Malgré une situation proche du chaos et un affaiblissement de ses troupes, EE-LV continuent de proposer des solutions économiques alternatives, soutenues par plusieurs spécialistes.

Décideurs. Que proposez-vous pour relancer l’économie et lutter contre le chômage ?

Julien Bayou. Les deux ne sont pas forcément liés. La preuve : certaines croissances sont destructrices d’emplois (robotisation, transactions à haute fréquence…). Je pense qu’il faut commencer par accepter que le plein-emploi tel qu’on l’a connu pendant les « trente glorieuses » était une exception. Nous devons imaginer une économie post-croissance en commençant par réduire le temps de travail. C’est indispensable si on veut lutter contre le chômage. Nous sommes actuellement focalisés sur les 35 heures et une majorité de Français travaillent 39 heures par semaine avec une super-productivité. Une évolution qui irait de pair avec un revenu inconditionnel et une nouvelle protection sociale généralisée, quel que soit le statut. Enfin, nous préconisons le soutien aux activités utiles qui participent au bien-être des Français.

 

 

Décideurs. C’est-à-dire ?

J. B. Nos élites politiques ont été trop longtemps biberonnées aux vieux schémas assimilant la croissance et l’emploi. Nous devons d’abord choisir une économie au service de la population. Moins de cancer, c’est peut-être moins de profits pour les laboratoires pharmaceutiques, mais c’est plus de bien-être pour les Français. Pour y parvenir nous devons accompagner toutes les activités écolo-compatibles et encourager le basculement progressif vers le bio. Les deux grands constructeurs automobiles français continuent par exemple de s’appuyer sur le diesel. Nous savons pourtant que, outre son aspect cancérigène, c’est un marché qui tend à s’éteindre. En continuant sur cette voie, nous deviendrons les rois du cimetière. Un exemple qui prouve que le bio peut booster notre économie.

 

 

Décideurs. Que préconisez-vous en matière fiscale ?

J. B. L’impôt sur le revenu est problématique. Il est identifié comme le principal revenu de l’État par les Français, mais c’est loin d’être le cas si on considère le budget global du pays. Chez EE-LV, nous nous inscrivons globalement dans les recommandations de Thomas Piketty sur la révolution fiscale et la redistributivité.

 

 

Décideurs. Et quant aux entreprises ?

J. B. Les optimisations fiscales conduisent en réalité à l’abolition fiscale. Certaines grandes entreprises payent deux fois moins d’impôt que les PME, ce qui constitue une concurrence déloyale insupportable.

 

 

Décideurs. Comment pourrons-nous parvenir à réduire la dette ?

J. B. Les solutions sont européennes. Nous devons bien comprendre que les trois derniers présidents de la République ont cramé l’avenir pour bricoler le présent. Aujourd’hui, la réponse ne peut être que collective. Certains ont cru qu’on pourrait réduire la dette en dépouillant les services publics. Une solution simpliste dont on paye inévitablement les conséquences dix ou quinze ans plus tard. Nous devons être responsables pour deux générations en organisant notamment une conférence globale sur la dette pour fixer des remboursements à plus long terme. Certaines marges de négociation n’ont même pas encore été envisagées. Sans compter que les créanciers ont eux aussi intérêt à ce que la dette soit rééchelonnée s’ils veulent éviter le défaut de paiement. C’est aux élus de se rassembler pour mener la bataille auprès de l’Union européenne et défendre les intérêts des Français.

 

 

Décideurs. Chez EE-LV aussi vous avez du mal à vous rassembler…

J. B. Nous sommes dans une situation catastrophique. Le congrès que nous venons d’organiser n’a réuni que 3 000 votants. À cause de certains comportements opportunistes, nous avons perdu nos troupes à l’Assemblée. Le paysage est noir pour notre parti, car nous n’offrons pas de solution politique à tous ceux qui militent pour une alternative écologique et qui prônent une économie sociale vivante. Le camp humaniste, progressiste et écologiste existe, mais n’est aujourd’hui pas correctement représenté. C’est pourtant ce que nous essayons de faire en proposant une autre voie entre les politiques des réactionnaires et celles des gestionnaires.  

 

Décideurs. Est-ce une question de temps ?

J. B. Sûrement. L’évolution est notable, car la prise de conscience écologiste est là, même si les actes peinent à venir. Quand il s’agit de remettre en cause des situations d’accaparement des ressources par une poignée de personnes, les bonnes volontés s’estompent. Ce sont des radicaux d’inspiration écologiste qui peuvent apporter des solutions.

 

 

Décideurs. Vous avez parfois été assimilé à Nuit debout. Le mouvement s’essouffle-t-il ?  

J. B. J’y suis allé plusieurs fois, car je m’y sens bien. Pendant plus de deux mois, des Français se sont réunis pour débattre sur des sujets concrets, déterminer des actions jour par jour... Ils se sont réapproprié la place de la République. Personne ne sait vraiment ce vers quoi le mouvement va tendre et ce n’est même pas dit qu’il aboutisse à quelque chose. Le mouvement ne s’essouffle pas, il évolue. La dynamique s’est au fur et à mesure transformée en soutien aux cheminots et aux opposants à la loi « Licenciement ». Je pense que ça en dit beaucoup sur la défiance des citoyens envers la démocratie participative.

 

Propos recueillis par Capucine Coquand.

@CapucineCoquand

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