François Fillon : un vote par défaut pour les entrepreneurs et chefs d’entreprise ?
« Libérer l’économie » : un objectif que François Fillon répète comme un mantra depuis des mois. Celui que les sondages voyaient comme le troisième, voire le quatrième homme de la primaire de la droite a finalement écrasé ses concurrents avec ses prises de position libérales assumées. « Il faut supprimer un maximum de contraintes inutiles », déclare-t-il en mai, insistant sur sa volonté de libérer le marché du travail. Comment ? En supprimant les 35 heures, en instaurant un nouveau CDI avec des modalités de rupture prédéfinies et en créant un statut juridique de prestataire indépendant pour les auto-entrepreneurs. Des mesures qui permettraient notamment de doubler le nombre de personnes exerçant leur activité en libéral. « Je propose de passer à l’acte II de l’auto-entrepreneur », déclare le Sarthois à l’occasion d’une invitation par la fondation Entreprendre le 12 avril. Des mesures pas franchement « révolutionnaires » selon l’économiste Robin Rivaton.
L’entrepreneuriat : sa priorité
« En 2009, l’instauration du statut d’autoentrepreneur a été une grande réussite politique qui a touché près d’un million de Français, ce n’est pas rien, analyse ce proche de Bruno Le Maire qui a rallié François Fillon au second tour. L’opinion publique y est très favorable, cela donne une image dynamique de la société française. » Ce n’est donc pas un hasard si le député de Paris s’est entouré de Philippe Hayat, entrepreneur, fondateur de la filière entrepreneuriat à l’Essec et président de l’association 100 000 entrepreneurs pour élaborer son programme économique. « Depuis trois ans, François Fillon mobilise ses armées sur le terrain pour sonder de façon assez large le monde de l’entreprise, estime Denis Jacquet, le président de l’association Parrainer la croissance. Il en a même fait sa priorité. » Preuve de la crédibilité de son programme : sur les réseaux sociaux, il est le seul candidat de la primaire à réunir des groupes « entrepreneurs avec Fillon », rassemblant plusieurs milliers de personnes. « Il est celui qui a donné la plus grande place aux créateurs d’entreprises dans sa campagne », reconnaît Robin Rivaton.
Ralliement des chefs d’entreprise
Outre les startuppers et autres jeunes pousses de l’économie française, le champion de la droite rallie également à sa cause des chefs d’entreprise chevronnés. C’est le cas de Viviane Chaine-Ribeiro, présidente de Talentia software, Arnaud Vaissié, fondateur de International SOS ou encore Pierre Danon, ancien dirigeant d'entreprises cotées, directeur adjoint de la campagne de François Fillon. Performant dans son rôle d’ambassadeur, ce dernier ne perd pas une occasion de soutenir les idées de son candidat. « La France est le seul pays où on n’a pas donné sa place à l’entreprise, explique-t-il à L’Opinion. (…) Notre programme n’est que du pragmatisme et du réalisme. » Une voix qui, forcément, trouve une résonance toute particulière du côté des chefs de TPE et PME. Dans son ouvrage Patrons, tenez bon ! (Ed. Albin Michel), Karine Charbonnier, dénonce les lourdeurs administratives pesant sur les entreprises et ne s’en est jamais caché : son vote, c’est à François Fillon ? le seul, selon elle, à pouvoir « créer un choc de confiance et de simplification » ? qu’elle le destine depuis le début. Pas d’hésitation non plus pour Patrick Gruau, P-DG du groupe qui porte son nom employant plus de 13 000 personnes. « À vouloir trop protéger les salariés, on rend les patrons craintifs », déclare le « filloniste » dans les colonnes du Figaro.
Attention à Emmanuel Macron
Et si cette orientation vers les entrepreneurs et chefs d’entreprise est un « bon point » pour le pays, selon Robin Rivaton, elle ne doit pas être source d’injustices et d’inégalités. « François Fillon est un politicien hors pair, je lui fais confiance pour trouver le juste milieu », estime l’économiste qui attend beaucoup de l’exécution du programme de François Fillon. Rien n’est donc gagné d’avance pour le député de Paris. « Les Français se convertissent à un libéralisme de réalisme plutôt que de conviction », explique l’économiste. Même constat pour Denis Jacquet : « Les chefs d’entreprise ont rejeté Nicolas Sarkozy, étaient dubitatifs quant à Juppé et savaient que Bruno Le Maire n’était pas prêt », analyse-t-il, rappelant que les positions conservatrices de François Fillon ne séduisent pas la totalité des chefs d’entreprise. Ces derniers auraient d’ailleurs déjà un champion, Emmanuel Macron. « S’il réalise un programme à la hauteur de ce qu’il dit, les entrepreneurs voteront massivement pour lui », explique Denis jacquet. Car l’ex-ministre de l’Économie a un atout sur François Fillon : le digital. Il serait même financé par certains ténors en la matière comme Xaviel Niel. Le candidat des Républicains doit donc continuer son travail sur le terrain, sans quoi il pourrait bien se faire doubler par celui qui s’est mis en marche au printemps et qui occupe aujourd’hui la troisième place des intentions de vote.
Capucine Coquand