Trois questions à Gérard Dalongeville, ex-maire d’Hénin-Beaumont, qui raconte la corruption du parti socialiste du Nord-Pas-de-Calais dans un ouvrage intitulé Rose mafia (Jacob Duvernet, 300 pages, 19,95 €) *.
Trois questions à Gérard Dalongeville, auteur de Rose Mafia
Ancien maire socialiste d’Hénin-Beaumont dans le Nord-Pas-de-Calais, Gérard Dalongeville a, en 2009, été poursuivi pour détournement de fonds publics. Il a été placé en détention provisoire durant huit mois. À sa sortie, il décide de tout déballer : des commissions versées au parti socialiste par des entreprises locales en échange de marchés publics, aux comptes au Luxembourg, en passant par l’enrichissement personnel de plusieurs responsables politiques. Bref, l’art du clientélisme.
Comment tout cela a-t-il commencé ?
Gérard Dalongeville. Lorsque je suis arrivé à 22 ans comme collaborateur dans la région, on m’explique qu’il n’y a pas de poste pour moi et que je serai rémunéré sur la société d’économie mixte. C’est le premier emploi fictif à temps complet, puis à temps partiel ! Je me suis aperçu après pareille entrée en matière que je n’étais pas le seul. J’explique dans mon livre les versements en espèces et les différents mécanismes. Comme élu et comme maire, je n’ai donc rien découvert de la situation.
On ne peut pas sortir de ce circuit, sinon on se suicide. Je n’ai pas eu le courage de sortir de ce système et de mettre le doigt dans l’engrenage. Sans l’investigation rien n’aurait changé : la chambre régionale des comptes et les enquêteurs de police ont fait leur boulot. J’ai couvert et pris ma part de tout cela, car j’ai accepté de servir mon parti. Aujourd’hui, je supporte le tout et ai quand même l’impression de payer pour les autres. C’est pourquoi j’ai décidé de dire les choses pour retrouver une vie normale d’enseignant, loin du parti. Si je n’étais pas allé en prison, je n’aurais pas écris ce livre et on ne sortirait pas de ce système.
Pourquoi mettre en cause la fédération PS du Nord-Pas-de-Calais en révélant les commissions des entreprises privées en échange de marchés publics, le clientélisme et l’enrichissement par ces malversations ?
Gérard Dalongeville. J’explique dans mon livre comment on peut transformer des espèces venues d’entreprises du BTP de la région en dons de militants. Je raconte l’envers du décor : comment ces dons sont préparés et comment on peut blanchir des espèces venues d’entreprises en dons de militants. Ces dons permettent d’avoir un canal légal et officiel pour que l’argent rentre dans la trésorerie de la section et pour qu’il ressorte de la manière la plus normale qui soit : un chèque à l’association départementale de financement du parti socialiste.
Beaucoup d’entreprises du BTP de la région Nord-Pas-de-Calais se retrouvent en ce moment dans des affaires de mœurs ou de financement. Ce n’est bien sûr pas le lot de tout le BTP, de toutes les entreprises de la région ou de toute la franc-maçonnerie. En citant les noms des entreprises et des élus, je sais que je ne vais pas faire plaisir à tout le monde, mais je dénonce un système qui touche plus que la seule commune d’Hénin-Beaumont, la région et le bassin minier.
Qu’on comprenne bien, ce n’est ni un livre anti-PS, ni un livre anti-Hollande, c’est un livre anti-système. Et je ne suis ni dans une situation de règlement de compte, ni de vengeance, je suis là pour dire la vérité sur un système.
La publication de votre livre intervient alors que la campagne bat son plein et que François Hollande, candidat socialiste, lance son livre, Changer de destin. Est-ce voulu ?
Gérard Dalongeville. Depuis janvier 2010, j’essaie de me faire le plus discret possible et tente progressivement de retrouver une vie normale, mais c'est difficile car j’ai préféré révéler entièrement ce qui n’était qu’à moitié dit. Pour le reste c’est une coïncidence de calendrier.
Ne rien dire, c’est rester dans le système et l’entretenir. On me dit que je fais le jeu du Front national, mais je raconte comment le PS a fait le jeu de la montée du Front national dans la région avec le jeune Steeve Briois [aujourd’hui secrétaire général du Front national, conseiller municipal d'Hénin-Beaumont et conseiller régional du Nord-Pas-de-Calais, ndlr]. J’aimerais d’ailleurs faire un second ouvrage, révélant la vraie facette du FN, à l’occasion des élections législatives. Martine Aubry, première secrétaire du Parti socialiste et maire de Lille, ne me reconnaît pas de crédibilité. Elle dit ne pas m’entendre. Pourtant, si je ne suis pas crédible, alors Arnaud Montebourg n'est pas non plus crédible. C’est à Solférino de faire changer les choses. François Hollande veut être le candidat du changement, mais ce qu'on peut lui reprocher, c'est d'avoir pratiqué jusque-là la politique de l’autruche. On ne peut être dix ans à la tête du parti et ignorer ce qui se fait dans le Nord-Pas-de-Calais. On peut lui reprocher de ne pas avoir tranché la question ni pris les décisions. Je lui lance désormais un appel et espère vraiment qu'il saura rénover le parti et que ce sera l’occasion de nettoyer le parti socialiste en profondeur.
