Depuis sa création en 1975 et malgré un nombre incalculable de modifications législatives, la taxe professionnelle faisait toujours l’unanimité contre elle car accusée de nuire à la compétitivité de l’industrie française. à compter de 2010, la contribution économique territoriale aura la lourde tâche de lui succéder en préservant à la fois les entreprises et les finances des collectivités locales.

Après avoir été maintes fois annoncée, la suppression de la taxe professionnelle aura donc bel et bien lieu. En effet, au regard du projet de Loi de finances pour 20103  il semble acquis que dès le 1er janvier 2010 les entreprises ne seront plus soumises à cet impôt créé en 1975 sur les cendres de la patente. Il serait bien trop long de faire dans ces colonnes l’historique des innombrables réformes qui ont modifié de façon parfois déterminante (avec, par exemple, en 1999 la suppression de la part salariale totalement effective depuis 2003) la taxe professionnelle.

Qualifiée très vite après sa création d’ « impôt imbécile » en ce qu’elle frappait les entreprises d’autant plus lourdement qu’elles embauchaient et investissaient, la taxe professionnelle s’était peu à peu transformée en un monstre fiscal4 fait de bric et de broc au fur et à mesure que de multiples aménagements techniques palliaient imparfaitement l’absence d’une réforme de grande ampleur, réputée politiquement infaisable. Rappelons ainsi qu’en dernier lieu, le précédent président de la République avait lui aussi annoncé la suppression de la taxe professionnelle et mis en place une Commission de réforme sous l’autorité du président Olivier Fouquet  dont les travaux furent unanimement salués5, mais néanmoins soigneusement enterrés par le Gouvernement qui s’empressa de mettre en place un énième cautère, en l’occurrence le « dégrèvement pour investissement nouveaux »6, dans l’attente d’une réforme digne de ce nom.

Les difficultés de cette réforme étaient en effet parfaitement identifiées par les multiples tentatives avortées et peuvent être résumées par la quadrature du cercle suivante : préserver l’autonomie pour les finances des collectivités locales7 et ne plus peser sur la capacité d’investissement des entreprises. En tout état de cause, annoncée à plusieurs reprises par l’actuel président de la République, cette réforme de grande ampleur a finalement été initiée en févier 2009. Très vite le Gouvernement indiqua, et ce ne fut évidement pas une surprise, que la taxe professionnelle allait certes disparaître mais pour mieux renaître sous une forme nouvelle. En effet, dès le début de l’année 2009, il est apparu que dans ses grandes lignes la réforme consisterait à supprimer la taxation des biens meubles corporels et à conserver l’imposition de la valeur locative foncière des immeubles utilisés par les entreprises. Restait alors à savoir ce qu’il adviendrait des mécanismes du plafonnement et de la cotisation minimale en application desquels la taxe professionnelle des entreprises était majoritairement établie en fonction de leur valeur ajoutée et non en fonction des bases imposables.

Par la suite et notamment au travers de l’avant-projet de loi dévoilé cet été par la Direction de la législation fiscale, les principales caractéristiques du nouvel impôt, dénommé contribution économique territoriale (ou CET), furent connues. Ainsi, malgré de nombreux aménagements sur des points techniques, les règles générales de la taxe professionnelle seront reprises et ce notamment en matière de champ d’application, d’exonérations, de période de référence, de principe d’annualité ou encore du lieu d’imposition.

