Multi-family office atypique et indépendant, Allure Finance accompagne aussi bien les personnes physiques que les sociétés dans leurs projets d’investissement. Associé fondateur de la société de conseil, Jean-François Fliti revient sur sa vision du marché et du métier.

Décideurs. Quelle est votre perception du marché ?

Jean-François Fliti. Les actifs financiers bénéficient d’un report des investisseurs, en raison, d’une part, de la baisse du rendement des fonds en euros et, d’autre part, de la fiscalité dissuasive de l’investissement locatif. Le financier est devenu le véhicule d’investissement le plus intéressant, que ce soit sur le segment des actions, le private equity ou les produits structurés. Nous travaillons actuellement sur des fonds spécialisés, qui ont des spécificités géographiques, thématiques ou des sous-jacents particuliers – or, actions, devises… L’obligation européenne ne fait pas partie des produits que nous conseillons aujourd’hui car les taux sont tellement bas qu’ils peuvent conduire à une moins-value en cas de revente. Mais ce n’est pas le cas partout, l’obligataire est, par exemple, encore intéressant aux États-Unis. La période est idéale pour profiter de l’effet de levier de la dette bancaire afin de s’endetter à taux fixe sur du long terme à un coût historiquement bas.

À quoi est due la baisse du rendement des fonds en euros ?

Ces fonds sont majoritairement composés d’obligations assimilables du Trésor et de quelques obligations corporate, qui ont des performances réduites, ainsi que d’actifs immobiliers dont les rendements sont faibles, à cause des prix d’achat très élevés. Une hausse des taux n’est pas à prévoir à court terme car elle entraînerait une hausse de la charge de l’endettement de l’État, ce qui n’est pas dans son intérêt. En outre, une hausse trop rapide des taux induirait des conséquences macroéconomiques négatives : un ralentissement de la croissance et un risque accru sur les fonds en euros, qui pourraient subir des retraits massifs des épargnants.

Qu’en est-il de l’investissement locatif ?

La hausse des prix de l’immobilier ces dernières années engendre des rendements très faibles, tant dans le secteur des bureaux que dans le résidentiel. Côté fiscalité, les prélèvements sociaux devraient encore augmenter, de même que la taxe foncière. Les bases cadastrales pourraient également évoluer à la hausse, avec une pression sur les loyers, le gouvernement ayant l’impératif politique de s’assurer de l’accessibilité du logement. L’immobilier neuf est lui aussi très cher, notamment en raison des nombreuses normes auxquelles il doit se conformer. Le bilan est le suivant : les loyers sont déraisonnables pour les locataires, mais insuffisants pour les investisseurs.

« Nous sommes entrés dans une nouvelle ère : le "zéro risque" ne rapporte plus rien »

Quid de l’or et des matières premières ?

Nous conseillons toujours à nos clients d’en détenir dans leur portefeuille, même s’ils sont associés à une forte volatilité. Pour gagner de l’argent aujourd’hui, il faut être opportuniste. Nous sommes entrés dans une nouvelle ère : le « zéro risque » ne rapporte plus rien. Il peut même résulter en une perte pour l’investisseur, une fois l’imposition et l’inflation pris en compte. Notre objectif est d’être capables d’apprécier la tolérance au risque de nos clients, afin de trouver l’allocation d’actifs idoine par rapport à leur patrimoine et leurs objectifs personnels.

Comment bien apprécier cette tolérance au risque ?

L’éventualité d’une perte doit être évoquée et envisagée afin que le client comprenne le risque pris mais aussi la cyclicité de l’investissement. Car, bien sûr, nous ne connaissons pas que des hausses : les marchés sont cycliques et notre rôle est de savoir quand entrer et quand sortir. Au-delà de cette dimension temporelle qui est essentielle, l’évaluation de la tolérance au risque doit nous permettre de choisir le type d’actifs sur lesquels investir.

Quel est l’impact des nouvelles technologies sur votre marché ?

Les organisations bancaires ayant développé des offres de gestion privée se restructurent pour faire face à l’émergence de nouvelles technologies, dans un contexte de hausse des coûts de la réglementation et de baisse des revenus liés à une plus grande exigence en matière de transparence financière. Notre taille réduite nous permet d’être réactifs et d’implanter très rapidement une technologie. Nous utilisons par exemple un progiciel qui permet de consolider l’ensemble des actifs du client, qui reçoit également des reportings réguliers de façon automatique.

« La qualité du conseil et du service rendu au client sera clé dans les années à venir »

Comment voyez-vous l’évolution de votre métier dans les années à venir ?

Ce monde bancaire en pleine évolution implique un nombre de plus en plus réduit de conseillers face aux clients. Les conseillers indépendants occupent une place grandissante sur le marché car ils offrent un service personnalisé et mettent l’homme au cœur du dispositif. La qualité du conseil et du service rendu au client sera clé dans les années à venir, de même que la réactivité et le niveau d’expertise des conseillers. Au sein d’Allure Finance, nous sommes déjà disponibles six jours sur sept de 8h à 20h et avons choisi de miser sur les compétences métiers : dette bancaire, épargne salariale, immobilier, gestion d’actifs, mais aussi fiscalité, de la structuration à la planification fiscale internationale, en passant par la transmission ou la cession d’entreprise.

Que pensez-vous des mesures prises par Emmanuel Macron depuis son élection ?

Plusieurs de ces mesures sont très positives. La suppression de l’ISF sur le financier est un facteur encourageant pour ce marché. La création d’une flat tax à 30 % aussi bien sur les plus-values de cession de valeurs mobilières que sur la distribution de dividendes est également intéressante car elle implique une vraie simplification de l’imposition. Enfin, la baisse de l’impôt sur les sociétés de 33 % à 25 % va rendre plus attractif le pays et favoriser l’investissement. L’impôt que les entreprises ne paient pas pourra être réinvesti, que ce soit pour créer des emplois, réaliser une acquisition, investir dans la recherche et développement ou dans l’innovation.

Si vous étiez président de la République, quelles mesures prendriez-vous ?

Ma priorité serait d’accélérer les réformes fiscales. Je réduirais l’impôt sur les sociétés afin de le faire descendre parmi les meilleurs taux européens et je baisserais l’impôt sur les successions pour qu’il soit dans les standards de l’Union. Je supprimerais totalement l’impôt sur la fortune et j’encouragerais fiscalement les chefs d’entreprise à investir, à travers des mécanismes incitatifs. Cela peut se résumer simplement à faire revenir l’épargne et encourager l’investissement. Une imposition trop forte n’induit pas forcément plus de recettes fiscales. À l’inverse, moins d’impôt entraînerait une hausse de la croissance et donc un cercle vertueux d’investissement, qui n’impacterait pas in fine les recettes fiscales de l’État.

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