Supprimer le ministère de la culture, une option salvatrice pour la France selon Agnès Verdier-Molinié, présidente de la Fondation Ifrap : « Huit milliards d’euros pourraient être économisés chaque année. »
Agnès Verdier-Molinié, Fondation Ifrap : «"Rentable", un mot tabou dans la culture »
Décideurs. Aujourd’hui, la culture française vit sous perfusion publique, quel serait l’intérêt de supprimer le ministère de la Culture ?
Agnès Verdier-Molinié. L’intérêt serait en premier lieu de simplifier l’action publique dans le domaine culturel. Aujourd’hui, l’État, les communes, les intercommunalités, les départements et les régions et bientôt les métropoles interviennent en chœur sur le même territoire. Il y a une énorme déperdition d’énergie et de moyens dans l’organisation actuelle. Sur les 21 milliards dépensés chaque année par les administrations publiques dans la culture, treize le sont par l’Etat et huit par les collectivités. Les montants en jeu sont de plus en plus importants ces dernières années.
Décideurs. Quelles économies seraient générées par ce changement ?
A.V.-M. Entre 2006 et 2010, les dépenses culturelles des régions ont augmenté en valeur de 92%, celles des départements de 26%, celles des communes de 16% et celles des EPCI de 380%. Problème, ces dépenses ne sont pas concertées sur les territoires, doublonnent et coutent toujours plus cher du fait des financements croisés. Prenons l’exemple des deux musées de la Méditerranée, MuCEM et CeRem, qui se font face à Marseille. Ils ont les mêmes objets mais ont été financés pour l’un par l’Etat et la ville ou pour l’autre par la région. Il est à ce jour trop tentant de créer des directions de la culture à tous les échelons. La proposition de la Fondation iFRAP est de réserver la politique publique culturelle aux régions et aux communes et d’en exclure toutes les autres strates publiques, y compris l’État. Rien que sur les doublons d’administrations culturelles, les économies seraient non négligeables. En Allemagne, la plus grande partie des subventions culturelles est gérée au niveau des Länder, alors qu’en France c’est le ministère qui en dispense la majorité. Pour les dépenses de loisirs, culture et culte, la France dépense 1,4% de son PIB tandis que l’Allemagne en dépense 0,8, et le Royaume-Uni ou la Suède 1%. Si la France s’alignait sur ces pays comparables, ce serait environ huit milliards d’euros qui pourraient être économisés chaque année.
Décideurs. L’exception française survivrait-elle ?
A.V.-M. La fameuse « exception culturelle française » est souvent une façon d’excuser le fait que l’on consacrre davantage d’argent public à ce secteur que nos voisins. Tandis que la France ne contrôle pas ses dépenses et ne regarde pas leur efficience, les pays anglo-saxons ou nordiques ont une vision beaucoup plus pragmatique de la culture. Ce n’est pas parce que c’est culturel que cela ne doit pas être bien géré et « rentable », un mot tabou chez nous dans la culture. Pourtant, certains ont déjà créé en France un vertueux équilibre entre autofinancement, mécénat privé et une part minoritaire de subventions publiques, à l’image de Jean-Michel Ribes au Théâtre du Rond-Point à Paris. C’est la clé de la culture de demain, moins financée par les deniers publics, capable de générer du mécénat privé et plus connectée aux attentes de Français.
Retrouvez l'article Exit l'exception culturelle
Cet article fait partie du dossier Dix ans pour changer la France
Propos recueillis par Alexandra Cauchard
Agnès Verdier-Molinié. L’intérêt serait en premier lieu de simplifier l’action publique dans le domaine culturel. Aujourd’hui, l’État, les communes, les intercommunalités, les départements et les régions et bientôt les métropoles interviennent en chœur sur le même territoire. Il y a une énorme déperdition d’énergie et de moyens dans l’organisation actuelle. Sur les 21 milliards dépensés chaque année par les administrations publiques dans la culture, treize le sont par l’Etat et huit par les collectivités. Les montants en jeu sont de plus en plus importants ces dernières années.
Décideurs. Quelles économies seraient générées par ce changement ?
A.V.-M. Entre 2006 et 2010, les dépenses culturelles des régions ont augmenté en valeur de 92%, celles des départements de 26%, celles des communes de 16% et celles des EPCI de 380%. Problème, ces dépenses ne sont pas concertées sur les territoires, doublonnent et coutent toujours plus cher du fait des financements croisés. Prenons l’exemple des deux musées de la Méditerranée, MuCEM et CeRem, qui se font face à Marseille. Ils ont les mêmes objets mais ont été financés pour l’un par l’Etat et la ville ou pour l’autre par la région. Il est à ce jour trop tentant de créer des directions de la culture à tous les échelons. La proposition de la Fondation iFRAP est de réserver la politique publique culturelle aux régions et aux communes et d’en exclure toutes les autres strates publiques, y compris l’État. Rien que sur les doublons d’administrations culturelles, les économies seraient non négligeables. En Allemagne, la plus grande partie des subventions culturelles est gérée au niveau des Länder, alors qu’en France c’est le ministère qui en dispense la majorité. Pour les dépenses de loisirs, culture et culte, la France dépense 1,4% de son PIB tandis que l’Allemagne en dépense 0,8, et le Royaume-Uni ou la Suède 1%. Si la France s’alignait sur ces pays comparables, ce serait environ huit milliards d’euros qui pourraient être économisés chaque année.
Décideurs. L’exception française survivrait-elle ?
A.V.-M. La fameuse « exception culturelle française » est souvent une façon d’excuser le fait que l’on consacrre davantage d’argent public à ce secteur que nos voisins. Tandis que la France ne contrôle pas ses dépenses et ne regarde pas leur efficience, les pays anglo-saxons ou nordiques ont une vision beaucoup plus pragmatique de la culture. Ce n’est pas parce que c’est culturel que cela ne doit pas être bien géré et « rentable », un mot tabou chez nous dans la culture. Pourtant, certains ont déjà créé en France un vertueux équilibre entre autofinancement, mécénat privé et une part minoritaire de subventions publiques, à l’image de Jean-Michel Ribes au Théâtre du Rond-Point à Paris. C’est la clé de la culture de demain, moins financée par les deniers publics, capable de générer du mécénat privé et plus connectée aux attentes de Français.
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Cet article fait partie du dossier Dix ans pour changer la France
Propos recueillis par Alexandra Cauchard