Céline Kauffmann, qui a dirigé le rapport OECD Regulatory Policy Outlook 2015, revient pour Décideurs sur les principaux points à retenir.

Décideurs. Quelle est la conclusion générale de votre rapport??

Céline Kauffmann. Nous constatons que beaucoup de progrès ont été réalisés depuis vingt ans. Au début des années 1980, le développement du corpus législatif était non maîtrisé tandis que le cadre juridique se complexifiait. Depuis, les pays membres de l’OCDE ont établi les conditions du mieux légiférer en insérant dans leur cadre législatif et institutionnel des éléments comme l’étude de la loi, l’évaluation de son impact et la création d’institutions situées au centre de l’édifice public pour contrôler l’application des nouveaux textes. Nous sommes passés d’une approche juridique à une implication plus économique de la loi.

Cependant, la culture du mieux légiférer n’est pas encore totale. Les consultations publiques arrivent encore trop tardive ment, les évaluations d’impact sont parfois sommaires et rares sont les comparaisons des coûts et bénéfices des nouveaux projets de loi.

 

 

Décideurs. Quel est précisément l’objet de votre étude??

C.?K. Nous avons examiné le processus d’élaboration des projets de loi émanant de l’exécutif. Tout ce qui touche aux parlements nationaux relève de la Constitution des pays et notre jugement serait perçu comme un obstacle à la séparation des pouvoirs. Certains pays (comme le Royaume-Uni, la Suède ou la Suisse) ont tout de même développé des unités pour engager des procédures collaboratives au sein de leur parlement.

Nous n’avons pas non plus étudié le processus normatif des autorités de régulation. Notre réseau des régulateurs économiques se réunit deux fois par an sur les questions de bonne réglementation. Nous accompagnons le pouvoir central qui lui-même guide les régulateurs. Ces derniers utilisent ensuite les bonnes pratiques définies.

 

 

Décideurs. Y a-t-il des bons et des mauvais élèves??

C.?K. Nous ne voulons pas stigmatiser les pratiques, sachant que les membres de l’OCDE ont chacun leurs particularités. Nous ne mettons pas les pays en concurrence, nous leur offrons des voies d’amélioration à travers des chiffres et l’élaboration de bonnes pratiques.

 

 

Décideurs. Quelles sont les méthodes que vous scrutez??

C.?K. Nous examinons trois aspects du développement des projets de loi?: l’évaluation ex-ante, ex-post et la consultation des parties prenantes (les régulés) en application des recommandations de 2012 de l’OCDE. Le mieux légiférer est une discipline qui doit se retrouver dans l’ensemble du processus normatif. Or, nous observons que les pays s’investissent beaucoup en amont du projet de loi mais laissent de côté des bonnes pratiques lors de leur adoption puis de leur mise en œuvre.

 

 

Décideurs. L’évaluation ex-post d’une loi n’a-t-elle pas un caractère politique, et donc subjectif??

C.?K. Il y a toujours un côté politique à un projet de loi mais son évaluation doit reposer sur une étude des faits. En effet, pour qu’il y ait une loi, il faut qu’il y ait un problème posé. Si une étude d’impact et une consultation exhaustive des parties prenantes sont menées, l’approche politique fait place à un traitement objectif du problème. C’est ce que nous recommandons?: poser un problème, évaluer les coûts et les bénéfices, déterminer les parties affectées et les rétributions pour ensuite donner au législateur les clés de la décision.

 

 

Décideurs. Comment diffusez-vous vos conclusions??

C.?K. Nous avons présenté notre rapport à Helsinki et à Mexico?; nous allons le faire prochainement à Bruxelles, Washington et Stockholm. Nous sommes surtout à l’écoute et à la disposition des pays membres qui souhaitent bénéficier des conclusions de notre rapport pour mener des discussions internes. Notre étude a vocation à être renouvelée tous les trois ans et elle s’adosse à une série d’enquêtes menées dans chacun des pays de l’OCDE.

Nous souhaitons avant tout éviter le risque de voir les bonnes pratiques du mieux légiférer devenir purement bureaucratiques lorsque ses acteurs ne perçoivent pas l’impact sur le citoyen. Nous incitons donc les pays membres à se recentrer sur la qualité législative plutôt que sur la quantité sans remettre en cause leurs objectifs.

 

Propos recueillis par Pascale D'Amore

 

Retrouvez l'article "L'OCDE s'engage pour une meilleure réglementation"

 

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