«?No drama Obama???»
Un an après l’investiture de Barack Obama, le parti démocrate perd aux élections sénatoriales partielles du Massachusetts. Victime d’une popularité en baisse dans les sondages, le président devra, en 2010, lever le pied sur l’international et se consacrer à la reprise économique aux États-Unis.
« Le peuple du Massachusetts a parlé. » Déclaration du président Barack Obama au lendemain de la défaite du parti démocrate aux élections sénatoriales partielles du Masachusetts. Mais dans la presse américaine, le vote de cet État traditionnellement démocrate sonne comme une protestation nationale. « Un an après, les électeurs ont adressé un autre message », titre le New York Times.
À cette date anniversaire de l’investiture de Barack Obama, les électeurs du Massachusetts choisissent donc Scott Brown comme sénateur. Ce Républicain de 50 ans remplace Edward Kennedy décédé en août dernier. Pour le Washington Post le symbole est fort : Kennedy était le mentor politique de Barak Obama et un éminent représentant de sa famille.
Celui que ses fervents partisans appelaient « No drama Obama » pendant la course aux présidentielles, pourrait voir sa réputation d’homme serein entamée en 2010. Le président de la première puissance mondiale devra avoir les épaules larges pour mener à bien ses projets, face à une droite conservatrice hostile qui vient de se renforcer au Sénat.
La récession, plus violente aux États-Unis en 2009 que ce que les analystes avaient prévu, s’étalera sur le premier semestre 2010. Les décisions économiques de Barack Obama seront déterminantes pour les élections de mi-mandat en novembre 2010. Pour le Boston Globe, c'est en effet le ressentiment et les craintes des électeurs du Massachusetts, face aux incertitudes économiques, qui transparaît dans leur vote.
La fin de l’idolâtrie.
La loi d’airain n’a pas épargné l’homme le plus célèbre au monde : l’effet de nouveauté passé, Obama déçoit. Le magazine The Economist, qui représentait déjà le président des États-Unis en Hamlet indécis en novembre 2009, le caricature le mois dernier rechignant à prendre les gants de boxe qu’on lui tend.
Un voile d’inquiétude flotte au-dessus de la Maison Blanche. Les plus fidèles alliés du président l’enjoignent depuis des mois d’accélérer l’application des réformes, qualifiées par certains observateurs de « promesses sans lendemain » - le report de la fermeture de Guantánamo conforte ces propos.
Or le président a tardé et le Parti démocrate vient de perdre la majorité qualifiée au Sénat. L’élection du Républicain Scott Brown dans le Massachussets, a renforcé l’opposition.
Cette nouvelle situation menace le vote du projet de loi sur la santé. L’élection locale se serait donc muée en référendum : peut-être une sanction directe contre cette réforme.
L’impressionnant taux de satisfaction dont bénéficiait Obama début 2009 - 70 % - est tombé à 50 % fin 2009. Rien d’anormal pour ses défenseurs qui rappellent, à juste titre, que le même phénomène s’était produit sous Bill Clinton.
Mais l’étude de la CNN parue le 12 janvier 2010 fait quand même polémique. Le sondage révèle que 48 % des Américains considèrent déjà la première année du mandat présidentiel comme un échec, contre 47 % qui parlent de « succès relatif ». À période égale, douze mois après son investiture, Georges Bush récoltait l’excellent score de satisfaction de 80 %...
Décryptage de la défiance.
Les raisons invoquées par les tenants de la thèse de l’échec sont nombreuses. Le choix d’une réforme du système de santé en période de crise économique est jugé trop imprudent. Le soutien du gouvernement à l’emploi serait trop timide et le recul sur la question de la détention sans procès de terroristes présumés, inquiétant. La prudence sur le dossier du mariage gay est dénoncée par la gauche.
Les Républicains raillent les efforts rhétoriques du président. Le dirigeant de l’opposition à la Chambre des représentants, John Boehner, stigmatisait l’éloquence du président au lendemain de son discours sur l’état de l’Union le 28 janvier 2010 : « l’action est plus importante que les belles paroles ».
Sur le plan international, le dossier afghan est épineux. L’intelligentsia de gauche modérée est montée au créneau après l’envoie des 47 000 hommes supplémentaires. « La politique étrangère de Barack Obama est inutilement militariste. Elle n’est pas assez en rupture avec celle de l’administration Bush », nous confie Randall Kennedy, professeur de droit à Harvard.
D’autre part, l’échec du sommet sur le réchauffement climatique en décembre a exaspéré les esprits « green ». Obama tente de se rattraper en passant par le Congrès : une législation visant à enrayer le réchauffement climatique devrait bientôt être décidée.
Dans le camp du président, de manière générale, on déplore la recherche de consensus.
Les militants du groupe Three Parks Independant Democrats, confiaient lors de la réunion mensuelle des membres début janvier, qu’ils regrettaient l’attentisme généré par de vaines négociations avec les conservateurs. « Qui trop embrasse mal étreint » !
Obama, réunificateur.
Ce déferlement de reproches inspire la prudence. Les États-Unis sont un pays par nature très divisé. Il est un peu tôt pour dresser le bilan d’une politique mise en marche il y a à peine douze mois.