* Rose mafia, de Gérard Dalongeville (Jacob Duvernet, 210 pages, 19,95 €).
Comment tout cela a-t-il commencé ?
Gérard Dalongeville. Lorsque je suis arrivé à 22 ans comme collaborateur dans la région, on m’explique qu’il n’y a pas de poste pour moi et que je serai rémunéré sur la société d’économie mixte. C’est le premier emploi fictif à temps complet, puis à temps partiel ! Je me suis aperçu après pareille entrée en matière que je n’étais pas le seul. J’explique dans mon livre les versements en espèces et les différents mécanismes. Comme élu et comme maire, je n’ai donc rien découvert de la situation.
On ne peut pas sortir de ce circuit, sinon on se suicide. Je n’ai pas eu le courage de sortir de ce système et de mettre le doigt dans l’engrenage. Sans l’investigation rien n’aurait changé : la chambre régionale des comptes et les enquêteurs de police ont fait leur boulot. J’ai couvert et pris ma part de tout cela, car j’ai accepté de servir mon parti. Aujourd’hui, je supporte le tout et ai quand même l’impression de payer pour les autres. C’est pourquoi j’ai décidé de dire les choses pour retrouver une vie normale d’enseignant, loin du parti. Si je n’étais pas allé en prison, je n’aurais pas écris ce livre et on ne sortirait pas de ce système.
Pourquoi mettre en cause la fédération PS du Nord-Pas-de-Calais en révélant les commissions des entreprises privées en échange de marchés publics, le clientélisme et l’enrichissement par ces malversations ?
Gérard Dalongeville. J’explique dans mon livre comment on peut transformer des espèces venues d’entreprises du BTP de la région en dons de militants. Je raconte l’envers du décor : comment ces dons sont préparés et comment on peut blanchir des espèces venues d’entreprises en dons de militants. Ces dons permettent d’avoir un canal légal et officiel pour que l’argent rentre dans la trésorerie de la section et pour qu’il ressorte de la manière la plus normale qui soit : un chèque à l’association départementale de financement du parti socialiste.
Beaucoup d’entreprises du BTP de la région Nord-Pas-de-Calais se retrouvent en ce moment dans des affaires de mœurs ou de financement. Ce n’est bien sûr pas le lot de tout le BTP, de toutes les entreprises de la région ou de toute la franc-maçonnerie. En citant les noms des entreprises et des élus, je sais que je ne vais pas faire plaisir à tout le monde, mais je dénonce un système qui touche plus que la seule commune d’Hénin-Beaumont, la région et le bassin minier.
Qu’on comprenne bien, ce n’est ni un livre anti-PS, ni un livre anti-Hollande, c’est un livre anti-système. Et je ne suis ni dans une situation de règlement de compte, ni de vengeance, je suis là pour dire la vérité sur un système.
La publication de votre livre intervient alors que la campagne bat son plein et que François Hollande, candidat socialiste, lance son livre, Changer de destin. Est-ce voulu ?
Gérard Dalongeville. Depuis janvier 2010, j’essaie de me faire le plus discret possible et tente progressivement de retrouver une vie normale, mais c'est difficile car j’ai préféré révéler entièrement ce qui n’était qu’à moitié dit. Pour le reste c’est une coïncidence de calendrier.
Ne rien dire, c’est rester dans le système et l’entretenir. On me dit que je fais le jeu du Front national, mais je raconte comment le PS a fait le jeu de la montée du Front national dans la région avec le jeune Steeve Briois [aujourd’hui secrétaire général du Front national, conseiller municipal d'Hénin-Beaumont et conseiller régional du Nord-Pas-de-Calais, ndlr]. J’aimerais d’ailleurs faire un second ouvrage, révélant la vraie facette du FN, à l’occasion des élections législatives. Martine Aubry, première secrétaire du Parti socialiste et maire de Lille, ne me reconnaît pas de crédibilité. Elle dit ne pas m’entendre. Pourtant, si je ne suis pas crédible, alors Arnaud Montebourg n'est pas non plus crédible. C’est à Solférino de faire changer les choses. François Hollande veut être le candidat du changement, mais ce qu'on peut lui reprocher, c'est d'avoir pratiqué jusque-là la politique de l’autruche. On ne peut être dix ans à la tête du parti et ignorer ce qui se fait dans le Nord-Pas-de-Calais. On peut lui reprocher de ne pas avoir tranché la question ni pris les décisions. Je lui lance désormais un appel et espère vraiment qu'il saura rénover le parti et que ce sera l’occasion de nettoyer le parti socialiste en profondeur.
* Rose mafia, de Gérard Dalongeville (Jacob Duvernet, 210 pages, 19,95 €).