Retour sur cinq ans de réformes et d’exercice du pouvoir
 La gestion du G20 et de la crise de l’euro, la politique de rigueur et la guerre en Libye ont rendu à Nicolas Sarkozy le leadership attendu. Les sondages s’améliorent pour lui et la campagne pour l’élection présidentielle de 2012 se dessine doucement. L’occasion de revenir sur cinq ans de réformes et d’exercice du pouvoir.


Embellie. Le mot est lancé. « Si le premier tour de l’élection présidentielle avait lieu dimanche prochain », 29 % des Français voteraient pour Nicolas Sarkozy, selon le dernier sondage LH2 / Yahoo ! du 18 novembre 2011. C’est cinq points de plus qu’il y a un mois. Certes, 30 % des Français voteraient pour François Hollande, mais c’est neuf points de moins qu’auparavant. Du jamais vu depuis cinq ans. « Depuis quelques semaines, on observe une légère remontée due moins à l’exercice de représidentialisation et aux succès internationaux qu’à la gestion de la crise et au leadership démontrés au G20 et salués par le Président Obama », explique Adélaïde Zulfikarpasic, directrice du département opinion institutionnel de LH2. Alors certes à l’Élysée on masque son contentement au prétexte que les sondages ne sont qu’une photographie et « le reflet d’un moment ponctuel », mais nombreux sont ceux qui, dans l’entourage de Nicolas Sarkozy, se félicitent de la nouvelle posture présidentielle. Il faut dire que le chemin a été long pour parvenir à sa « représidentialisation ».


La France d’en haut

Des centaines de livres écrits sur Nicolas Sarkozy, de ses discours à ses lapsus, des hagiographies aux critiques les plus acerbes, de sa Rolex à sa relation aux psy, mais également des heures de présence télévisuelle et des centaines de « Une » de newsmagazines, etc. : tout a été dit ou presque sur le président de la République. Rarement d’ailleurs durant la Ve République un souverain élu n’aura déchaîné autant les passions.
Le 6 mai 2007, avec 53,06 % des suffrages, Nicolas Sarkozy remporte l’élection présidentielle face à Ségolène Royal (46,94 %). Le soir même, c’est la première bourde : la nuit au Fouquet’s*, haut lieu parisien du gotha où se retrouvent alors les intimes : les grands patrons du CAC 40, des stars du showbiz, des communicants hors pair, etc. Bref, « la France d’en haut ». Dès lors, Nicolas Sarkozy n’aura de cesse de pratiquer une politique favorable à ce microscopique cercle d’ultra-privilégies. Les Français restent dans leur grande majorité atterrés, surtout lorsque quelques jours plus tard, le nouveau Président se retire en villégiature sur le yacht de son ami Vincent Bolloré. Il perd alors cinq points d’opinion favorable dans les sondages.


Rupture

Tout, dans le style du nouveau monarque, étonne. Peu se reconnaissent dans ce personnage tonitruant et vociférant (« Casse-toi pauv’con ! »), tutoyant à tout va, adoptant un style « bling bling » et vantant une vision de la réussite individuelle américaine**. Sa vie privée est partout étalée et pour la première fois, la France, « ce vieux pays », assiste au divorce d’un Président.
Nicolas Sarkozy pratique la rupture. Rupture dans le ton, dans l’attitude, dans le style et dans la manière de gouverner et dans l’héritage. Il ne vient pas de l’ENA et n’est pas comme ses prédécesseurs à citer Paul Éluard, à lire Jacques Chardonne, à aimer Pierre Paulin, ou à masquer une connaissance hors du commun pour les arts qu’on dit primitifs. Il aime ce qui est populaire. Et dans sa pratique de la politique il est « cash ». Quand il n’aime pas, il le fait savoir. Diplomates, magistrats ou rédacteurs en chef en ont fait les frais***.
À la tête du gouvernement, il renverse les codes et pratique l’ouverture rêvée par le Centre, où des ministres et grands noms de l’État, non issus du sérail de l’UMP, sont accueillis : Bernard Kouchner, Frédéric Mitterrand, Martin Hirsch, Fadela Amara, André Santini, Hervé Morin, etc. Alors que ses prédécesseurs s’employaient à tenter de rassembler, ne serait-ce que durant leur campagne à l’investiture suprême, lui préfère cliver. Encore aujourd’hui ses mesures de rigueur budgétaire surprennent dans une période pré-électorale où l’on a tendance à « raser gratis ». Bref, Nicolas Sarkozy mène une présidence à laquelle les Français ne sont pas habitués. Auparavant, les douze ans de règne de Jacques Chirac ont laissé un souvenir mou dans les mémoires.
Désormais Nicolas Sarkozy veut être de toutes les réformes. On sait que le Président n’a en moyenne que deux ans pour faire passer ses mesures, mais entre 2007 et 2010, il est partout. « On dit omniprésident. Je préfère qu’on dise ça plutôt que roi fainéant. On en a connu », se justifie-t-il lors de ses vœux à l’Élysée aux parlementaires en janvier 2009. À force d’être partout, de prendre la place de son Premier ministre François Fillon et de parler au nom des ministres en place, Nicolas Sarkozy devient l’unique porte-parole et correspondant d’un gouvernement qui pratique des mesures jugées injustes ou inutiles par la population : bouclier fiscal, débat sur l’identité nationale ou la laïcité, nomination du président de France Télévision, etc. Résultat, non seulement il lasse, mais catalyse les contestations. Et même au sein de son parti, où François Fillon a bien du mal a exister, quand d’autres, à l’instar de Jean-François Copé, secrétaire général de l'UMP, tentent tant bien que mal de tenir derrière lui des grognards en rang.


