Par Éliane Chateauvieux, avocat associé. Actance
Réflexions sur l’appréciation de la représentativité des syndicats catégoriels
Un syndicat catégoriel se comporte comme un syndicat intercatégoriel s’il décide en conformité avec ses statuts de présenter des candidats dans tous les collèges lors des élections professionnelles. Ceci pose la question de l’appréciation de la représentativité des syndicats affiliés à la CFE-CGC et, plus largement, des conséquences attachées à leur signature d’accords collectifs intercatégoriels.
Un syndicat affilié à la CFE-CGC se trouve exposé au choix stratégique d’élargir son audience au sein d’une entreprise en prévoyant dans ses statuts qu’il puisse présenter des candidats dans tous les collèges électoraux. Se pose alors la question de l’appréciation de sa représentativité, élément majeur pour la désignation de délégués syndicaux et la négociation d’accords collectifs.
La catégorie professionnelle des cadres : contours estompés
La CGC réunit à son origine en 1944 un syndicalisme de cadres. Ceux-ci occupaient dans l’entreprise un rôle nettement distinct des autres catégories de personnels, justifiant la création d’un régime de retraite complémentaire spécifique, l’Agirc (1947) et la création de la section encadrement au conseil de prud’hommes (1979). Désireuse d’élargir son audience électorale, la CGC s’adresse depuis 1981 à l’ensemble des personnels d’encadrement dont les techniciens et agents de maîtrise et adopte le sigle CFE-CGC. Fin 1998, la CFE-CGC révise ses statuts et décide : «?la Confédération a vocation à rassembler tous ces professionnels de l’entreprise, privée, publique et des administrations, exerçant ou non des responsabilités d’encadrement de même que ceux qui aspirent à en faire partie : en cours de formation, en attente d’un premier emploi ou d’une promotion.?» Elle s’adresse dorénavant aux techniciens, agents de maîtrise, forces de vente, cadres, ingénieurs, et à ceux qui ont vocation à le devenir, c’est-à-dire les salariés dont les fonctions comportent responsabilité, initiative et/ou commandement voire délégation. Un syndicat affilié à la CFE-CGC peut ainsi décider par ses statuts de représenter toutes les catégories de personnel, et présenter des candidats dans tous les collèges électoraux y compris le premier collège qui regroupe les employés.
Le calcul de représentativité pour les syndicats catégoriels
Depuis l’entrée en vigueur de la loi n°?2008-789 du 20/08/2008, la question de la représentativité ne se pose plus pour la présentation de candidats aux élections professionnelles. En effet, peuvent présenter des candidats non seulement les syndicats représentatifs ou affiliés à une organisation syndicale représentative mais aussi les syndicats qui satisfont aux critères de respect des valeurs républicaines et d’indépendance, sont légalement constitués depuis deux ans au moins et dont le champ professionnel et géographique couvre l’entreprise ou l’établissement au sein duquel se déroulent les élections.
Mais de la représentativité du syndicat dépend son droit de désigner un délégué syndical et de participer à la négociation collective. La représentativité repose sur l’audience électorale et les résultats du syndicat au premier tour des élections professionnelles, le seuil de 10?% des suffrages recueillis étant déterminant. À l’égard des syndicats catégoriels, l’article L.2122-2 du code du travail énonce que «?Dans l’entreprise ou l’établissement, sont représentatives à l’égard des personnels relevant des collèges électoraux dans lesquels leurs règles statutaires leur donnent vocation à présenter des candidats les organisations syndicales catégorielles affiliées à une confédération syndicale catégorielle interprofessionnelle nationale qui satisfont aux critères de l’article L.2121-1 et qui ont recueilli au moins 10?% des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel dans ces collèges, quel que soit le nombre de votants.?» Cette disposition institue une différence d’appréciation de la représentativité entre des syndicats intercatégoriels (tels que ceux affiliés à la CFDT, la CGT ou FO par exemple) et les syndicats catégoriels. Cette différenciation a été reconnue conforme par le Conseil constitutionnel au motif que le législateur a institué une différence de traitement en lien direct avec l’objet de la loi et ne méconnaît pas le principe d’égalité (question prioritaire de constitutionnalité 7?octobre 2010). On peut en réalité se poser la question de savoir si la définition du périmètre d’appréciation de la représentativité des syndicats catégoriels constitue vraiment un avantage. Tout va dépendre dans les faits de leurs dispositions statutaires.
