Democracy
Editorial
« Il est l'élu et le porte-drapeau de ce bizarre conglomérat de fondamentalistes du Sud, d'individualistes forcenés de l'Ouest, de conservateurs à tous crins, de travailleurs manuels de grands États industriels, exaspérés par l'inflation et le chômage. » C’est en ces termes que L’Express expliquait en novembre 1980 la victoire de Ronald Reagan sur Jimmy Carter.
Trente-six ans et un nouveau président plus tard, la même incompréhension saisit aujourd’hui les élites françaises. Misogyne, raciste, barbare : accablé de tous les défauts du monde par les principaux médias occidentaux, le quarante-cinquième président des États-Unis démontre par son élection toute la vigueur de la plus grande démocratie du monde. Jugé malade et à bout de souffle par ces mêmes observateurs, le système politique américain s’est finalement reposé sur son propre corps électoral pour recevoir un traitement de choc.
Porté par un indéniable instinct, un milliardaire new-yorkais est parvenu à déjouer les pronostics dans un contexte tout à fait exceptionnel : confronté à l’establishment de la côte Est et brocardé par le tout-Hollywood, il a fait basculer l’électorat malgré des dépenses de campagne largement inférieures à celles de sa concurrente : 358 millions de dollars, contre 713 dans le camp démocrate.
Ce 9 novembre 2016, le peuple américain n’a pas élu la première femme présidente des États-Unis. Un acte manqué que l’histoire corrigera assurément. C’est en revanche une personnalité de la société civile, déconnectée des partis, qui présidera depuis le Bureau ovale. Tout un symbole, tant il paraît évident que son succès ne signe pas le retour du Grand Old Party, mais couronne un mouvement populaire, né de colères accumulées et véhiculées par les réseaux sociaux.
Après le Brexit et six mois avant l’élection présidentielle française, la victoire de Donald Trump sonne comme un avertissement à celles et ceux qui, drapés des valeurs de la République, assènent leçons et consignes de vote aux électeurs. Le peuple est libre, sa souveraineté absolue et la démocratie surprenante. Pour le meilleur et parfois pour le pire.
Pierre Netter
Rédacteur en chef