Habit présidentiel

S’ensuit une chute continue dans les sondages qu’expliquent « la personnalité du Président, ses familiarités et sa prise de parole permanente, qui révèlent l’inadéquation entre l’homme et la fonction présidentielle », précise Adélaïde Zulfikarpasic, avant d’ajouter : « Depuis le début 2010, le Président recueille moins de 40 % d’opinion favorable. Il ne profite plus du bénéfice du doute des premiers mois et son action depuis son arrivée au pouvoir est jugée globalement insatisfaisante. Elle est même notée 4,1/10 en moyenne, selon un sondage LH2 de mai 2011, 2007-2011 : Bilan de Nicolas Sarkozy à la présidence ». Même chez les séniors qui l’ont élu, il décroche. En avril 2011, il passe à 30 % d’opinions favorables et perd également vingt points chez les sympathisants UMP, pourtant traditionnellement légitimistes et partisans. »
Longtemps, le Président Sarkozy a dérangé, pas tant pour ses mesures et ses réformes – toutes les études et sondages prouvent que la désaffection populaire n’est pas consubstantielle aux réformes – que pour sa personnalité. Pour Philippe Bilger, ancien avocat général près la cour d'appel de Paris et homme de droite, « il y a des avancées et d’énormes faiblesses, mais le personnage, cette inaptitude qu’il a à être président, sa personne finalement cachent son bilan ». Débarassé de son habit présidentiel, Nicolas Sarkozy choque et irrite. Et c’est là tout le paradoxe schizophrénique du personnage, car si la pudeur, la distance et le respect de l’équilibre des pouvoirs lui font défaut, force est d’admettre qu’il restera le Président qui a pratiqué les réformes – et pas seulement les court-termistes comme celle qui agite en ce moment le gouvernement autour du suivi judiciaire des récidivistes. Celui qui a fait passer les mesures qui s’imposaient et que tout le monde, jusque là, refusait d’appliquer, trop amoureux sans doute de l’électorat et de la reconduite du pouvoir. Dans une conversation rapportée par Le Point du 10 novembre 2011, Alain Minc résume parfaitement la situation en réponse à François Bayrou : « C’est un peu facile de faire d’une soirée, Le Fouquet’s, le symbole de tout un quinquennat. Il y a eu des erreurs. Mais les débuts de règne ont toujours leur part d’aléas (…) Inscrivez le Fouquet’s dans la colonne débit si vous voulez. Mais n’oubliez pas ce qu’il y a en face : la réforme des institutions, celle des universités, certaines nominations anti-oligarchiques comme la nomination d’un socialiste à la Cour des comptes ou d’un autre à la tête de la commission des Finances à l’Assemblée. »


* La Nuit du Fouquet’s, 
d’Ariane Chemin et Judith Perrignon (Fayard, octobre 2007)
** Un Américain à Paris, 
de Jean-Marie Colombani (Plon, mai 2008)
***Sarko m'a tuer, 
de Gérard Davet et Fabrice Lhomme (Stock, août 2011)

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