Clap de fin pour l’exit tax
L’annonce du président de la République de la suppression de l’exit tax a eu une conséquence assez rare pour être relevée : fédérer contre elle l’ensemble de l’opposition. Passé l’effet de surprise, gauche et droite n’ont pas manqué de tirer à boulets rouges sur cette décision, les uns dénonçant un cadeau supplémentaire octroyé aux plus riches, les autres déplorant un pas de plus vers l’ultralibéralisme. Face à la bronca, le gouvernement s’est employé à assurer le service après-vente. À écouter Bruno Le Maire qui s’exprimait sur France 2, cette taxe « n’a pas lieu d’être » et « a un effet repoussoir pour les investisseurs et pour les entrepreneurs ».
Dissuader l’expatriation
Créée en 1999, retoquée par la CJUE cinq ans plus tard, la mouture actuelle de l’exit tax date de 2011, réinstaurée par Nicolas Sarkozy. Prévoyant de taxer à 30 % les plus-values latentes de cession de titres constatées lors du transfert de domicile fiscal de son propriétaire, la mesure vise à freiner les ardeurs d’expatriation. Le mécanisme ne s’applique en fait que dans deux cas : lorsque le contribuable qui souhaite quitter le pays possède des titres dont la valeur totale excède 800 000 euros ou lorsqu’il détient la majorité du capital de la société dont il est actionnaire. « L’exit tax ne concerne en effet que peu de contribuables, au mieux quelques centaines », concède sur son blog le socialiste Christian Eckert, ancien secrétaire d’État chargé du Budget et aux comptes publics. Et de regretter, « Les entreprises n’étaient pas touchées, seuls les actionnaires (et pas les petits) étaient modestement dissuadés d’organiser leur évitement à l’impôt ».
Une efficacité relative
Reste à savoir si l’exit tax est efficace. Le mécanisme ne semble en tout cas pas avoir suffi à décourager les départs. « Ceux qui ont transféré leur domicile sont partis pour éviter de payer l’ISF. Le fait qu’il existe une exit tax ne les dissuadait pas de s’en aller », confirme Marc Bornhauser, avocat fiscaliste. Difficulté supplémentaire, le recouvrement de l’impôt s’avère délicat. En effet, l’administration fiscale est contrainte de récolter des informations pendant des années après le départ du contribuable, par définition non résident. Une tâche de longue haleine qui a un coût. Enfin et surtout, les recettes de l’exit tax font débat. Emboîtant le pas à Emmanuel Macron qui a fait valoir que cet impôt n’est « pas particulièrement bénéfique pour les finances publiques », le ministre de l’Économie enfonçait le clou avançant un rendement annuel autour de 15 millions d’euros. Un chiffre bien loin des 803 millions qu’aurait pu théoriquement rapporter cette taxe en 2016 selon le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires daté de janvier 2018. Une différence qui s’explique par le fait que la flax tax n’est réglée que lorsque que la vente des titres - et donc la plus-value qui s’y rattache - se réalise. À condition qu’elle ne soit pas exonérée pour durée de détention.
« Effet boomerang »
Plus grave encore, le dispositif enverrait un « message négatif aux entrepreneurs, plus qu’aux investisseurs », selon le chef de l’État, en les pénalisant en cas de départ à l’étranger. Un argument partagé par Marc Bornhauser : « Nous avons régulièrement des discussions avec de jeunes entrepreneurs qui ont préféré se lancer à l’étranger et se sont donc expatriés avant même de créer leur entreprise. » Un effet boomerang néfaste que la suppression de l’exit tax pourrait endiguer. Bruno Le Maire ne disait d’ailleurs pas autre chose en promettant des créations d’emplois pour tous les Français. Avec la profonde refonte de sa fiscalité depuis un an, le pays est-il en voie de devenir business friendly ? « Clairement, le pays est en meilleure posture sur la scène internationale », analyse l’avocat. Mais la route est encore longue. « La suppression de l’exit tax est une bonne chose, une petite touche supplémentaire sur un tableau impressionniste. Reste à en établir l’harmonie générale », prévient-il, faisant allusion à une stabilité fiscale qui se fait attendre.
Sybille Vié