Politiques vs capital investissement : 3-0 à la mi-temps
Victime expiatoire de la crise financière, la profession du capital investissement fait l’objet d’une salve de mesures politiques, tant au niveau national qu’européen. Toutes les propositions restent ouvertes aux discussions, mais l’industrie du capital investissement a de quoi s’inquiéter.
La crise a laissé des traces et l’heure est à la mise en place de nouveaux garde-fous pour éviter une nouvelle chute du système financier mondial. Le capital investissement n’échappe pas au désir des politiques de le réguler davantage.
Dans la mouvance du G20, le Parlement européen s’est ainsi décidé à encadrer l’ensemble des fonds alternatifs, en y incluant le capital investissement. En France, le sénateur Arthuis s’est saisi du dossier, intervenant tour à tour sur les questions des rémunérations puis du transfert de l’ISF vers les PME. Il faut désormais savoir où se trouve la limite entre propositions éclairées et naiming législatif.
Directive européenne sur les fonds alternatifs
Pour l’industrie du capital investissement, le Parlement européen – et notamment les travaux réalisés par le député Poul Nyrup Rasmussen – est depuis quelques temps source d’inquiétude. Le projet de directive européenne sur les fonds alternatifs ne déroge pas à cette règle.
Une fois connue la version préliminaire de cette directive, les associations européennes du capital investissement se sont réunies pour tenter de peser sur ce projet. Leur consensus particulièrement inédit, souligne à quel point cette directive est rapidement apparue comme un réel danger pour la compétitivité du métier en Europe.
Quand les professionnels du capital investissement se battent depuis plusieurs années pour qu’il n’y ait pas de confusion entre private equity et hedge funds, le projet met pourtant l’ensemble des fonds alternatifs sur un pied d’égalité.
Par ailleurs, au contraire des fonds d’arbitrage, les investisseurs en capital n’ont de cesse de réfuter l’idée qu’ils puissent représenter un risque systémique pour l’économie. Surtout quand ils prétendent, au contraire, aider à surmonter la crise actuelle du financement et contribuer au rétablissement des
économies européennes.
Dans le cadre des discussions avec les parlementaires européens, plusieurs pistes de réflexion émergent. Une unification des standards professionnels dans toute l’Europe, tout en permettant une mise en œuvre nationale subordonnée aux cadres juridiques distincts des différents pays, est ainsi évoquée.
Malgré toute l’attention portée au dossier, le degré de nervosité varie fortement d’une association à l’autre. Si Simon Walker, le patron de la BVCA, s’emporte facilement quand l’occasion lui est donnée de s’exprimer sur le texte, l’Afic est sans aucun doute
moins fébrile.
Parmi les plus réglementés d’Europe, le marché du capital investissement hexagonal est en effet moins concerné par la directive. De nombreuses contraintes contenues dans le projet sont ainsi déjà respectées par les équipes françaises dans le cadre des réglementations imposées par l’Autorité des marchés financiers (AMF).
Jean-Pierre Jouyet, s’est d’ailleurs exprimé publiquement, et à plusieurs reprises, pour déplorer que les industries du capital investissement et des fonds d’arbitrage soient traitées de la même façon par ce texte. Tout en reconnaissant la nécessité d’un cadre commun européen, l’Afic a souhaité que le niveau de régulation soit « adapté et proportionné aux spécificités de la profession ».
L’union des associations, et leur lobbying tout à la fois européen et national, ont permis de remporter une première victoire : le texte soumis à la Commission européenne ne tient pas compte du levier de financement des entreprises du portefeuille. Pour la plupart des investisseurs en capital, pas de crainte à avoir ; à moins de disposer de plus de 500 millions d’euros sous gestion.
Le niveau de régulation des fonds français adoucit également les nouvelles mesures (si le texte prospère). L’obligation de divulguer des informations stratégiques en cas de prise de participation supérieure à 30 % reste finalement le principal sujet de préoccupation en France.
Entamés sous la présidence tchèque, les travaux préparatoires de la directive sur les fonds alternatifs devraient désormais s’accélérer avec la nouvelle présidence suédoise. Elle a annoncé vouloir en faire l’une de ses priorités ! La rentrée sera certainement source de
nombreuses discussions.
Jean Arthuis veut ostraciser le capital investissement
Alors que la crise économique semble marquer son point d’inflexion, les députés auront à étudier la proposition de loi déposée par le sénateur Jean Arthuis au sujet des FCPI. Le président de la commission des finances du Sénat persiste et signe dans le cadre de sa relation particulière avec le capital investissement.
Déjà, en décembre dernier, Jean Arthuis s’est illustré en souhaitant encadrer le régime fiscal des gérants de fonds. L’instruction fiscale du 28 mars 2002 est particulièrement visée car elle seule réglementait jusqu’alors la fiscalité applicable aux plus-values réalisées par les investisseurs, notamment dans le cadre du carried interest (18 % + 12,1 % de prélèvements sociaux).
