Les foires internationales d’art sont devenues des centres de synergie incontournables pour les galeries, artistes et collectionneurs, et jouent un rôle privilégié et majeur dans la valorisation et la commercialisation des oeuvres. Cet article examine les dynamiques récentes et les défis économiques posés par ce modèle de marché en pleine mutation.

Malgré l’essor des p l a t e f o r m e s numériques, la pandémie de Covid-19 n’a pas fait disparaître les foires physiques, qui continuent à prospérer. En 2024, plus de 377 foires d’art sont prévues à travers le monde, une augmentation notable comparée aux 68 foires majeures organisées en 2005.

Un modèle de marché en évolution rapide

Depuis la création d’Art Cologne en 1967, les foires d’art ont évolué, passant d’événements strictement commerciaux à des rendez-vous culturels mondiaux. En 2023, les foires ont représenté 29 % des ventes mondiales d’art, soulignant leur importance dans le marché global. Les galeries utilisent ces événements pour accéder à de nouveaux marchés, rencontrer des collectionneurs et accroître leur visibilité. Les grandes foires comme Art Basel et Frieze sont devenues synonymes de luxe et de prestige, avec des retombées économiques massives pour leurs villes hôtes, comme les 500 millions de dollars générés par Art Basel Miami Beach. Pourtant, l’économie des foires d’art pose des défis de taille. Les coûts d’exposition sont astronomiques, les galeries pouvant dépenser jusqu’à 100 000 dollars pour un stand à Art Basel, sans compter les frais de transport, d’hébergement et d’organisation d’événements privés.

Un changement est nécessaire pour garantir un avenir où les foires continuent de jouer un rôle dynamique, inclusif et durable

Ces montants font peser un fardeau disproportionné sur les petites et moyennes galeries, qui doivent souvent participer à des foires non par choix, mais par nécessité. En effet, aujourd’hui, 50 % des ventes des galeries sont réalisées lors de foires, contre 25 % il y a dix ans. Cela crée un cercle vicieux : ne pas participer à une foire revient à risquer de perdre en visibilité et en perspectives commerciales, mais y participer implique de courir le risque de pertes financières importantes. 

Des perspectives et des défis

Les foires d’art permettent aux galeries de se légitimer en étant sélectionnées par des comités d’experts, et aux artistes de voir leur travail validé et reconnu sur la scène internationale. Cependant, la participation à ces événements peut être difficile à rentabiliser. De nombreuses galeries rapportent ne pas couvrir leurs coûts d’exposition, malgré l’importance des ventes lors des journées VIP, réservées aux grands collectionneurs. Les galeries doivent également adapter leur sélection d’oeuvres pour répondre aux attentes des collectionneurs et des tendances du marché. Pourtant, le nombre limité de transactions lors des foires soulève des questions quant à l’efficacité de ce modèle. Par exemple, bien qu’Art Basel Bâle accueille environ 80 000 visiteurs chaque année, seuls 2 000 d’entre eux effectuent des achats.

Un bilan financier contrasté

Les foires d’art continuent de prospérer malgré un climat économique difficile. En 2023, le marché de l’art mondial a ralenti, avec une baisse des ventes de 4 % par rapport à l’année précédente. Des galeries à New York et en Europe ont signalé des baisses de revenus allant jusqu’à 50 %, tandis que les géants comme Sotheby’s et Christie’s ont rapporté des baisses de revenus de 30 %. Ce déclin souligne les limites d’un modèle économique qui favorise les grandes galeries au détriment des plus petites, et exacerbe les inégalités au sein du marché. Les foires continuent de dépendre d’un modèle économique obsolète, basé sur des frais de stand élevés, des ventes de billets et la location d’espaces. Les tentatives d’innovation d’Art Basel, par exemple avec la blockchain pour faciliter les transactions artistiques, n’ont pas eu le succès escompté. De plus, les efforts visant à offrir des réductions aux petites galeries, comme des économies de 20 % sur les frais d’exposition, ne suffisent pas à compenser les pressions financières.

Vers une évolution nécessaire du modèle

Le marché de l’art, en particulier les foires, est à un tournant. Bien que les grandes foires comme Art Basel et Frieze attirent l’élite du marché, elles risquent d’étrangler les galeries plus petites, qui n’ont ni les moyens financiers ni la visibilité pour se maintenir. Des solutions existent pourtant : offrir des stands gratuits ou moins chers aux galeries, adopter une plus grande transparence sur les prix et introduire des modèles de revenus alternatifs, comme inclure les galeries dans les profits des foires, pourrait atténuer certains des défis actuels. Enfin, la combinaison des foires physiques et des plateformes numériques s’avère une piste d’évolution. Si les plateformes en ligne n’ont pas encore égalé l’impact des foires physiques en termes de ventes, elles offrent aux galeries des moyens de diversification. En 2024, Art Basel a embauché son premier "Chief Digital Officer" pour rendre ses événements plus accessibles numériquement, montrant ainsi que l’avenir des foires d’art pourrait passer par un modèle hybride.

Conclusion

Les foires d’art internationales restent des acteurs essentiels dans la valorisation et la commercialisation des oeuvres. Elles apportent une légitimité indispensable aux galeries et artistes tout en leur offrant l’occasion de rencontrer des collectionneurs et de s’implanter sur le marché mondial. Toutefois, leur modèle économique est de plus en plus remis en question par les coûts croissants et l’évolution des attentes des participants. Un changement est nécessaire pour garantir un avenir où les foires continuent de jouer un rôle dynamique, inclusif et durable dans le marché de l’art global. 


Sur les auteurs

Par Clara Tourneret, Chargée de mission et Jean-François Fliti, Président, Art et Finance. 

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