Suite à l’épidémie du coronavirus, la récession des principales économies européennes semble inévitable. La courbe en J serait le meilleur scénario possible, utopie ou réalité ?

Décideurs. L'administration américaine a-t-elle mésestimé les risques liés à la propagation du Coronavirus ?

François-Xavier Chauchat : Tout comme la Chine, la Corée, l’Italie puis la France, l’Amérique a mésestimé les risques de propagation de ce virus. Nous constatons toujours un temps de latence pour accepter une situation qui paraît tellement improbable et rare. Cette crise sanitaire met tous les pays dans le même bateau. Je ne vois donc pas de spécificité américaine dans l’estimation des risques de propagation du Coronavirus.

La couverture santé et le système de protection sociale sont bien plus faibles aux États-Unis qu’en Europe. Le pays est-il préparé à un tel choc sanitaire ?

Aidé des plus grands scientifiques mondiaux, le système Américain est l’un des plus perfectionné. Le pays a su démontrer la qualité de la coordination entre sphère publique et privée. En effet, le congrès et l’administration ont décidé de rendre gratuit les tests de dépistage au coronavirus. Le sujet central reste cependant le même sur tous les territoires : limiter l’afflux de malade dans les hôpitaux. La stratégie menée par les Etats-Unis n’a pas encore été clairement définie à ce stade. L’administration américaine semble hésiter entre la méthode coréenne ou celle mis en place par l’Italie et la France.

La zone euro et les États-Unis vont-ils basculer en récession en 2020 ?

C’est une certitude, mais nous sommes dans le cas d’une récession particulière. Si les pays développés s’organisent bien, ils auront la possibilité de rendre en très grande partie réversible ce choc majeur mais normalement temporaire. La récession classique est caractérisée par une forte hausse du chômage, des faillites d’entreprise et la remise en cause des perspectives de demande et d’embauche dans la durée. Dans le cas présent, la récession pourrait être de courte durée et pourrait suivre une courbe en J. C’est-à-dire avec un très fort à-coup sur l’économie pendant deux mois puis une reprise qui s’étend sur environ 6 mois jusqu’à un retour à la normale de l’activité. Ce scenario dépend cependant énormément de l’évolution sanitaire, qui reste presque impossible à prévoir.  

"Cette crise sanitaire met tous les pays dans le même bateau"

Cette courbe en J est souvent évoquée par les économistes. Pourtant elle semble difficile à envisager.

Cette courbe n’est pas une chimère puisqu’elle est en cours en Chine. Le pays a connu un mois de février cataclysmique. Mais dès à présent, on observe un redémarrage du tissu industriel du pays estimé à 95 % de l’activité des grandes entreprises et à 60 % pour les PME. Le retour au travail en Chine est d’environ 70 %. Le gouvernement a commencé à produire des mesures de relance pour soutenir le retour à la normale. Il faudra cependant vérifier que la normalisation sociale ne produise pas une deuxième vague de contagion. C’est l’enjeu principal.

Comment se met-elle en place ?

Nous avons donc deux étapes dans cette courbe en J. La première est la sauvegarde, dont le cout est estimé à environ 10 % du PIB dans les pays développés, voire plus. Le creux cyclique sera cependant atténué par des éléments de résilience. Le télétravail et le e-commerce permettent à des activités de continuer. Et les économies européennes sont riches en administrations publique et privée très résilientes et très peu cycliques. Elles représentent un pourcentage élevé du PIB. La seconde étape se matérialisera par la mise en œuvre de mesures de relance. C’est ce qui devrait permettre aux économies de revenir au même niveau d’avant la crise, voire même au-delà. Si les conditions sanitaires le permettent, la croissance pourrait même être très forte en 2021 ! 

Quels ont été les impacts de cette crise en Chine, sur les ventes de détails, la production industrielle, la croissance ?

Sur les deux premiers mois de l’année, la Chine a enregistré une baisse de 20 % de la vente au détails et 15 % de la production industrielle par rapport à 2019. Les chiffres de la région de Hubei sont évidemment beaucoup plus abyssaux. Mais la Chine a réussi quelque chose d’assez remarquable, hors de la province de Hubei, peu d’activités ont été totalement à l’arrêt.

"La réversibilité du choc est le sujet majeur."

La baisse des taux ne semble plus être suffisante pour relancer l'économie et redonner confiance aux investisseurs. L'HelicopterMoney est-elle désormais la seule réponse possible ?

Il est préférable d’employer le terme de coordination entre politiques monétaire et budgétaire. Les sommes en jeu n’ont jamais été mise sur la table auparavant, mais la bonne nouvelle, c’est que nous avons les moyens de le faire. Notre chance est que les marchés prêtent aux États à taux très bas voire négatifs, et que les banques centrales feront le nécessaire pour que cela reste le cas (comme c’est le cas au Japon depuis longtemps). Sauf erreur de leur part, il n’y a pas de raison pour que le niveau des taux d’intérêt sur la dette publique échappe aux banques centrales.

Peut-on espérer un effet « rattrapage » sur l’économie lorsque cette épidémie sera derrière nous ?

La réversibilité du choc est le sujet majeur. Cette réversibilité dépendra de deux choses. Tout d’abord l’efficacité des mesures de sauvegarde, il ne doit y avoir aucun obstacle à la dépense publique, de sauvegarde aux aides aux entreprises et des aides aux ménages. Dans un second temps, des mesures de relance doivent être mises en place. Ce qui va permettre de juger de la bonne réversibilité du choc, ce sera le niveau du chômage dans quelques mois, et le nombre de faillites (surtout des PME). Si dans ce délai, une accalmie de l’épidémie est enregistrée et que ces courbes de chômage et de faillites ont peu monté, nous pourrons alors avoir confiance que la réversibilité sera bonne.

Propos recueillis par Chloé Buewaert

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