« Ce n’est pas parce qu’il dispose d’une majorité parlementaire que le gouvernement peut s’affranchir du respect de l’égalité devant les charges publiques »
Entretien avec Philippe Marini, sénateur UMP de l'Oise, président de la commission des finances du S
Décideurs. La décision des Sages vous a-t-elle surprise ?
Philippe Marini. Non, je ne suis pas surpris que le Conseil constitutionnel ait fait prévaloir le droit car telle est sa fonction et sa raison d’être. C’est d’ailleurs pour cela qu’avec mes collègues du groupe UMP du Sénat, je l’ai saisi de la loi de finances pour 2013.
Comme l’a très bien dit le Conseil lui-même en 1985, « la loi votée n’exprime la volonté générale que dans le respect de la Constitution ». Ce n’est donc pas parce qu’il dispose d’une majorité parlementaire que le gouvernement peut s’affranchir du respect de principes aussi fondamentaux que l’égalité devant les charges publiques ou la non-rétroactivité de la loi fiscale sans motif d’intérêt général suffisant.
Décideurs. Le Conseil constitutionnel n’a pas prononcé le mot « confiscatoire », quelle lecture faîtes-vous néanmoins de cette décision ?
P. M. Le mot « confiscatoire » ne fait pas vraiment partie du vocabulaire du Conseil. En règle générale, celui-ci parle plutôt de « rupture de l’égalité devant les charges publiques », notamment quand certains impôts font peser une charge excessive sur certains contribuables au regard de leur faculté contributive. S’agissant de la fameuse « taxe à 75 % », les Sages n’ont pas évoqué cette question car un vice de construction encore plus fondamental (l’absence de prise en compte de l’existence du foyer fiscal) a suffi pour justifier la censure.
Mais le gouvernement gagnerait à lire la décision du 29 décembre en entier. En effet, dans ce texte, le juge constitutionnel a systématiquement censuré comme excessif tout impôt qui, cumulé avec d’autres impositions frappant un même revenu, aboutissait à taxer celui-ci à un taux supérieur à 70 %. Même si cela n’est pas explicitement exprimé, on se situe sans doute là à peu près au niveau de ce que les Sages considèrent comme confiscatoire.
Décideurs. Est-ce une victoire pour l’UMP ? Et comment pallier les 700 millions d'euros que va coûter la décision du Conseil constitutionnel sur le budget 2013 ?
P. M. Je ne sais pas si l’on peut parler de victoire pour l’UMP. Je sais, en revanche, que c’est une victoire pour la protection des droits et libertés des Français, dont aucun ne devrait être considéré comme une « vache à lait » par l’État. Je sais aussi que ce n’est pas une victoire pour le gouvernement. Avec d’autres parlementaires, j’ai à de nombreuses reprises averti du risque de censure au cours de l’examen du budget.
Quant au coût de la mesure, il devrait naturellement être compensé par un amoindrissement des dépenses de l’État. Le « cocktail » d’origine présenté par le gouvernement (réduction du déficit par 2/3 de hausses d’impôts et 1/3 d’économies) pourrait être ainsi un peu rééquilibré.
Décideurs. Le gouvernement peut-il revenir sur la décision du Conseil constitutionnel alors qu’aucun appel n’est possible ? De quels moyens disposez-vous pour l’en empêcher ?
P. M. Le gouvernement est évidemment lié par la décision du Conseil, à laquelle il ne peut se soustraire. S’il persistait dans sa volonté de « punir les riches », il devrait donc devoir revoir sa copie de manière sensible. Bien entendu, les parlementaires de l’opposition soumettraient de nouveau au juge constitutionnel toute mesure fiscale à caractère confiscatoire – après avoir fait valoir leurs arguments au cours de l’examen du texte à l’Assemblée nationale et au Sénat.
Décideurs. S’agissant des départs pour des raisons fiscales vers l’étranger (Belgique, Suisse ou UK), avez-vous des chiffres précis ?
P. M. Cela fait quelques années que je ne dispose plus de chiffres précis, ce qui est un problème. Je compte d’ailleurs bien me saisir de cette question dans les toutes prochaines semaines car il est indispensable que le législateur y voie clair sur ce sujet.
Pour l’heure, au-delà de quelques cas très médiatisés et selon les bribes d’éléments dont je dispose, notamment par des cabinets d’avocats ou des études notariales, il semble bien que le flot de l’exil fiscal ne se tarit pas et a même repris de plus belle en 2012. En plus des mesures concrètes de l’actuelle majorité – qui sont clairement nuisibles – il faut y voir le résultat d’un climat « anti réussite » entretenu y compris au sein du gouvernement, ce qui a des effets profondément déprimants pour de nombreux entrepreneurs. Afin d’arrêter l’hémorragie, il va donc falloir changer à la fois de cap et de langage, et le plus tôt sera le mieux.