La vigilance sur les statuts du syndicat catégoriel
Dans un arrêt du 28/09/2011, la Cour de cassation énonce, après le rappel de l’article L.2122-2, que «?lorsqu’un syndicat affilié à une confédération catégorielle interprofessionnelle nationale présente, en conformité avec son champ statutaire, des candidats dans plusieurs collèges, sa représentativité est établie en fonction des suffrages recueillis dans l’ensemble de ces collèges?». En l’espèce, un syndicat affilié CFE-CGC avait mis à jour ses statuts peu de temps avant l’organisation des élections et présenté au premier tour des candidats dans le premier collège. La question s’est posée de savoir si la solution devait être la même lorsque la présentation des candidats dans le premier collège intervient seulement au second tour des élections. La Cour de cassation, dans un arrêt du 31/01/2012, considère que l’audience électorale est un élément déterminant de la représentativité et qu’elle doit être appréciée tous collèges confondus dès lors que, ?en conformité avec ses statuts, un syndicat présente des candidats dans tous les collèges y compris le collège employés-ouvriers, peu important que cette présentation de candidats n’intervienne qu’au second tour. On peut considérer au travers de ces décisions qu’un syndicat affilié à la CFE-CGC qui est, à l’origine, une organisation syndicale catégorielle, se comporte comme un syndicat intercatégoriel si ses statuts lui ouvrent la faculté de présenter des candidats dans tous les collèges et qu’il use de cette faculté dans le collège des ouvriers-employés au premier ou au second tour des élections professionnelles. Il est tentant de pousser le raisonnement en estimant, au regard du principe d’égalité de traitement, que la même solution doit être retenue dès lors que les statuts du syndicat catégoriel l’autorisent à désigner des candidats dans le premier collège, même si celui-ci décide de ne pas utiliser cette faculté. En effet, un syndicat intercatégoriel qui choisit de présenter des candidats dans deux collèges sur trois par exemple voit évaluer sa représentativité en fonction de son audience électorale dans l’ensemble des trois collèges. La Cour de cassation ne manquera pas de se prononcer sur cette question.
Un syndicat affilié à la CFE-CGC se trouve exposé au choix stratégique d’élargir son audience au sein d’une entreprise en prévoyant dans ses statuts qu’il puisse présenter des candidats dans tous les collèges électoraux. Se pose alors la question de l’appréciation de sa représentativité, élément majeur pour la désignation de délégués syndicaux et la négociation d’accords collectifs.
La catégorie professionnelle des cadres : contours estompés
La CGC réunit à son origine en 1944 un syndicalisme de cadres. Ceux-ci occupaient dans l’entreprise un rôle nettement distinct des autres catégories de personnels, justifiant la création d’un régime de retraite complémentaire spécifique, l’Agirc (1947) et la création de la section encadrement au conseil de prud’hommes (1979). Désireuse d’élargir son audience électorale, la CGC s’adresse depuis 1981 à l’ensemble des personnels d’encadrement dont les techniciens et agents de maîtrise et adopte le sigle CFE-CGC. Fin 1998, la CFE-CGC révise ses statuts et décide : «?la Confédération a vocation à rassembler tous ces professionnels de l’entreprise, privée, publique et des administrations, exerçant ou non des responsabilités d’encadrement de même que ceux qui aspirent à en faire partie : en cours de formation, en attente d’un premier emploi ou d’une promotion.?» Elle s’adresse dorénavant aux techniciens, agents de maîtrise, forces de vente, cadres, ingénieurs, et à ceux qui ont vocation à le devenir, c’est-à-dire les salariés dont les fonctions comportent responsabilité, initiative et/ou commandement voire délégation. Un syndicat affilié à la CFE-CGC peut ainsi décider par ses statuts de représenter toutes les catégories de personnel, et présenter des candidats dans tous les collèges électoraux y compris le premier collège qui regroupe les employés.
