Depuis quelques semaines, Emmanuel Macron affiche à la fois son autorité et sa prise de distance vis-à-vis de la sphère politico-médiatique. Un comportement qui agace comme il séduit. Décryptage.

C’est l’événement phare de la vie politique française en ce début d’été. Comme il l’avait annoncé lors de la campagne présidentielle, Emmanuel Macron s’est exprimé face aux députés et sénateurs réunis en Congrès le 3 juillet dernier. Une initiative largement commentée. Les plus sceptiques y voient une stratégie de communication soigneusement calculée, à la fois coûteuse – autour de 200 000 euros -- et sans réel intérêt, les grands axes de son projet ayant été largement débattus lors de la campagne présidentielle. « Le Parlement est un instrument de travail et pas de communication, regrette Jean-Christophe Lagarde, président de l’UDI sur CNews. Si c’était pour s’adresser aux Français, il suffisait d’organiser une émission de télévision. » D’autres approuvent l’intervention, saluant son envie d’asseoir son autorité devant la représentation nationale, comme le prévoit la Constitution. « Il utilise une prérogative du Président qui existe depuis la révision constitutionnelle de 2008 », explique Pierre Mathiot, professeur de science politiques à Sciences Po Lille.

Stratégie d’installation au pouvoir

Une convocation symbolique et inédite en début de mandat qui, selon l’expert, aura permis au Président de conclure « sa stratégie d’installation au pouvoir ». « Ce discours marque le dernier acte d’une séquence qui a démarré le soir du 7 mai dernier sur le parvis du Louvre. Depuis deux mois, Emmanuel Macron réunit les conditions de cette nouvelle façon de gouverner. » Il y aura donc un avant et un après 3 juillet. Emmanuel Macron a-t-il cherché à affaiblir l’autorité de son Premier ministre, chargé de prononcer le traditionnel discours de politique général devant l’Assemblée nationale le lendemain de la convocation du Congrès. ? Difficile à dire. « En s’exprimant le premier, Emmanuel Macron rappelle qu’il existe une hiérarchie au sein de l’exécutif et que le Premier ministre est sous les ordres du Président », analyse l’expert.

Une méthode pas inédite

En convoquant le Congrès, le Président accède pleinement et définitivement au statut de président « jupitérien » et se pose au-dessus de la vie politique du pays. Si ce comportement en agace certains, notamment dans les rangs de la France insoumise, il n’a rien d’inédit. « La méthode qu’Emmanuel Macron souhaite mettre en œuvre n’est pas nouvelle, rappelle Pierre Mathiot. On utilisait d’ailleurs initialement le terme de monarque républicain pour reprocher au Général de Gaulle son comportement distancié. »  Une distance qui pourrait rapidement se retourner contre lui. 

Semer le doute

À force de vouloir prendre de la hauteur, le Président risquerait de perdre la confiance que les Français lui ont accordée le 7 mai dernier. Certaines de ses récentes interventions semblent avoir semé le doute chez ceux qui avaient vu en lui non pas un professionnel de la politique mais un homme de terrain pragmatique, conscient des difficultés du pays. « Dans une gare, vous croisez des gens qui réussissent et d’autres qui ne sont rien », a-t-il lancé dans l’incompréhension générale à l’occasion de l’inauguration de la désormais célèbre Station F. Et ce n’est pas la seule maladresse commise par le fondateur de la République en marche. À la fin du mois de juin, l’Élysée a fait savoir à la presse que « la pensée complexe du Président se prête mal au jeu des questions-réponses avec les journalistes ». « Emmanuel Macron pense qu’assécher les médias lui permettra de durer en politique », décrypte Pierre Mathiot. Seulement voilà, de l’image d’un chef d’État en retrait de la vie politico-médiatique pour mieux présider, à celle d’un homme de pouvoir dédaigneux et déconnecté de la réalité, il pourrait n’y avoir qu’un pas. Un équilibre fragile dont dépend sa légitimité.

Capucine Coquand

@CapucineCoquand

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