Après une année 2018 difficile pour les marchés, l’heure est aux prévisions pour l’année prochaine. Avec une solution quantitative comptant près de 160 millions d’euros sous gestion, et 14 milliards d’actifs sous gestion au total, SYZ AM promeut une approche différente et innovante du marché.

Décideurs. Actuellement, vous co-dirigez les stratégies quantitatives chez SYZ AM. Pouvez-vous présenter le parcours ayant conduit jusqu’à SYZ AM ?

Guido Bolliger. Diplômé d’une licence en économie, d’un DEA en finance puis d’une thèse en finance auprès du Swiss Finance Institute, j’ai débuté mon activité en asset management chez Julius Baer à Zurich. Pendant huit années, j’ai travaillé au sein d’Olympia Capital Management à Paris, d’abord en tant que head of risk management puis au poste de chief investment officier. Depuis, j’ai rejoint SYZ AM en 2015. Notre activité s’articule autour de la gestion des produits systématiques, autrement dit des produits dont la gestion est entièrement supervisée par un algorithme que nous avons créé. Notre équipe fournit également les informations au comité d’investissement avec des modèles permettant d’affiner l’analyse macro-économique. Ceci permet de mélanger les données plus fondamentales et discrétionnaires issues de la macro-économie, avec des éléments plus systématiques provenant de ces modèles. Nous consacrons également une partie non négligeable de notre temps à la recherche et au développement de stratégies d’investissement systématiques. La surveillance de l’évolution des portefeuilles systématiques est essentielle afin de mieux comprendre leur comportement et gérer leur risque. L’équipe est constituée de trois personnes avec le soutien d’un comité scientifique composé de professeurs universitaires qui se réunit tous les trimestres pour garder le fil avec la recherche académique, afin de trouver des synergies avec les doctorants.

Sur quels fonds s’implémente votre stratégie ?

Une partie de notre stratégie est implémentée sur deux fonds systématiques, appelés fonds de prime de risques en action. L’un d’eux, lancé en décembre 2017 est baptisé « Oyster Equity Premia Global ». Le reste concerne le cross asset, dont le fonds « Oyster Multi Asset Acti Protect » lancé en 2015 fait partie. Le fonds prend position dans les actions, obligations et matière premières en fonction de l’état de la macro-économie.

Comment se poser les bonnes questions lorsque l’on est sur un modèle mathématique peu flexible comme peut l’être un algorithme ?

À la différence des professionnels ayant un parcours issu du trading qui ont une très bonne idée des impacts que peuvent avoir les flux sur le marché, nous venons du secteur académique avec une activité qui s’appuie sur des recherches publiées. Nous les analysons afin de savoir si elles pourraient potentiellement être adaptées au marché, en testant leur mise en pratique. L’idée n’est pas d’ajouter un signal équivalent à ce que nous possédons déjà, mais d’amener une valeur ajoutée. Nous stockons beaucoup d’informations (prix passés, données de bilan, etc.), par conséquent il est très simple et rapide d’ajouter une source ou un signal lorsque ce dernier a été testé.

"On ne prétend pas qu’il est simple de battre les marchés

Comment votre activité se distingue de la gestion indicielle ?

Contrairement à la gestion indicielle qui a pour postulat que les prix reflètent immédiatement les informations disponibles sur le marché, nous estimons que l’information est intégrée dans les prix, mais pas de manière immédiate car les investisseurs ne sont pas toujours rationnels. Selon moi, les investisseurs ont tendance à surréagir ou sous-réagir à certaines informations. Ces comportements créent des opportunités de profit générés par l’utilisation systématique de nombreuses informations. En conséquence, ces deux modes de gestion sont diamétralement opposés. On ne prétend pas qu’il est simple de battre les marchés, mais il y a tout de même des comportements récurrents de la part des investisseurs qui entraînent des distorsions de prix qui sont exploitables.

Comment faites-vous pour implémenter les biais comportementaux dans vos solutions ?

Lorsque nous analysons le marché, il est essentiel de comprendre les éléments ayant été à l’origine de la performance, et les types d’informations qui peuvent permettre de battre l’indice. Par exemple, le marché connaît des effets momentum.  Les titres ayant surperformé par le passé continuent à surperformer dans les mois qui suivent et inversement pour les sociétés qui ont sous-performé. Ce type de stratégie génère des profits car les investisseurs ont tendance à extrapoler les prix futurs à partir des prix passés. De plus il n’est pas rare que des investisseurs réagissent avec un certain retard aux informations financières. Par conséquent, l’information financière ne se répand que de manière graduelle dans le prix. Ce sont ces types de biais comportementaux que nous cherchons à exploiter de manière systématique.

Votre stratégie doit-elle être utilisée en coeur de portefeuille ou à titre de diversification ?

Notre philosophie consiste à n’avoir que des portefeuilles diversifiés. Nos objectifs de rentabilité se concentrent entre 5 % et 7 %, avec une volonté de décorrélation par rapport aux marchés d’actions et d’obligations. Malgré les difficultés que rencontrent les marchés actions, cela permet à des fonds tels que le fonds long short « Oyster Equity Premia » d’être légèrement positif.

Crypto-monnaies : sujet d’avenir ou simple tendance ?

Les crypto-monnaies présentent un intérêt limité pour la construction de portefeuilles diversifiés. En effet, les crypto-monnaies ont tendance à baisser en même temps que les actions. Elles restent donc - pour le moment - des instruments de spéculation, encore trop liées à des actifs risqués. Néanmoins, iol est légitime de penser qu’à moyen terme, ces technologies (blockchain) seront source de changements notables.

Un message pour le marché ?

Désormais, les investisseurs doivent adopter une logique tournée vers le long-terme, notamment concernant l’allocation d’actifs. Depuis 2008, les investisseurs travaillant avec une vision moyen ou long terme sont peu nombreux sur le marché. Par ailleurs, une évolution de la gestion doit être anticipée. En effet, les obligations d’État, qui servaient pendant longtemps de parachutes avant que les taux n’atteignent un niveau aussi bas, ne permettent plus aux gérants possédant des portefeuilles équilibrés (50% actions – 50% obligations) de protéger leur capital lors des difficultés du marché. Il devient nécessaire de se tourner vers des solutions innovantes.

Propos recueillis par Yacine Kadri

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