Scruté par les investisseurs du monde entier, le marché américain donne souvent le la des marchés mondiaux. Faut-il s’inquiéter de la remontée de l’inflation aux États-Unis ? La politique de relance budgétaire promise par Donald Trump va-t-elle créer des opportunités d’investissement ? Le marché du M&A soutiendra-t-il les cours ? Stéphanie Sutton, Investment Director chez Artemis Investment Management, se positionne sur ces sujets.

Décideurs. Donald Trump souhaite mettre en œuvre une politique de relance économique importante. Comment les investisseurs peuvent-ils en profiter ?

Stéphanie Sutton. Cette tendance a, pour une bonne partie, déjà été jouée par les investisseurs. Après les résultats de l’élection américaine, les valeurs du secteur des infrastructures et de la construction (cimentiers, aéroports…) ont largement profité du rebond des marchés. Au cours des prochains mois, de nombreuses sociétés pourraient également bénéficier des baisses d’impôts promise par Donald Trump durant sa campagne électorale. Les entreprises présentes dans le secteur de la défense ont aussi nos faveurs. Celles-ci devraient en effet bénéficier du plan de relance. Plus largement, ces mesures pourraient avoir un impact très positif sur les sociétés tournées vers leur marché domestique.

Enfin, les entreprises du secteur des transports retiennent notre attention. Ces dernières pourraient notamment profiter de la reprise de l’activité de gaz de schiste dans le Midwest.

Gardons toutefois à l’esprit que le niveau de valorisation des sociétés est actuellement élevé, raison de plus pour être très exigeant quant à la sélection des valeurs.

Une inflation salariale trop importante pourrait avoir des répercussions négatives sur les résultats opérationnels des entreprises.

 

L’arrivée de Donald Trump au pouvoir pourrait également être synonyme d’un retour d’une politique protectionniste. Cela peut-il modifier votre stratégie d’investissement ?

Assez peu je dois dire. Le principal changement concerne les valeurs bancaires et financières qui ont largement tiré profit de l’élection de Donald Trump. Leur parcours boursier a été soutenu par les projets de déréglementation que le nouveau président américain souhaite concrétiser. Alors que nous étions jusqu’ici très peu investis sur ce secteur, nous avons légèrement revu notre position. Mais ces investissements se font au cas par cas. Nous avons une préférence pour les sociétés exerçant en périphérie du monde de la finance. Je prendrais l’exemple d’une société comme S&P Global, qui exerce le métier d’agence de notation.

 

Quelles seront les conséquences sur le marché actions américain si le mouvement de reflation était amené à se poursuivre, voire à s’accélérer ?

En général, l’augmentation de l’inflation ajoutée à celle des taux d’intérêt est une mauvaise nouvelle pour les marchés financiers, car cela met la pression sur les valorisations. Un chiffre me semble particulièrement intéressant à suivre : le niveau d’augmentation des salaires. Une inflation salariale trop importante pourrait avoir des répercussions négatives sur les résultats opérationnels des entreprises.

 

Les résultats annuels déjà publiés par les entreprises du S&P 500 mettent en exergue une hausse de leurs bénéfices de près de 4,5 %. Ces annonces correspondent-elles aux anticipations réalisées par les investisseurs ?

Elles sont même supérieures à ce que le consensus avait établi. Après deux années relativement décevantes, les bénéfices par action (EPS) des groupes du S&P 500 ont finalement progressé plus vite qu’attendu. La hausse fut particulièrement marquée dans le secteur de l’énergie. Nous anticipons cependant des résultats un peu moins favorables pour les prochaines publications.

L’étendue des dispositions qui seront prises par Donald Trump soulève encore de nombreuses interrogations. 

 

Le marché du M&A peut-il être encore un moteur de performance pour les actions américaines ?

Les opérations de fusions et acquisitions devraient continuer à animer le marché et appuyer la surperformance du marché US, et ce, malgré les valorisations élevées des sociétés. Ce dynamisme serait particulièrement visible dans les secteurs de la santé et des technologies. Les banques, notamment régionales, seraient aussi concernées.

 

Quel nuage pourrait venir assombrir l’optimisme des investisseurs ?

L’étendue des dispositions qui seront prises par Donald Trump soulève encore de nombreuses interrogations. Les investisseurs ont des attentes fortes pour 2017, or je crains que le calendrier de mise en œuvre de ces mesures soit différent. Les promesses électorales, liées notamment aux baisses d’impôts, ne pourraient se matérialiser qu’en 2018.

 

Propos recueillis par Aurélien Florin (@FlorinAurelien)

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