Loi après loi, le visage des contrats d'assurance-vie change. Fiscalité, rendement, classes d'actifs investies par le biais des unités de compte : le placement financier préféré des Français se renouvelle en permanence.

L’encours des contrats d’assurance-vie s’élevait fin avril 2018 à 1 697 milliards d’euros, selon les chiffres de la Fédération française de l'assurance. Une progression de 3 % sur un an qui prouve que les Français continuent à plébisciter ce placement pourtant très traditionnel. « Une grande partie de cet encours est liée à l'offre de fonds en euros », note Antonio Corpas, CEO de l'assureur luxembourgeois OneLife. Spécificité hexagonale, les fonds en euros sont la seule classe d'actifs à offrir à la fois un rendement positif, une garantie du capital et un effet cliquet.

Intérêt fiscal amoindri

Pourtant l'attractivité de l'assurance-vie est en baisse, et ce pour deux raisons : les taux bas, qui ont réduit les rendements espérés à peau de chagrin, et la flat tax, venue supprimer une fiscalité jusque-là très avantageuse – jusqu'à 7,5 % pour une détention de plus de huit ans – pour les primes encaissées après le 27 octobre 2017. « Avec la loi de finances, le compte-titres commence à se rapprocher d’un contrat d’assurance-vie en termes de fiscalité », observe Sébastien d’Ornano, président du robo-advisor Yomoni.

Avec 2,12 % de rendement en moyenne en 2017, les fonds euros perdent de leur attractivité

Avec 2,12 % de rendement en moyenne en 2017, les fonds euros perdent aussi de leur attractivité et poussent les épargnants à prendre plus de risques pour obtenir un rendement plus intéressant. « Pendant longtemps, l'assurance-vie a financé le déficit de la France, d'où un régime très avantageux, rappelle Meyer Azogui, président de Cyrus Conseil. Ces avantages fiscaux n'ont plus de raison d'être et l'assurance-vie va se financiariser. » Le changement est aussi philosophique, puisque l'avantage pour détention longue disparaît avec la flat tax. « Aujourd'hui, celui qui cède après un jour de détention sera fiscalisé de la même manière que celui qui détient pendant dix ans », illustre Florence Moulin, avocate associée du cabinet Jones Day.

Fonds euro-croissance : le come-back

Lancé en octobre dernier et présenté en conseil des ministres au mois de juin, le Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (Pacte) pourrait toutefois redonner un coup de pouce à l'assurance-vie. Avec pour ambition d'orienter l’épargne des Français vers les entreprises, il mise notamment sur la relance des fonds euro-croissance, vieux serpent de mer de l'assurance-vie. « Les gouvernements successifs ont souhaité rediriger l'assurance-vie vers l'économie réelle, notamment à travers les contrats euro-croissance », avance Florence Moulin. Mais « les assureurs n'étaient pas très enclins à proposer ce type de produit non liquide », poursuit l'avocate. Pour rappel, les fonds euro-croissance ont été créés afin d’offrir aux épargnants une solution à mi-chemin entre les fonds en euros, dont le capital est garanti, et les unités de compte, qui présentent un rendement supérieur. L’épargnant bénéficie d’une garantie totale ou partielle de son capital en fonction d'une durée de détention convenue à la signature du contrat. Ce qui permet à l’assureur d’investir une partie de l’encours sur des actifs plus risqués et donc d'augmenter l'espérance de gain de l'assuré. La loi Pacte rendra-t-elle ce produit plus attractif ? Elle ne pourra que l'améliorer selon Meyer Azogui, pour qui l'euro-croissance est à l'heure actuelle aussi « incompréhensible » que « complexe ». Mais pour qui la loi va tout de même dans le bon sens : « Nous savons qu'il y a un problème de financement de l'économie réelle et l'esprit de la loi est extrêmement favorable à cet objectif. »

Aussi risqué que rentable, le private equity permet de pallier les baisses de taux et de rendement des fonds euros

Pas de rendement sans risque

La loi Pacte est également censée nettoyer et élargir la liste des produits éligibles à l’assurance-vie, à l’image du Luxembourg qui offre déjà une gamme d’actifs relativement large. Avec une ombre au tableau malgré tout, comme l'explique Antonio Corpas : « Le projet de loi contient des dispositions de nature à freiner les investissements vers le private equity, l'apport en titres n'étant pas autorisé. Cela risque de couper l'élan donné en 2015. » Venu de la loi pour la croissance menée à l'époque par un Emmanuel Macron encore ministre de l'Economie, cet « élan » visait à offrir la possibilité aux assurés d'allouer jusqu'à 10 % de leur encours aux sociétés non cotées. Pour ce faire, des solutions avaient été proposées afin de contourner la nature illiquide de ces actifs en permettant la remise de titres. Aussi risqué que rentable, le private equity semble néanmoins être l'une des solutions permettant de pallier les baisses de taux et de rendement des fonds euros. « Aujourd'hui, la condition sine qua non pour avoir du rendement est l'illiquidité », confirme Meyer Azogui. Et d'ajouter : « Notre rôle est d'aider les épargnants à prendre ce risque. » Qu'ils passent, ou non, par un contrat d'assurance-vie.

Camille Prigent

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