D’un point de vue pratique, ce nouvel impôt se décompose d’une part en une « cotisation foncière des entreprises »8, qui pour l’essentiel9 reprend les règles de la base foncière de la taxe professionnelle, et d’autre part en une « cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises »10  qui consiste à généraliser le système de la cotisation minimale de la taxe professionnelle à toutes les entreprises dont le chiffre d’affaires excède 500 000 € HT, selon un taux de 0 à 1,50 % fonction du chiffre d’affaires.
Ajoutons qu’un mécanisme de plafonnement consistant à limiter le montant total des deux composantes de la CET en fonction d’un certain pourcentage11 de la valeur ajoutée12 de l’entreprise est maintenu.
Certes, le projet initial présenté par Bercy a fortement évolué et il est très probable qu’il évolue encore avant son adoption définitive par le Parlement et même dans les mois ou l’année qui suivront son adoption et ce, pour aménager les difficultés qui pourraient apparaître lors de sa première application.  Soulignons en effet l’extrême complexité, pas simplement politique, de cette réforme, dont le caractère technique rend la compréhension de l’article 2 du projet très ardue  au point que le spectre d’une censure constitutionnelle pour inintelligibilité ne peut être totalement écarté13. En conséquence, il est pour l’heure bien difficile d’évaluer avec exactitude le coût réel de la future contribution économique territoriale pour les entreprises et ainsi l’économie potentielle qu’elle générera par rapport à la taxe professionnelle

Certes, les entreprises industrielles, considérées jusque-là comme les premières « victimes » de la taxe professionnelle, en ce que leur activité nécessite d’importants investissements, seront probablement les principales bénéficiaires de la réforme. En effet, l’imposition des entreprises industrielles était jusque-là fréquemment plafonnée à 3,5 % de la valeur ajoutée alors que la future cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises sera au
maximum égale à 1,5 %.

Pourtant ce constat doit être fortement nuancé dès lors notamment que l’une des caractéristiques importantes de la future CET est la déconnexion de ses deux composantes que sont la cotisation foncière des entreprises et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. En pratique, l’assiette des biens passibles de taxe foncière imposée dans le cadre de la cotisation foncière des entreprises ne viendra donc pas diminuer le montant de la cotisation calculée sur la valeur ajoutée comme tel était le cas en matière de taxe professionnelle. En ce sens, un certain nombre d’entreprises qui n’étaient pas jusqu’alors redevables de la cotisation minimale pourraient même voir leur imposition fortement augmenter dans l’avenir. Tel serait notamment le cas des entreprises anciennement soumises à la cotisation minimale et dont le chiffre d’affaires est supérieur à 50 millions d’euros puisque ces entreprises étaient déjà soumises à une cotisation de taxe professionnelle égale à 1,5 % de leur valeur ajoutée à laquelle elles devront désormais ajouter la nouvelle cotisation foncière.

En tout état de cause, le caractère très hétéroclite des situations des entreprises au regard de la taxe professionnelle et de la future contribution économique territoriale rend très difficile les comparaisons et les projections globales et ce d’autant plus que plusieurs mécanismes correcteurs ont d’ores et déjà été prévus. Au premier rang de ceux-ci figure un mécanisme d’écrêtement qui permettra aux entreprises qui verraient leur imposition augmenter en 2010 de lisser cette augmentation sur cinq ans. L’application de ce dispositif devrait ainsi permettre qu’aucune entreprise ne voie sa cotisation augmenter de plus de 500 € ou de plus de 10 % en 2010.
Il résulte donc de ce qui précède que l’économie globale pour les entreprises telle qu’annoncée par le Gouvernement ne pourra être véritablement connue qu’après au minimum une ou deux années d’application.
Ajoutons à cela que d’autres réformes à venir sont également susceptibles d’influencer le coût réel de la cotisation économique territoriale qui sera mise à la charge des entreprises. Il en va en particulier ainsi d’un autre serpent de mer auquel le président de la République a annoncé vouloir désormais s’attaquer : celui des valeurs locatives foncières. 
En effet, la réforme plus que nécessaire des valeurs locatives foncières, vieilles de 40 ans, pourrait avoir pour effet de rehausser la base imposable de certaines entreprises et en particulier de celles qui disposent d’immeubles commerciaux au sens de l’article 1498 du CGI.

Cette réforme, si elle devait avoir lieu, ajoutée à l’abattement de 35 % désormais appliqué à la valeur locative des immeubles industriels au sens de l’article 1499 du CGI, pourrait ainsi aboutir à inverser la situation actuelle qui voit en règle générale les immeubles commerciaux sensiblement moins imposés que les immeubles industriels.

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