire outre-Atlantique est nécessaire mais il convient de « préparer » les marchés. En effet, par le passé, la remontée des taux était synonyme d’une ré-accélération forte de l’économie, or ce n’est plus le cas aujourd’hui, où la croissance américaine est inférieure à celle attendue par les opérateurs et portée par la seule consommation des ménages.
Le prix du pétrole n’est plus actuellement un indicateur sur lequel les investisseurs se concentrent
Nous avons vu au cours du premier semestre 2016 des marchés financiers dépendant des cours du pétrole. Est-ce que cela peut encore être le cas au cours des prochains mois ?
Le marché a bien mesuré le « tunnel » dans lequel le prix du pétrole évolue actuellement. En effet, quand le baril s’approche du haut de la fourchette, vers 50 dollars, les opérateurs ouvrent de nouveaux puits, notamment de schiste ; la production augmente et fait pression à la baisse sur le prix. Parallèlement, il semble acquis désormais que la demande mondiale ne peut être satisfaite, même avec une production importante alimentée par les pays où la production d’un baril revient à 30 dollars. Selon moi, nous aurons du mal à sortir de cette fourchette entre 40 et 50 dollars et c’est sans doute pour cette raison que le prix de l’or noir n’est plus actuellement un indicateur sur lequel les investisseurs se concentrent.
Dans ce contexte particulier, quelle est votre stratégie d’investissement ?
Cet environnement renforce notre conviction en faveur des valeurs de croissance. Pour imaginer un retour durable des titres « value » et des valeurs bancaires, il faudrait une reprise de l’inflation et de la croissance économique dans le monde, favorisant les valeurs décotées. Or, mon sentiment est que ces deux indicateurs resteront contenus dans les prochaines années. Nous allons donc continuer à bénéficier d’une surperformance structurelle des secteurs dits de croissance, comme le luxe, la cosmétique et la santé.
Le marché va continuer à privilégier les valeurs de croissance
Les investisseurs ont pourtant tendance à surpayer les valeurs de croissance.
Je pense que l’on continuera à les surpayer. Parce que l'on sait bien que ce qui est rare est cher. Mais est-ce excessif de payer vingt-trois fois les résultats d’une entreprise en croissance de 8 % par an ? Dans un monde où il y a peu d’inflation et où la croissance est faible, la composante obligataire de ces valeurs va les porter. On constate, en effet, une corrélation très forte entre une obligation et une valeur de croissance. Je pense donc que les investisseurs vont maintenir leur appétit pour ces valeurs.
Quels sont donc les titres qui se démarquent à vos yeux ?
Prenons Air liquide. Cette entreprise devrait tirer parti des synergies générées après son acquisition d’Airgas, comme elle a déjà eu l’occasion de le prouver par le passé. De plus, et c’est en cela un bon exemple de notre gestion : la chute de son titre en Bourse faisant suite à son augmentation de capital, offre selon nous un bon point d’entrée. Autre titre : Essilor qui officie sur un marché porteur. Ces deux sociétés offrent une très bonne visibilité à moyen et long terme.
Je conseillerais de rester à l'écart des titres « value »
Quels conseils donneriez-vous aux investisseurs ? Conserver une poche de liquidités importante ?
Oui. Je conseillerais également de rester à l'écart des titres « value ». Les tenants de ce style de gestion arguent en effet de la faible valorisation actuelle des banques. Or elles me semblent actuellement en proie à des conditions d’exercice de leurs métiers extrêmement délicates : réglementation assommante, courbe des taux écrasée, émergence du digital... Si elles ne sont pas chères, c'est qu'il y a une raison !
Propos recueillis par Louis Chochoy et Aurélien Florin (@FlorinAurelien)