La sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne offre une opportunité inédite à la place financière parisienne de s'imposer, Plus de 20 000 emplois a minima sont aussi en jeu. Pour en saisir tout le potentiel, Paris Europlace prône un travail collectif entre l’État français, la Région Île-de-France, la Ville de Paris et les institutions financières. Entretien avec son président, Gérard Mestrallet.

Décideurs. Quels sont les atouts de la place de Paris pour remplacer la City après le Brexit ?

Gérard Mestrallet. Avant tout, je tiens à préciser qu’il ne s’agit pas de remplacer Londres. La City est et restera une grande place financière. Notre objectif est d’abord ‎et surtout de construire une place financière européenne compétitive, notamment d'accélérer l'Union des marchés de capitaux‎, et d'attirer à Paris les relocalisations de Londres. Concernant nos atouts, j’en vois trois principaux. La capitale française est la seule ville globale en Europe continentale. L’Île-de-France compte douze millions d’habitants et représente 5 % du produit intérieur brut européen. Au niveau du business, Paris est le siège de nombreuses entreprises internationales. Il y a ainsi plus de leaders mondiaux dans la ville Lumière qu’à Londres. Sur les six plus grandes banques européennes, quatre sont françaises. Le deuxième atout est que Paris est déjà la première place financière. La capitalisation boursière d’Euronext représente le double de celle de Francfort. Sur le marché obligataire, nous occupons la place de numéro un au niveau européen et de numéro trois au niveau mondial. Nous représentons le deuxième pôle mondial de gestion d’actifs. Enfin, notre troisième atout est notre avance dans les domaines des fintechs et de la finance durable, deux sujets cruciaux pour le futur du secteur. Nous comptons mille fintechs à Paris et sommes les premiers émetteurs de green bonds en Europe.

Qu’est-ce qui au contraire pourrait freiner les institutions financières à s’implanter sur Paris ?

Notre point faible a été, historiquement, l’absence de soutien des pouvoirs publics. Mais cela est en train de changer rapidement et profondément. Les politiques ont compris qu’il était de leur intérêt d’être pro business. Pour cela, il faut une finance active. Tout de suite après l’annonce du Brexit, le gouvernement de Manuel Valls s’est mobilisé. Lors de notre événement annuel de juillet, nous avons réussi à réunir autour du Premier Ministre, la présidente de la Région IÎe-de-France Valérie Pécresse et la maire de Paris Anne Hidalgo.

Voir des personnalités politiques de différentes convictions rassemblées a été le signe d’une union sacrée pour une finance responsable, compétitive et attractive. L’élection d’Emmanuel Macron à la présidence de la République a très nettement accentué cet élan. Les mesures fortes qu’il a prises telles que l’impôt sur les sociétés à 25 %, la loi travail, l’exonération d’ISF pour les valeurs mobilières ou la flat tax à 30 % adressent un message positif aux investisseurs internationaux. Il faut désormais tenir ces promesses sur le long terme car ceux qui viennent s’implanter le font pour une période durable. Il faut donner confiance. Aujourd’hui, seules les charges sociales patronales constituent encore un frein pour la France. Mais je sais que le ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire en est conscient.

« Nous comptons sur une victoire aux points »

Paris a-t-elle les moyens de gagner le match qui l’oppose à Francfort ?

Bien sûr. Nous disposons d’un environnement économique stimulant. Nous sommes déjà la première place financière en Europe continentale. Nous avons pour ambition de conforter cette avance. L’un des avantages de Francfort était de disposer du siège de la BCE mais nous avons réussi à faire venir à Paris l’Autorité bancaire européenne. Avec l’Esma, qui était déjà basée dans la capitale française, nous disposons de deux des principales instances de régulation. Ce sera une opération longue qui nécessite de la constance et de la détermination. Le président de Goldman Sachs a par exemple récemment annoncé qu’il ouvrira des bureaux à la fois à Paris et à Francfort. Le score sera donc serré mais nous comptons sur une victoire aux points.

Justement, à combien estimez-vous la création d’emplois lié au Brexit ?

Nous espérons 10 000 transferts directs et 10 000 emplois indirects dans les secteurs financiers. À cela, il faut ajouter les emplois induits, dans la restauration par exemple, qui font d’un rapport de 1 à 3. Le potentiel est considérable pour l’Île-de-France. Au-delà de la finance, notre objectif est de créer de l’emploi et de la croissance à Paris et en France.

Propos recueillis par Vincent Paes

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