L’amendement à la loi de finances pour 2009 proposé par Jean Arthuis prévoit de maintenir ce statut fiscal mais impose en contrepartie une série de conditions dont l’obligation pour les équipes de gestion d’investir au minimum 1 % du montant total du véhicule. Par ailleurs, les sommes ou valeurs ne peuvent être versées qu’après un délai minimum de cinq ans à compter de la constitution du véhicule, et ce après le remboursement des autres investisseurs.
Pour avoir accès au carried interest, les équipes participent déjà au véhicule d’investissement. L’amendement n’est donc pas une révolution. Cependant, c’est le niveau d’investissement qui pose davantage de problèmes aux professionnels du private equity.
Si chacun est égal devant la loi, cette nouvelle règle va être très diversement vécue en fonction du type d’investisseur. Les professionnels du capital transmission seront moins pénalisés que leurs confrères du capital développement et du capital risque. La pratique entérine d’ores et déjà un investissement proche du niveau demandé pour les premiers (entre 0,5 et 1 % en moyenne), mais les autres équipes de gestion en sont encore très loin (généralement moins de 0,5 %).
Dernier espoir de la profession : le décret d’application. N’ayant pas encore été publié, l’ensemble des dispositions sont entrées en vigueur dès le 30 juin 2009. À l’issue de la consultation des différents intervenants professionnels, notamment de l’Afic, un projet de décret sur les catégories et taux d’investissement dérogatoires est à l’étude et a été soumis à l’avis du collège de l’AMF.
Reste à voir quel sera le résultat final. Il s’agit en tout cas de la première étape de la phase retour de l’affrontement entre investisseurs et pouvoirs publics.
Arthuis II
Dans le cadre des discussions sur l’ISF, Philippe Adnot rappelait que « le mieux est parfois l’ennemi du bien ». Fin connaisseur du capital investissement français et fervent défenseur des fonds d’investissement de proximité, ce sénateur s’est distingué en s’opposant âprement au texte soumis par le président de la commission des finances du Sénat.
Soutenu par le gouvernement et adopté fin juin par le Sénat, le texte « Arthuis II » vise à accélérer le rythme d’investissement dans les PME pour répondre à leurs difficultés financières actuelles. En 2008, 570 millions d’euros avaient été levés par les investisseurs en capital dans le cadre du dispositif « ISF ».
Pour l’Afic et l’Afg, si l’objectif de cette mesure est parfaitement « louable », ses conséquences seraient particulièrement « néfastes pour les PME et les épargnants ». Le nouveau dispositif prévoit le raccourcissement des délais d’investissement (de 30 mois auparavant à 12 mois). L’accélération du système pose concrètement la question de la rigueur de l’étude et de la sélection des dossiers. Pour respecter le nouveau délai, les équipes pourraient être amenées à réduire leurs exigences au détriment de la qualité des dossiers et par conséquent du rendement final des véhicules. C’est donc l’intérêt du capital investissement comme destination de l’épargne française qui est remis en cause.
Conscientes que les FIP et les FCPI sont des « outils anticrise », l’Afic et l’Afg ont communiqué une série de propositions pour tenter d’améliorer le texte lors de son passage au Parlement. Les associations souhaitent rendre le dispositif efficace, c’est-à-dire investissant tout à la fois dans l’intérêt des épargnants et des PME. Elles doivent pouvoir bénéficier d’investissements dans la durée.
Compte tenu du contexte de crise, la contrainte d’investissement des fonds en titres de sociétés éligibles serait complétée, à titre exceptionnel et transitoire, de quotas intercalaires pour les nouveaux fonds créés à compter de la date de publication de la loi jusqu’au 31 décembre 2010. Le quota pourrait être de 30 % après six mois et 60 % à la clôture du premier exercice.
Les fonds ISF devraient également détenir des titres de quasi-fonds propres. L’assouplissement des conditions d’investissement permettrait ainsi aux investisseurs de s’adapter aux particularités des petites entreprises. Vulnérables aujourd’hui, elles sont cependant moins propices à l’ouverture de leur capital. Les quasi-fonds propres sont ainsi une solution simple à leur financement.
Enfin, l’Afic et l’Afg proposent d’aligner le taux et le plafond de réduction pour les fonds ISF sur ceux applicables aux holdings. Étrangement, si les principales critiques parlementaires ont été dirigées contre des pratiques mises en place par des holdings ISF, cette catégorie d’investisseurs – peu réglementée – n’est pas concernée par le texte « Arthuis II ».
Si la première mi-temps est défavorable aux investisseurs en capital, la seconde pourrait leur donner l’occasion de renforcer les liens avec un monde parlementaire les connaissant encore mal.
Directive européenne, décret d’application sur le carried interest, dispositif ISF. Les thèmes de conversations, et de préoccupations, seront nombreux.