Le pic de pollution qui plonge la capitale dans un brouillard toxique pour ses habitants depuis mardi 6 décembre n’aurait rien d’inattendu selon les scientifiques.

« La situation n’est pas exceptionnelle », explique Robert Vautard, directeur de recherche au CNRS, au laboratoire des sciences du climat et de l’environnement. Annoncé comme l’un des pics de pollution les plus importants des dix dernières années, celui-ci n’est pourtant pas totalement inattendu et résulte de la rencontre entre la production d’émissions polluantes et des conditions météorologiques défavorables. « Nous avons eu la semaine dernière une vague de froid avec des vents de nord-est, explique le scientifique. Puis la situation s’est inversée avec l’arrivée de vents plus chauds venant du sud, passant au-dessus des vents froids, si bien que ces derniers n’arrivent pas à se mélanger. Un peu comme si l’on versait de l’huile sur de l’eau. » Une situation à laquelle s’ajoute une absence de précipitation. Conséquence ? Les polluants s’accumulent.

 

Des outils de prévision

 

Des conditions prévisibles selon les scientifiques. « De la même manière que nous disposons de prévisions météorologiques, nous avons des outils de prévision de la qualité de l’air », explique Olivier Boucher, directeur de recherche au CNRS, au laboratoire de météorologie dynamique. S’il est possible d’anticiper très en amont les perturbations météorologiques, la qualité de l’air, elle ne peut être mesurée que quelques jours auparavant. Les données sont néanmoins publiques et disponibles sur le site www2.prevaire.org qui dépend notamment du ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie. La difficulté est donc ailleurs, et résiderait davantage dans notre capacité à anticiper la façon dont les polluants se dispersent dans l’atmosphère. « Les prévisions nous donnent des probabilités très fortes mais pas suffisamment précises pour prévoir les vents, analyse Robert Vautard. C’est une réelle difficulté scientifique et technique. »

 

Indispensable coordination européenne

 

Autre problématique : la multitude des sources de pollution (industrie, trafic automobile, chauffage…).  « Ce n’est pas en arrêtant le trafic uniquement dans une ville que l’on va résoudre la situation », estime le scientifique. Il n’y a pas de « remède miracle », confirme Olivier Boucher pour qui la mise en place de la circulation alternée est certes insuffisante mais aurait néanmoins un effet positif à court terme. Et pour cause, il suffirait de 24 heures pour que l’air sorte de l’agglomération. « Le problème c’est qu’il est immédiatement remplacé par de l’air lui-même pollué », nuance Robert Vautard, convaincu que la solution ne peut être que globale et passera inévitablement par une coordination au niveau européen. « Lorsqu’on est face à un épisode comme celui que nous traversons, les polluants s’accumulent en réalité à très grande échelle. La pollution peut venir des Pays-Bas ou d’Allemagne », explique-t-il. Pour réduire ponctuellement la pollution, les Chinois tentent de leur côté de recourir à d’autre processus, notamment l’arrosage des chaussées dans les grandes villes. Un moyen permettant d’éliminer les particules qui se déposent en surface. « L’efficacité de la mesure est surement réelle, mais elle reste très faible », estime Olivier Boucher. Outre la réduction des émissions, la protection de la population passerait aussi par des mesures de santé publique. Informer tout particulièrement les personnes les plus sensibles, mettre en alerte les services de soin et se protéger (via le port de masques par exemple) deviendraient donc, à long terme, des réflexes indispensables. Car une certitude demeure : d’autres pics de pollutions sont à prévoir.

 

Capucine Coquand

@CapucineCoquand

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