Nommée à la direction de l’Europe Francophone, Joëlle Pacteau reçoit la mission de développer et moderniser les activités de Private Banking tout en capitalisant sur le savoir-faire et l’excellence de la Maison qui fête ses 222 ans cette année.

Décideurs. Dans quel contexte s’inscrit votre nomination ?

J. Pacteau. Notre Maison, Lombard Odier, a ouvert le bureau en France il y a dix-sept ans, une présence assez ancienne pour une banque privée suisse. Nous avons également des bureaux en Belgique et au Luxembourg et, pour servir des clients francophones au UK, une équipe dédiée basée à Londres. En fait, si notre présence est visible dans le monde entier, notre Maison a toutefois une stratégie assumée : définir des marchés privilégiés qui sont ceux où l’on peut apporter quelque chose de significatif à nos clients et donc où nous allons, en priorité, investir et recruter pour nous développer. Tous les pays francophones européens sont stratégiques et ce pour plusieurs raisons.

 Tout d’abord, en France comme en Belgique, on assiste à la phase de transmissions des entreprises des baby-boomers. Lorsqu’on évalue les flux qui vont être ainsi créés, on s’aperçoit qu’ils sont très significatifs et pourraient générer pour les banques privées une croissance importante d’actifs à gérer et à transmettre. D’autre part, l’essort de la technologie et du digital multiplie la création de start up, dont certaines sont recherchées par des investisseurs à de magniques valorisations. La France en particulier, la Belgique également, bénéficient de cet écosystème. Là encore, la banque privée est appelée à jouer un rôle.

L’organisation, mise en place depuis trois ans pour l’Europe Francophone Internationale, grâce à l’ajout de compétences et d’excellences, est indispensable pour répondre aux besoins de cette nouvelle clientèle HNWI. Nous sommes convaincus qu’une vision commune pour l’ensemble de ces marchés, qui vivent une même évolution et présentent des synergies, est cruciale pour nos clients de plus en plus mobiles et internationaux.


Comment percevez-vous le marché de la banque privée aujourd’hui en France ?

De nombreuses tendances fortes émergent. C’est un environnement totalement nouveau pour la banque privée. D’une part la digitalisation est devenue un mot d’ordre dans les services rendus aux clients et les attentes des prospects, que ce soit pour le management d’actifs, le reporting ou la communication. D’autre part, on voit grandir l’appétit pour le Private Equity et les actifs réels. La réalité est simple et presque triviale : si l’on souhaite aujourd’hui placer de l’argent afin de réaliser des performances financières, il y a de moins en moins d’options. Des pans entiers d’actifs sont « relégués » dans notre contexte actuel -et durable- de taux d’intérêts faibles. Dans le même temps, et presque à contre-marché, MIFID 2 induit un souci de sécurité renforcé pour le consommateur, avec en arrière-plan la crainte de voir surgir une crise financière grave. En plus de ces tendances qui se conjuguent pour modifier durablement l’environnement de la banque privée, nous accueillons maintenant de plus en plus de millenials. Dans les prochaines années, la richesse mondiale sera créée et détenue par les moins de vingt-cinq ans plus que jamais auparavant. Cette clientèle bouscule tous les codes traditionnels des banquiers privées. En effet, la plupart d’entre eux n’habitent pas forcément à Paris, ne sont pas propriétaires de leur logement, et n’ont pas de voiture. Ils ont fait fortune grâce à la vente de leur start up et cherchent à savoir comment réinvestir. Un portefeuille modèle ou une gestion discrétionnaire ne leur « parle » pas plus qu’une cravate ou une Mercedes. Le modèle classique de banque privée nest pas une évidence pour eux… Ces changements ne nous effraient pas. Notre philosophie a toujours été de repenser sans cesse le monde qui nous entoure et nous permet de nous adapter rapidement à tous les nouveaux besoins.

Quels sont les enjeux pour cette nouvelle typologie de clientèle ?

Essentiellement le Private Equity et les investissements durables et une gestion patrimoniale globale. Aucun de ces millenials ne veut, bien sûr, perdre l’argent qu’il a gagné, et ils ne se reconnaissent souvent pas -encore - dans un projet philanthropique. Cependant, cette génération se préoccupe de l’avenir du monde et ne veut en auncun cas le dégrader par ses choix de gestion d’actifs. D’où  l’intérêt porté à la finance responsable.
Cette priorité fait partie de l’ADN de Lombard Odier. Les Associés de notre Maison ont toujours porté une grande attention à l’investissement durable  et aux préoccupations sociétales. C’est un élément  distinctif pour lequel nous sommes reconnus. Il caractérise notre vision à long terme et fait le lien entre les générations, notamment dans le cadre d’un business familial.

Propos recueillis par Yacine Kadri

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