Les réserves de la CIPAV sont d’environ 6,6 milliards d’euros à fin septembre 2020 ; 50 % de son portefeuille est aujourd’hui positionné sur des produits de taux, 38 % en actions et 12 % en immobilier. Comment Fabrice Zamboni a t-il vécu les neufs premiers mois de l’année ? Quelles opportunités a-t-il décelées dans un marché en proie à des phases de volatilité intense ? Il nous répond.

Décideurs. Au regard du contexte sanitaire et économique, comment avez-vous fait évoluer votre allocation d’actifs cette année ?

Fabrice Zamboni. La violence de la chute des marchés financiers qui a eu lieu en mars dernier a été telle que nous n’avons pas allégé nos positions sur les actifs risqués. Nous n’avons d’ailleurs pas non plus augmenté notre exposition. Tout cela s’est déroulé dans un laps de temps trop court. La peur avait à cette époque gagné les investisseurs, après que Christine Lagarde a affirmé que le problème italien ne la concernait pas. Heureusement elle a rapidement changé son fusil d’épaule. La Banque centrale européenne (BCE) ainsi que la réserve fédérale américaine (Fed) ont ensuite stabilisé les marchés financiers. Ces mouvements très brusques sont de véritables leçons d’humilité pour les investisseurs. De manière ponctuelle, au cours de l’année, nous avons cependant été amenés à ajouter un peu de risque dans nos portefeuilles, sur le segment des obligations à haut rendement, des ETF Or, des actions américaines et des small & mids caps. 

Certains investisseurs font le choix d’accumuler des liquidités pour gagner en flexibilité et se repositionner sur les marchés actions lorsque les valorisations seront plus attractives. Partagez-vous leur conviction ?

Chaque investisseur institutionnel doit composer avec des contraintes différentes. La Cipav est une caisse de retraite et de prévoyance des professions libérales. Nous sommes à ce titre contraints dans nos politiques de gestion actif/passif (ALM en anglais). La plupart de nos adhérents, des architectes et des indépendants, ont été très impactés pendant le confinement. Pour les soutenir, nous leur avons proposé un report de cotisations de cinq mois. Durant ce laps de temps, aucune cotisation n’a donc été prélevée. Ces sommes non versées n’ont par définition pas pu être réinvesties, ce qui a d’autant plus limité notre marge de manœuvre sur les marchés financiers. Par la suite, nous avons aussi proposé à nos adhérents un dispositif exceptionnel d’aide financière.

"L’offre ISR est aujourd’hui pléthorique" 

Comment se concrétise votre positionnement ESG dans la gestion de votre portefeuille actions ? Privilégiez-vous les fonds labellisés ISR par exemple ?

En l’espace de dix ans, la finance s’est transformée. Toutes les sociétés de gestion proposent désormais une gamme ISR/ESG. D’ailleurs, de nombreux gérants mettaient en œuvre cette politique d’investissement sans y prêter attention. L’offre est aujourd’hui pléthorique. Nous avons fait le choix de cibler nos investissements sur des projets sociétaux en lien avec nos convictions et nos valeurs. Nous avons par exemple participé en mars 2019 au lancement du premier fonds « Green & Impact Bond France » dédié au financement de projets ayant un impact environnemental favorable en France. Nous avons également investi dans un fonds « Silver Autonomie » dédié à la problématique de la dépendance. La Cipav a également prêté l’un de ses immeubles, temporairement inutilisé, à une association de femmes en détresse dans le cadre d’un projet immobilier solidaire en partenariat avec deux structures associatives de l’économie sociale et solidaire : Aurore et Plateau Urbain. En parallèle, nous menons une politique d’exclusion envers certains pays (par exemple : pays où la peine de mort n’est pas abolie, paradis fiscaux…) et certains secteurs d’activité. Pour faire notre choix de fonds, nous prêtons une attention particulière au track-record du gérant et à la manière dont il suit les sujets de gouvernance. Les scandales de Volkswagen, ou plus récemment de Wirecard, nous montrent combien il faut rester vigilant sur le sujet.

Les niveaux de taux sur la dette obligataire émise par les entreprises notées Investment grade sont-ils intéressants ? Le risque est-il aujourd’hui bien rémunéré ? Faut-il rester à l’écart du marché du High Yield ?

Nous assistons à une Japonisation de l’environnement obligataire. Le niveau des obligations d’État va rester bas très longtemps. Si on veut aller chercher de la performance, il faut sortir des sentiers battus. Et le segment du haut rendement fait partie de ces solutions. Les taux de défaut sont cependant plus importants sur cet univers d’investissement. C’est pourquoi nous réalisons d’importantes due diligence. La dette privée présente aussi de l’intérêt. La prime d’illiquidité nous permettant d’obtenir un rendement supérieur. Nous avons la volonté d’augmenter notre exposition sur cette thématique même si pour des raisons réglementaires celle-ci ne pourra pas représenter plus de 5 % de nos actifs.

"Les investisseurs seront très attentifs au déroulement des élections américaines" 

Cette crise constitue-t-elle malgré tout une source d’opportunités ?

En chinois le mot « crise » est représenté par deux caractères qui signifient danger et opportunité. Nous assistons actuellement à une dislocation sectorielle majeure. Les secteurs de la santé et de la technologie ont été renforcés par la crise tandis que le tourisme et le pétrole en sont les principales victimes. Les marchés sont actuellement en modes alternatifs, la volatilité y est plus élevée. Les investisseurs seront très attentifs au déroulement des élections américaines. En 2000, les marchés n’avaient que modérément gouté aux contestations des résultats lors du duel Al Gore ou George W. Bush.

Quelle politique d’investissement menez-vous sur les actifs alternatifs ?

Au-delà de la dette privée, nous sommes attentifs aux projets dans les infrastructures et le private equity. Les sources de rendement ne sont plus sur les marchés obligataires cotés mais sur ces classes d’actifs. Nous sommes par exemple intervenus dans le cadre de financements de PME en France. Nous avons aussi investi sur une Sicav qui a vocation à financer des barges fluviales ainsi que des conteneurs maritimes et ferroviaires. Le non coté est amené à prendre une part croissante dans nos investissements, en particulier la dette privée. S’agissant de l’immobilier en direct, nous privilégions des actifs de qualité et d’une taille importante situés dans des quartiers très demandés à Paris. Ces détentions immobilières sont complétées par des investissements indirects via des OCPI/FPCI.

Propos recueillis par Aurélien Florin (@FlorinAurélien)

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