Philippe Marini. Non, je ne suis pas surpris que le Conseil constitutionnel ait fait prévaloir le droit car telle est sa fonction et sa raison d’être. C’est d’ailleurs pour cela qu’avec mes collègues du groupe UMP du Sénat, je l’ai saisi de la loi de finances pour 2013.
Comme l’a très bien dit le Conseil lui-même en 1985, « la loi votée n’exprime la volonté générale que dans le respect de la Constitution ». Ce n’est donc pas parce qu’il dispose d’une majorité parlementaire que le gouvernement peut s’affranchir du respect de principes aussi fondamentaux que l’égalité devant les charges publiques ou la non-rétroactivité de la loi fiscale sans motif d’intérêt général suffisant.
Décideurs. Le Conseil constitutionnel n’a pas prononcé le mot « confiscatoire », quelle lecture faîtes-vous néanmoins de cette décision ?
P. M. Le mot « confiscatoire » ne fait pas vraiment partie du vocabulaire du Conseil. En règle générale, celui-ci parle plutôt de « rupture de l’égalité devant les charges publiques », notamment quand certains impôts font peser une charge excessive sur certains contribuables au regard de leur faculté contributive. S’agissant de la fameuse « taxe à 75 % », les Sages n’ont pas évoqué cette question car un vice de construction encore plus fondamental (l’absence de prise en compte de l’existence du foyer fiscal) a suffi pour justifier la censure.
Mais le gouvernement gagnerait à lire la décision du 29 décembre en entier. En effet, dans ce texte, le juge constitutionnel a systématiquement censuré comme excessif tout impôt qui, cumulé avec d’autres impositions frappant un même revenu, aboutissait à taxer celui-ci à un taux supérieur à 70 %. Même si cela n’est pas explicitement exprimé, on se situe sans doute là à peu près au niveau de ce que les Sages considèrent comme confiscatoire.
Décideurs. Est-ce une victoire pour l’UMP ? Et comment pallier les 700 millions d'euros que va coûter la décision du Conseil constitutionnel sur le budget 2013 ?
P. M. Je ne sais pas si l’on peut parler de victoire pour l’UMP. Je sais, en revanche, que c’est une victoire pour la protection des droits et libertés des Français, dont aucun ne devrait être considéré comme une « vache à lait » par l’État. Je sais aussi que ce n’est pas une victoire pour le gouvernement. Avec d’autres parlementaires, j’ai à de nombreuses reprises averti du risque de censure au cours de l’examen du budget.
Quant au coût de la mesure, il devrait naturellement être compensé par un amoindrissement des dépenses de l’État. Le « cocktail » d’origine présenté par le gouvernement (réduction du déficit par 2/3 de hausses d’impôts et 1/3 d’économies) pourrait être ainsi un peu rééquilibré.
Décideurs. Le gouvernement peut-il revenir sur la décision du Conseil constitutionnel alors qu’aucun appel n’est possible ? De quels moyens disposez-vous pour l’en empêcher ?
P. M. Le gouvernement est évidemment lié par la décision du Conseil, à laquelle il ne peut se soustraire. S’il persistait dans sa volonté de « punir les riches », il devrait donc devoir revoir sa copie de manière sensible. Bien entendu, les parlementaires de l’opposition soumettraient de nouveau au juge constitutionnel toute mesure fiscale à caractère confiscatoire – après avoir fait valoir leurs arguments au cours de l’examen du texte à l’Assemblée nationale et au Sénat.
Décideurs. S’agissant des départs pour des raisons fiscales vers l’étranger (Belgique, Suisse ou UK), avez-vous des chiffres précis ?
P. M. Cela fait quelques années que je ne dispose plus de chiffres précis, ce qui est un problème. Je compte d’ailleurs bien me saisir de cette question dans les toutes prochaines semaines car il est indispensable que le législateur y voie clair sur ce sujet.
Pour l’heure, au-delà de quelques cas très médiatisés et selon les bribes d’éléments dont je dispose, notamment par des cabinets d’avocats ou des études notariales, il semble bien que le flot de l’exil fiscal ne se tarit pas et a même repris de plus belle en 2012. En plus des mesures concrètes de l’actuelle majorité – qui sont clairement nuisibles – il faut y voir le résultat d’un climat « anti réussite » entretenu y compris au sein du gouvernement, ce qui a des effets profondément déprimants pour de nombreux entrepreneurs. Afin d’arrêter l’hémorragie, il va donc falloir changer à la fois de cap et de langage, et le plus tôt sera le mieux.