Avocats contre la pauvreté, par Oxfam
Récemment, une délégation d'Olap s'est rendue au Tadjikistan afin de travailler avec l'équipe d'Oxfam(1) qui travaille dans la capitale, Douchanbé, sur des questions comme la formation juridique et les droits des femmes. Une membre de la délégation, Catherine Dunmore, avocate spécialisée en arbitrage international à Paris, nous donne un aperçu de cette visite et des projets d'OLAP au sein du pays.
Notre délégation a rencontré plusieurs membres du gouvernement tadjik pour aborder certains problèmes très actuels au Tadjikistan, concernant notamment l'éducation et les droits des femmes, ainsi que l'égalité entre les sexes. Ces questions font déjà partie de l'agenda du gouvernement, qui vient de promulguer une loi sur la prévention des violences conjugales.
Par ailleurs, nous avons soulevé auprès de ces personnalités la capacité d'Oxfam à assister le gouvernement dans ses négociations internationales. Lors des grands sommets internationaux, les pays développés disposent d'équipes d'avocats qui veillent à la protection des intérêts de leur pays. Les Etats comme le Tadjikistan n'ont, eux, pas toujours accès à de tels conseils juridiques. OLAP est capable de mobiliser des avocats spécialisés dans les domaines nécessaires pour conseiller ces gouvernements.
La formation juridique au Tadjikistan
Oxfam doit également faire face à l'effondrement du taux d'alphabétisation en milieu rural, et à la nécessité de mieux soutenir le corps juridique, y compris en matière de formation. Notre délégation a donc rencontré deux doyens des facultés de droits pour évoquer la formation juridique.
Dans les facultés de droit tadjikes, environ 30% des étudiants sont des femmes. Afin d'harmoniser le niveau national, le pays a récemment créé un examen national pour accéder aux études de droit. Cependant, le fait que les examens soient en russe constitue pour les femmes un obstacle, car la qualité de l'enseignement du russe se dégrade de plus en plus. Il est donc difficile pour les Tadjikes d'accéder à l'université, particulièrement pour celles venant d'un milieu rural. Face à ce problème, le gouvernement vient de créer un programme pour encourager ces dernières à poursuivre des études universitaires, en accordant des bourses pour entrer dans plusieurs universités. Néanmoins, des progrès restent à faire.
Olap travaille donc en coopération avec les universités tadjikes pour améliorer la formation et les ressources juridiques, surtout pour les femmes venant des milieux ruraux. Un projet de création de programmes d'échanges entre des étudiants ou des professeurs tadjiks et de leurs homologues dans les institutions étrangères est actuellement à l’étude, tout comme l'examen de nouvelles ressources juridiques qui pourraient être données aux facultés de droit.
L'accès à la justice au Tadjikistan
Nous avons par ailleurs rencontré Zanjira Avliyoeva, une avocate qui dirige une clinique juridique bénévole dans la région de Vakhsh, dans le sud du pays, grâce au soutien d'Oxfam. Pendant ses visites, Zanjira conseille environ trois ou quatre clients par jour, dont une majorité de femmes. Il lui arrive parfois de donner ses conseils, principalement en matière de droit patrimonial et de droit de la famille, alors même que ces femmes sont en train de travailler dans les champs. Comme l'accès à l'aide juridictionnelle est limité, elle représente gratuitement ses clients devant les tribunaux tadjiks ou au cours de négociations. Avec l'aide d'Oxfam, Zanjira organise également des séminaires sur le droit matrimonial et l'accès au juge, afin que les femmes issues de ces communautés connaissent mieux leurs droits au quotidien.
Olap cherche à mettre en place un projet de jumelage (au Tadjikistan au départ, puis à l'étranger) entre des avocates tadjikes et européennes. En créant des liens entre les membres de la communauté juridique, nous espérons non seulement améliorer la qualité de l'accès à la justice, mais aussi renforcer les compétences des praticiens grâce au partage d’expériences et le développement de la formation juridique. Ce projet de partenariat entre des avocats du monde entier serait le premier en son genre.
Enfin, nous avons rencontré Najbiddinova Bibiniso, une cliente récente de Zanjira, dont le mari, un travailleur migrant (comme un huitième de la population du Tadjikistan), a été tué en Russie il y a sept ans. Puisque leur mariage n'a jamais été enregistré, Najbiddinova n'a pas le droit d'accéder à certains documents tel que son certificat de décès. Elle s’est donc retrouvée aux prises avec son beau-frère dans une bataille juridique portant sur l'héritage de son mari. Aujourd'hui, elle et ses enfants risquent de se retrouver sans abri. Les mariages non enregistrés sont fréquents au Tadjikistan: après un divorce ou le décès du mari, il arrive souvent que les épouses n'aient aucun statut juridique, ce qui les laisse sans droit de propriété, pension alimentaire, ou droit de garde sur leurs enfants.
Avec une part importante de la population masculine émigre en Russie pour y travailler, OLAP aide les Tadjiks qui sont restés au pays, comme Najbiddinova, car ces communautés font partie des plus pauvres et des plus marginalisées de la région.
En rejoignant OLAP, les membres peuvent promouvoir des projets juridiques, aider à définir la direction stratégique de l'association, se porter bénévoles, poursuivre des recherches et rejoindre des groupes de travail portant sur des domaines juridiques spécifiques (comme la formation juridique et les droits des femmes).
[1] www.oxfam.org.uk/donate/lawyers-against-poverty