Le calcul de représentativité pour les syndicats catégoriels
Depuis l’entrée en vigueur de la loi n°?2008-789 du 20/08/2008, la question de la représentativité ne se pose plus pour la présentation de candidats aux élections professionnelles. En effet, peuvent présenter des candidats non seulement les syndicats représentatifs ou affiliés à une organisation syndicale représentative mais aussi les syndicats qui satisfont aux critères de respect des valeurs républicaines et d’indépendance, sont légalement constitués depuis deux ans au moins et dont le champ professionnel et géographique couvre l’entreprise ou l’établissement au sein duquel se déroulent les élections.
Mais de la représentativité du syndicat dépend son droit de désigner un délégué syndical et de participer à la négociation collective. La représentativité repose sur l’audience électorale et les résultats du syndicat au premier tour des élections professionnelles, le seuil de 10?% des suffrages recueillis étant déterminant. À l’égard des syndicats catégoriels, l’article L.2122-2 du code du travail énonce que «?Dans l’entreprise ou l’établissement, sont représentatives à l’égard des personnels relevant des collèges électoraux dans lesquels leurs règles statutaires leur donnent vocation à présenter des candidats les organisations syndicales catégorielles affiliées à une confédération syndicale catégorielle interprofessionnelle nationale qui satisfont aux critères de l’article L.2121-1 et qui ont recueilli au moins 10?% des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel dans ces collèges, quel que soit le nombre de votants.?» Cette disposition institue une différence d’appréciation de la représentativité entre des syndicats intercatégoriels (tels que ceux affiliés à la CFDT, la CGT ou FO par exemple) et les syndicats catégoriels. Cette différenciation a été reconnue conforme par le Conseil constitutionnel au motif que le législateur a institué une différence de traitement en lien direct avec l’objet de la loi et ne méconnaît pas le principe d’égalité (question prioritaire de constitutionnalité 7?octobre 2010). On peut en réalité se poser la question de savoir si la définition du périmètre d’appréciation de la représentativité des syndicats catégoriels constitue vraiment un avantage. Tout va dépendre dans les faits de leurs dispositions statutaires.
La vigilance sur les statuts du syndicat catégoriel
Dans un arrêt du 28/09/2011, la Cour de cassation énonce, après le rappel de l’article L.2122-2, que «?lorsqu’un syndicat affilié à une confédération catégorielle interprofessionnelle nationale présente, en conformité avec son champ statutaire, des candidats dans plusieurs collèges, sa représentativité est établie en fonction des suffrages recueillis dans l’ensemble de ces collèges?». En l’espèce, un syndicat affilié CFE-CGC avait mis à jour ses statuts peu de temps avant l’organisation des élections et présenté au premier tour des candidats dans le premier collège. La question s’est posée de savoir si la solution devait être la même lorsque la présentation des candidats dans le premier collège intervient seulement au second tour des élections. La Cour de cassation, dans un arrêt du 31/01/2012, considère que l’audience électorale est un élément déterminant de la représentativité et qu’elle doit être appréciée tous collèges confondus dès lors que, ?en conformité avec ses statuts, un syndicat présente des candidats dans tous les collèges y compris le collège employés-ouvriers, peu important que cette présentation de candidats n’intervienne qu’au second tour. On peut considérer au travers de ces décisions qu’un syndicat affilié à la CFE-CGC qui est, à l’origine, une organisation syndicale catégorielle, se comporte comme un syndicat intercatégoriel si ses statuts lui ouvrent la faculté de présenter des candidats dans tous les collèges et qu’il use de cette faculté dans le collège des ouvriers-employés au premier ou au second tour des élections professionnelles. Il est tentant de pousser le raisonnement en estimant, au regard du principe d’égalité de traitement, que la même solution doit être retenue dès lors que les statuts du syndicat catégoriel l’autorisent à désigner des candidats dans le premier collège, même si celui-ci décide de ne pas utiliser cette faculté. En effet, un syndicat intercatégoriel qui choisit de présenter des candidats dans deux collèges sur trois par exemple voit évaluer sa représentativité en fonction de son audience électorale dans l’ensemble des trois collèges. La Cour de cassation ne manquera pas de se prononcer sur cette question.