Expert des sociétés nord-américaines, auteur du guide des élections américaines en 2012 et de plusieurs ouvrages avec la politologue franco-américaine Nicole Bacharan, Dominique Simonnet redoute l’élection de Donald Trump, « un leader éructant et misogyne ».

Décideurs. Quel regard portez-vous sur les deux prétendants à la Maison-Blanche ?

Dominique Simonnet. Hillary Clinton est une candidate très expérimentée qui connaît parfaitement la Maison-Blanche, qui a également été sénatrice puis secrétaire d’État dans un monde en crise. Cette expérience l’avantage, mais la dessert aussi. Pour beaucoup d’Américains, elle représente l’élite et les politiciens corrompus qui accaparent tous les privilèges. Donald Trump, de son côté, n’a pas les aptitudes pour être président des États-Unis. Ce milliardaire cynique n’hésite pas afficher son mépris de la démocratie. Il s’agit d’une élection inédite. C’est d’une part la première fois qu’une femme arrive à ce niveau et d’autre part qu’elle se retrouve face au plus inexpérimenté des candidats.

 

Selon certains observateurs, Donald Trump se montrerait radical à des fins purement électorales, et serait plus modéré s’il venait à être élu. Partagez-vous cet avis ?  

Non, je crois que c’est une erreur. Lors de la primaire des Républicains, beaucoup ont pensé que les propos de Donald Trump avaient vocation à séduire les extrêmes et qu’il changerait de comportement par la suite. Pourtant, rien n’a changé une fois qu’il a remporté la primaire républicaine. Donald Trump est Donald Trump : un mâle dominant. Et son comportement, comme celui des Républicains depuis quelques années, pose un réel problème démocratique.

 

Vous parlez même de « bug démocratique »…

Il faut bien comprendre que la tradition démocratique républicaine repose sur un jeu d’équilibre et de compromis. Or, depuis quelques années, les Républicains refusent toute sorte de compromis et bloquent systématiquement la moindre réforme. À cela s’ajoutent les menaces lancées par Donald Trump. Celui-ci étant allé jusqu’à dire qu’il pourrait refuser le résultat des urnes le 8 novembre.

 

« Il faut bien comprendre que la tradition démocratique républicaine repose sur un jeu d’équilibre et de compromis »

 

Sur le plan économique, certains évoquent la ressemblance entre le programme de Donald Trump et le New Deal de Roosevelt. Qu’en pensez-vous ?

Le programme de Donald Trump contient effectivement des mesures protectionnistes. Mais le contexte est très différent de celui du New Deal des années 1930. Le monde d’aujourd’hui est largement marqué par la mondialisation de l’économie. Par ailleurs, certaines mesures proposées par Donald Trump, comme la taxation des entreprises qui délocalisent leurs activités ou l’augmentation des droits de douanes, peuvent avoir des effets pervers et sont jugées dangereuses voire suicidaires par la plupart des économistes.

 

Sur le plan économique, Hillary Clinton quant à elle, se situe dans la continuité de Barack Obama ?

Oui. Son objectif est simple : renforcer et consolider les acquis de Barack Obama, principalement en matière de santé. Sa politique est davantage sociale puisqu’elle propose notamment d’augmenter les impôts pour les Américains les plus riches et propose d’investir dans les infrastructures publiques pour relancer l’économie.

 

La popularité de Donald Trump démontre la volonté de toute une partie des Américains de se mettre à l’écart des problèmes du monde…

C’est très net, le ras-le-bol est une tendance générale. Les guerres d’Irak et d’Afghanistan ont coûté des vies. Les américains veulent se mettre à l’écart des conflits. Les positions de Donald Trump en matière de sécurité internationale sont pourtant très floues. Il dit qu’il luttera contre Daech, mais qu’en même temps il quittera l’Otan.

 

Son élection ferait-elle inévitablement monter les tensions ?

Oui, et pas seulement aux États-Unis. S’il est élu et qu’il décide d’appliquer les mesures qu’il promet, cela risque de ne pas plaire aux Européens. Sur le plan écologique par exemple, il propose de revenir sur les accords de Paris. Sans compter l’inquiétude des marchés. Donald Trump renvoie une image d’instabilité, ce que le monde de la finance redoute par-dessus tout. Lorsqu’il dit qu’il compte expulser onze millions d’immigrés, notamment dans la communauté hispanique, c’est très inquiétant, parce que, quoi qu’on en dise, ils font fonctionner l’économie. Sur le plan international, Donald Trump est vu comme un leader éructant et misogyne. Ce n’est pas une image formidable pour la première puissance mondiale.

 

Propos recueillis par Capucine Coquand

@CapucineCoquand

Newsletter Flash

Pour recevoir la newsletter du Magazine Décideurs, merci de renseigner votre mail