Jean-Frédéric Poisson (parti chrétien démocrate): « La sécurité n’est pas le seul moyen pour lutter contre le terrorisme »
Décideurs. Comment le parti que vous présidez peut-il se revendiquer à la fois chrétien et aconfessionnel ?
Jean-Frédéric Poisson. Le PCD est aconfessionnel car il n’est pas un parti religieux. Il appartient à la grande tradition française des démocrates-chrétiens qui a pris racine à la révolution. Son objectif : placer certaines valeurs du christianisme (faire attention aux plus fragiles, partager les richesses tout en étant libre d’en créer, … etc.) dans l’espace public.
Pourquoi avoir choisi de participer à la primaire de la droite et du centre ?
Le PCD est aujourd’hui éloigné du centre de gravité mais pas des valeurs fondatrices de la droite et du centre. Si nous participons à la primaire, c’est parce que nous avons l’intuition que la présidentielle va se jouer au couteau pour la droite et que nous ne voulons pas l’empêcher d’accéder au second tour. Je ne me serais d’ailleurs pas présenté si l’un des candidats des Républicains défendait les valeurs qui me sont chères. Je suis un homme de droite qui s’assume. Ni nerveux ni brutal ni orgueilleux, mais inspiré par le christianisme social. C’est un héritage que la droite aurait à mon sens du conserver. Elle ne l’a pas fait.
« Je suis un homme de droite qui s’assume. Ni nerveux ni brutal ni orgueilleux, mais inspiré par le christianisme social »
Concrètement, comment vous distinguez-vous des six autres candidats à la primaire ?
Je me distingue déjà de fait, puisque je suis le seul à ne pas être issu du parti des Républicains. Mon profil est lui aussi différent puisque je suis le seul ancien chef d’entreprise et conservateur assumé des candidats de cette campagne. Je suis également le seul chasseur. Quant à mes positions au niveau international, elles sont claires : je suis pour une Europe des nations souveraines et pour la sortie du fédéralisme.
La primaire est largement orientée vers les questions sécuritaires. Que proposez-vous concrètement à ce niveau ?
Les effectifs de Défense ont été rabotés de manière déraisonnable entre 2007 et 2012. Je pense qu’ils manquent cruellement à la société française et qu’il est indispensable de les renforcer. C’est pourquoi je propose de reconstruire notre politique de défense en augmentant le budget alloué à hauteur de 5 % du PIB et en renforçant les effectifs de l’armée avec 300 000 soldats de plus. Les hommes doivent être sur le terrain. Je pense que nous devons également revoir nos services de renseignement. Mais ce qui me frappe surtout, c’est la facilité avec laquelle l’État islamique recrute des jeunes Français. Ces derniers trouvent avec Daech une forme de communauté des possibles, une famille de remplacement mortifère et illusoire. Aucune réforme du renseignement ne réparera ce besoin d’appartenir à une société de référence. Le problème n’est donc pas uniquement sécuritaire, il est aussi politique. J’ai d’ailleurs voté contre la prolongation de l’état d’urgence il y a quelques mois, avec la conviction que la logique sécuritaire ne suffit plus. On ne peut pas faire croire aux Français que la sécurité est le seul moyen de lutter contre le terrorisme.
Quelle serait alors la solution politique ?
Nous devons rappeler aux musulmans de France que nous avons besoin d’eux pour lutter contre l’islamisme radical et qu’ils seront toujours les bienvenus. Nous devons aussi leur dire que l’Islam en tant que tel pose problème, mais que l’État est là pour protéger les musulmans modérés et les aider à s’aider eux-mêmes.
Quelles sont vos autres propositions majeures ?
Je souhaite d’abord renforcer les fonctions régaliennes de l’État en augmentant leur budget, comme pour la Défense. Sur le plan économique, je préconise qu’une plus grande liberté soit laissée aux entreprises avec un assouplissement des normes et une baisse des cotisations sociales. L’objectif : leur permettre d’embaucher. Je propose par ailleurs d’établir un service national de dix mois durant lesquels chaque Français (âgé d’au moins 18 ans), servirait son pays d’une manière ou d’une autre, en s’engageant dans des écoles, des hôpitaux… Enfin, je veux replacer la famille au centre de toutes les préoccupations publiques. Je propose notamment d’abroger la loi Taubira, pour la simple raison qu’elle va à contre-courant des différences entre les hommes et les femmes.
« Je ne m’inscris pas dans la démarche qui consiste à constituer un groupe de soutien ou à suivre une stratégie marketing. »
Comment financerez-vous l’augmentation du budget des fonctions régaliennes ?
Il faut bien comprendre que certaines dépenses créent des richesses. Lorsqu’on reconstruit l’outil de défense nationale, on relance l’industrie de l’armement. Un porte-avion coûte peut-être quatre milliards d’euros, mais il crée aussi de l’emploi...
Vous souhaitez également diminuer le nombre de fonctionnaires…
Oui, seuls ceux qui travaillent pour les fonctions régaliennes de l’État accéderont au statut de fonctionnaires, les autres seront simplement contractuels.
Difficile de connaître vos soutiens. Pouvez-vous nous éclairer ?
J’ai beaucoup d’amis, mais peu de soutiens. Je me satisfais des personnes qui viennent me voir lors des réunions publiques et ce n’est pas à moi de rendre public leur nom. Je ne m’inscris pas dans la démarche qui consiste à constituer un groupe de soutien ou à suivre une stratégie marketing.
Qui soutiendrez-vous si vous ne passez pas le premier tour ?
J’ai pris l’engagement de suivre le vainqueur de la primaire et je m’y tiendrai. Je n’ai en revanche pas l’obligation de soutenir l’un des deux finalistes. Si aucun de ces derniers ne souhaite reprendre nos propositions, alors aucun n’aura notre soutien. Quoi qu’il en soit, les électeurs de la droite et du centre seront tenus au courant puisque ma démarche sera publique et pleinement transparente.
Propos recueillis par Capucine Coquand