Premier vice-président de la Commission européenne, Frans Timmermans est également commissaire européen chargé de l’Amélioration de la législation, des Relations interinstitutionnelles, de l’État de droit et de la Charte des droits fondamentaux. Quelques jours après la réalisation de cette interview, il dévoilait son programme de travail en faveur d’une meilleure régulation.
Décideurs. Une directive abus de marché vient d’être adoptée et un projet de règlement relatif à la protection des données personnelles est en cours de discussion. Quels seront les prochains sujets importants sur lesquels se pencheront la Commission et le Parlement ?
Frans Timmermans.
Nous travaillons sur la base des dix priorités politiques présentées au Parlement européen par le président Juncker. Nous avons adopté un programme de travail de la Commission européenne pour 2015, qui met en œuvre ces priorités, avec vingt-trois nouvelles initiatives prévues. Nous avons déjà mis sur la table le plan d’investissement de 315?milliards d’euros. Nous nous sommes notamment dotés de stratégies solides pour construire une véritable union de l’énergie, pour réaliser le marché unique numérique. Nous travaillons aussi à l’union des marchés de capitaux. Cette nouvelle Commission a fait le choix résolu de se concentrer sur les grands sujets sur lesquels l’action au niveau européen peut avoir une véritable valeur ajoutée.

Décideurs. Existe-t-il de nombreuses résistances de la part des États membres dans l’extension des domaines d’intervention de la Commission ?
F.?T.
Les compétences et le rôle de chaque institution sont déterminés par les traités et il n’y a pas de mouvement général visant à étendre les compétences ou les domaines d’intervention de la Commission. Notre volonté est d’agir au niveau européen lorsque cela est nécessaire, lorsque l’Europe est le bon échelon d’intervention, conformément aux principes de subsidiarité et de proportionnalité. Je crois que notre nouvelle approche de se concentrer davantage sur des priorités bien identifiées, en laissant le reste aux États membres, a été bien accueillie.
Nous voulons aussi être à l’écoute des préoccupations des citoyens et des entreprises - en particulier des PME - qui s’inquiètent parfois de ce que Bruxelles et ses institutions établissent des règles qu’ils ne sont pas toujours en mesure de comprendre ou d’appliquer. C’est pourquoi, sur ma proposition, la nouvelle Commission vient d’adopter des mesures fortes pour l’amélioration de la réglementation. Nous avons la responsabilité de proposer des règles de bonne qualité, qui permettent d’atteindre les objectifs visés de la manière la plus efficace et efficiente possible. Cela ne fonctionnera que si cette préoccupation est partagée par le Conseil et le Parlement. C’est pourquoi nous proposons un nouvel accord inter-institutionnel sur le «?mieux légiférer?».

Décideurs. La Commission constate-t-elle une amélioration dans l’application des différentes réglementations par les États membres ?
F.?T.
En général, oui. Cependant, la Commission européenne remplit de façon particulièrement vigilante sa mission de gardienne des traités. Elle veille au bon respect du droit de l’Union par les États membres. Ce rôle est essentiel dans un marché unique formé par vingt-huit États. Nous essayons toujours d’abord de régler les difficultés par le dialogue, mais nous n’hésitons pas à mettre en œuvre les procédures d’infraction lorsque c’est nécessaire, en allant devant la Cour de justice en cas de non-respect du droit. Il existe par ailleurs un problème non pas de mauvaise application mais de «?sur-transposition?». Beaucoup d’entreprises s’en plaignent. Ce que nous demandons aux États membres, c’est qu’ils communiquent et fassent clairement la distinction entre les règles d’origine européenne et celles qu’ils ajoutent pour d’autres raisons.

Décideurs. Quels sont les points à améliorer dans l’application de ces réglementations ?
F.?T.
Les cas sont divers et concernent des politiques et des secteurs très différents. Beaucoup d’infractions ces dernières années concernaient des questions de réglementation environnementale, de marché intérieur et des services, de fiscalité et de douanes. L’une des questions qui se pose fréquemment est l’absence de transposition ou la transposition tardive des directives. Cela induit des difficultés liées à la conformité de la législation nationale avec le droit de l’Union et à une mauvaise mise en œuvre par les autorités nationales.

Décideurs. Quelles sont les autorités nationales qui sont, selon la Commission, les plus à même de faire respecter ces réglementations ?
F.?T.
Cela dépend des domaines concernés et des spécificités de chaque État membre. Ce qui est important, c’est que, quel que soit le modèle d’organisation administrative et juridique, le droit de l’Union soit effectivement mis en œuvre.

Décideurs. L’UE encourage-t-elle les États membres à créer des autorités sectorielles ou à recourir à la réponse judiciaire ?
F.?T.
Dans certains secteurs, la législation de l’Union demande aux États membres d’établir des autorités pour la mettre en œuvre. Certaines législations de l’Union encouragent le recours aux modes alternatifs de règlement des différends, comme dans le domaine des droits des consommateurs ou du commerce électronique. Mais il n’y a pas de réponse générale à votre question. Le rôle des autorités de régulation et des juridictions est d’ailleurs souvent complémentaire.

Propos recueillis par Pascale D'Amore et Marianne Briand

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