Après une année 2020 éprouvante, 2021 devrait être synonyme de retrouvailles et de cadeaux en retard, notamment au sein du cercle familial. La générosité a néanmoins une limite d’ordre fiscal. La loi fait en effet une distinction entre dons manuels et présents d’usage, impliquant d’éventuelles conséquences successorales.

Jusqu’où peut-on gâter ses enfants et petitsenfants ? La loi française répond à cette question à travers les articles 843 et 852 du Code civil, qui encadrent les procédures successorales.

Le premier article prévoit que tout héritier doit rapporter à ses cohéritiers les dons manuels qu’il a reçus du défunt, pour des questions d’égalité.

Le second article exclut toutefois de ce rapport les dons qualifiés de  "présents d’usage". Cette distinction se retrouve sur le plan fiscal : un don manuel sera taxable aux droits de mutation à titre gratuit sur le fondement des articles 757 et 784 du Code général des impôts, tandis qu’un présent d’usage ne le sera pas.

"Don manuel"  ou "présent d’usage" : une frontière relative

Dès lors, deux questions se posent. D’une part, dans quel cas un don peut-il être considéré comme un présent d’usage ? D’autre part, existe-t-il une valeur maximale à ne pas dépasser pour que la remise d’un objet (bijoux, voiture, œuvre d’art) ou d’une somme d’argent puisse être considérée comme un cadeau et non comme un don manuel ? En ce qui concerne la première question, une réponse simple est apportée par les textes. Pour qu’il y ait « présent d’usage », il faut que le don soit fait à l’occasion d’un évènement où il est usuel de faire un cadeau (anniversaire, Noël, mariage, réussite à un examen…).

Un don qui intervient hors d’un évènement particulier ne peut être qualifié de présent d’usage. En ce qui concerne la question relative aux montants et plafonds, la réponse dépend de la situation du donateur.

L’article  852 du Code civil dispose qu’un présent d’usage s’apprécie selon la fortune du disposant : pour ne pas être considéré comme un don manuel, le cadeau ne doit pas être disproportionné par rapport aux revenus et au patrimoine du donateur. Selon ce principe, plus une personne est fortunée, plus elle peut faire des cadeaux de valeur sans que cela constitue un don manuel.

Notons également que c’est à la date où le cadeau a été fait que sa valeur doit être appréciée, sans tenir compte d’une éventuelle revalorisation ultérieure.

"Pour qu’il y ait « présent  d’usage », il faut que le don soit fait à l’occasion d’un évènement où il est usuel  de faire un cadeau"

Une appréciation complexe pouvant revenir au juge

Ces dispositions laissent place à une marge d’interprétation. La cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 11  avril  2002, a par exemple considéré que des chèques de 100 000 francs (15 000 euros environ) remis par une mère à chacun de ses deux fils lors des fêtes de Noël constituaient des présents d’usage compte tenu de sa fortune.

Pourtant, les juges du Tribunal de grande instance de Paris avaient initialement considéré que ces chèques, représentant 2,4 % du patrimoine de la donatrice, ne pouvaient être considérés comme des présents d’usage qu’à concurrence de 30 000  francs (4 500 euros environ) et devaient être regardés comme des dons manuels pour le surplus.

Les différentes jurisprudences ne permettent pas d’établir une règle claire de proportionnalité par rapport aux revenus ou à la fortune du donateur.

En cas de contentieux, c’est donc au juge qu’il appartient d’apprécier si le cadeau fait à l’occasion d’un événement constituait un présent d’usage ou si, compte tenu de son importance, il doit être qualifié de don manuel. 

Par Stéphane Jacquin, associé-gérant,  responsable de l’ingénierie patrimoniale, Lazard Frères Gestion

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