Profitant à la fois de l’affaiblissement des partis traditionnels et de la dynamique populiste née du Brexit et de l’élection de Donald Trump, la candidate du FN – qui culmine en tête des intentions de vote au premier tour –, pourrait bien remporter la course à l’Élysée en mai prochain. Décryptage.

Jamais le FN n’aura été si près du but. Loin devant ses adversaires avec 26 % d’intentions de vote au premier tour, Marine Le Pen fait dorénavant la course en tête. Moins clivante que son père, plus diplomate que la plupart des élus de son camp, la candidate autoproclamée « patriote » séduit et ratisse large, au-delà de son électorat de base. Une partie de l’élite parisienne se voile pourtant la face et refuse de reconnaître son influence sur le territoire national, préférant moquer sa stratégie de « dédiabolisation ». Mais la montée en puissance du FN est bien réelle. Pire encore : elle n’est pas surprenante. « Depuis mai 2014, il est le premier parti de France en nombre d’électeurs », rappelle François Durpaire, historien, universitaire et auteur de la BD La Présidente[1] dans laquelle il imagine une victoire de la candidate frontiste à la présidentielle.

 

La fin du plafond de verre 

 

Une hypothèse qui n’a plus rien d’extravagant. Car si l’eurodéputée a su conquérir certains territoires, les victoires de Donald Trump et du Brexit lui ont littéralement donné des ailes. « Avec ces deux événements, le plafond de verre qui empêchait le FN de remporter une élection majeure s’est brisé de l’extérieur », confirme François Durpaire. Sans compter la débâcle des partis « traditionnels », devenus inaudibles pour toute une part de l’électorat. Tandis que François Fillon peine à retrouver la crédibilité perdue après les révélations du « PénélopeGate », au PS, Benoît Hamon se montre pour l’heure incapable de rassembler les forces de gauche. Seul Emmanuel Macron, le candidat d’En Marche !, pourrait venir barrer la route de Marine Le Pen. Quoi qu’il en soit, le Front national semble avoir déjà imposé dans les débats ses thématiques emblématiques. Immigration, sécurité et identité rythment incontestablement la campagne.

 

 

Posture économique

 

Mais la candidate frontiste l’a bien compris : sa meilleure carte, c’est sur le terrain économique qu’elle doit la jouer. Car les pourfendeurs d’un monde dirigé par la finance, dont elle se revendique depuis peu, ont indubitablement le vent en poupe. Tout comme Donald Trump, Marine Le Pen se positionne depuis le début de la campagne en redresseur de torts, s’attaquant violemment au système libéral. « La dénonciation économique et sociale faite par le Front national n’est qu’une posture lui permettant de toucher un électorat plus large, estime François Durpaire. Leur vrai combat est identitaire. » Si sa stratégie devrait lui permettre de passer le premier tour, rien n’indique que le FN passera le second. La seule mauvaise nouvelle pour lui, c’est bel et bien Emmanuel Macron. « Face à Marine le Pen, il incarne l’antisystème raisonnable et rassurant », analyse l’expert.

              

 

Attention à l’abstention

 

Ce qui profiterait surtout à Marine Le Pen ? Une abstention record. « Elle ne peut gagner que si l’élection se joue à 13 millions d’électeurs », prévient François Durpaire. Car si la présidentielle a historiquement toujours inscrit une participation élevée – en 2012, le taux d’abstention pour les législatives s’élevait autour de 42 % contre 20 % pour la présidentielle –, rien n’indique que les Français, plus désabusés que jamais par la politique, se déplaceront cette année en masse. « On ne peut pas écarter l’abstention », certifie l’historien. Plutôt que d’attaquer frontalement le projet du FN, ses concurrents, qu’ils soient de droite ou de gauche, devraient donc d’abord appeler les Français  à voter. Un devoir civique qui, plus que jamais cette année, prend tout son sens.

 

Capucine Coquand

@CapucineCoquand

 

[1] La Présidente, par François Durpaire et Farid Boudjellal, paru le 12 novembre 2015. Éd. Les Arènes. 160 pages. 20 euros.

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