Au lendemain des sénatoriales, Barack Obama refuse d’ailleurs de voir un vote sanction au Massachusetts : « les gens sont en colère. Ils sont mécontents. Non pas tant pour ce qui a eu lieu au cours de l'année écoulée ou des deux années précédentes, qu'à cause de ce qui s'est passé au cours des huit dernières années ». Et de prendre la mesure de la déception : « mon regret est que nous avons été tellement occupés à gérer les crises urgentes que nous avons perdu le sens du contact direct avec les Américains et de leurs valeurs essentielles ». Cette attitude les aurait laissés avec « un sentiment de détachement et d'éloignement » de leur gouvernement.
Barack Obama sait mieux que quiconque, en ce début d’année, combien les défis sont nombreux. Le monde entier veut tourner la page de la crise économique. Conscient des divisions qu’il a suscitées, le président américain déclarait déjà début janvier que la deuxième année de son mandat serait consacrée au rassemblement des Américains autour de valeurs communes : « nous voulons tous un travail qui soit satisfaisant, pouvoir payer les factures, et donner à nos enfants un avenir meilleur ».
L’hostilité des conservateurs à l’égard de Barack Obama était attendue. L’impatience des électeurs d’Obama est à la mesure de leur emballement au moment de son arrivée au pouvoir. Le messie tarderait à guider ses fidèles… Eugène Robinson, éditorialiste au Washington Post, écrivait récemment : « il est le président, pas le héros d’un film d’action hollywoodien ».
Les politologues américains insistent sur le fait que Barack Obama met le doigt sur des questions sensibles, particulièrement sujettes aux oppositions. S’attaquer à des chantiers comme la santé ou l’énergie n’est jamais populaire. Si la réforme de ces secteurs coûte cher aux électeurs sur le court terme, l’Amérique en bénéficiera sur le long terme.
Barack Obama a également su être efficace dans le retrait des troupes américaines en Irak. Il a levé le tabou sur l’usage de la torture par les services secrets, s’est rendu en Égypte pour coopérer avec le monde musulman, a encouragé l'élection de la première femme d’origine hispanique à la Cour Suprême,...
Une reprise keynésienne
Le premier défi d’Obama en 2010 est de se pencher sérieusement sur la dette nationale. En 2015, la dette de l’État devrait atteindre les 12 000 milliards de dollars, soit plus de deux fois son montant lorsque le président prenait ses fonctions. Le Sénat américain a approuvé le 28 janvier le relèvement du plafond de la dette américaine de 12 374 à 14 294 milliards de dollars, soit une hausse d'environ 1 900 milliards.
Les dernières déclarations du président, notamment lors de son discours sur l'état de l'Union le 27 janvier 2010, indiquent que l’administration va mettre l’accent sur l’économie. « Davantage de responsabilité budgétaire pour réduire le déficit américain », promet Obama, ici parfaitement en phase avec les attentes des Américains.
La question du déficit public renvoie à celle du remboursement du TARP (plan public de sauvetage des banques). Quelles mesures fiscales permettront de récupérer les 700 milliards de dollars investis par l’État pour sauver les banques ?
Le projet de taxation des banques sera révélé fin février. Pour l’instant, la solution de taxe des transactions sur les titres a été mise de côté. Timothy Geithner, le secrétaire au Trésor, a expliqué que cette méthode reviendrait indirectement à taxer les clients. La Constitution américaine n’admet pas la discrimination fiscale, une forme de taxe directe sur les primes des financiers est donc exclue.
L’emploi est le deuxième dossier phare sur lequel le président est très attendu. Le taux de chômage a atteint son plus haut niveau depuis 26 ans et a dépassé les 10 % en septembre 2009. Depuis, il stagne autour de ce chiffre. Barack Obama annonçait début 2009 un taux à 8 % pour 2010.
Le fameux Stimulus package de 787 milliards de dollars, dégagé en février 2009, aurait permis de sauver 3 millions d’emplois. Un chiffre inférieur aux attentes de l’opinion publique. Au total, en 2008, l'économie américaine a détruit 2,6 millions d'emplois. 15 millions de chômeurs sont officiellement recensés aujourd’hui. Un deuxième Stimulus package est à l’étude.
Les trois clés de la reprise américaine sont l’emploi, le crédit et la consommation. « La consommation a retrouvé une tendance haussière depuis l’été dernier, en partie sous l’impulsion des incitations gouvernementales (allègements fiscaux, prime à la casse) », expliquait récemment l’économiste Jean-Marc Lucas. Les économistes s’entendent sur la prévision d’une reprise de la croissance autour de 2,5 % en milieu d’année.
La politique de relance de Barack Obama s’annonce très keynésienne. Le président déclarait en décembre dans son discours sur l’emploi à la Brookings Institution : « certains soutiennent que nous devons choisir entre réduire nos déficits et investir dans la création d’emplois et la croissance. C’est une alternative faussée. La croissance et la création d’emplois sont les meilleurs moyens d’assurer la réduction de déficits ».